Tereos s’explique sur la vague de démission d’élus dans ses rangs
Thierry Sergeant et Rémi Baudel, membres du conseil de surveillance chez Tereos, reviennent sur la démission des 70 élus du groupe sucrier. Mise au point.
Que s’est-il passé à l’assemblée plénière de la coopérative, le 27 juin dernier ?
Thierry Sergeant : Quasiment tous les délégués de région du groupe étaient présents ou représentés. Cette assemblée était une première depuis la création de la coopérative unique. Nous avons notamment réalisé un scrutin pour l’élection des membres du conseil de surveillance. Deux personnes sur huit n’ont pas été élues, soit Gérard Clay et Laurent Courtier. Les résultats des urnes ont suscité une incompréhension de leur part. Ils ont ensuite fait des appels à la démission et une campagne publique de dénigrement de l’entreprise et de sa gouvernance.
Démissionner, c’est une chose mais, quoi qu’ils en disent, les suffrages se sont exprimés de manière totalement démocratique, et en pleine conformité avec nos statuts. La coopérative, dans tous les cas, continue à fonctionner. Il faut être sur le terrain et continuer à travailler, et ce, d’autant avec le contexte de sécheresse et de canicule que nous connaissons. Il faut donc se serrer les coudes.
Vous évoquez un fonctionnement démocratique. Les démissionnaires parlent, eux, d’une confiscation des débats. Qu’en est-il ?
Rémi Baudel : Evoquer une confiscation des débats est totalement faux. Tereos, c’est 12 000 adhérents, 172 conseillers de région, 22 membres au conseil de surveillance. Aussi est-il normal qu’il y ait des débats au sein du groupe. Et ainsi en a-t-il été au sein d’une centaine de réunions de gouvernance, dont une douzaine pour les conseillers de région. Deux séminaires ont été également organisés pour le conseil de surveillance afin de débattre de la stratégie de l’entreprise. Tout le monde a pu alors s’exprimer et une majorité claire et nette s’est dessinée en faveur d’un projet, où toutes les décisions prises l’ont été dans le sens de la diversification du groupe sucrier. A ce sujet, il faut savoir que les démissionnaires ont validé tous les projets de diversification, et ce, depuis douze ans. Ils ne les contestent que maintenant. Dans tous les cas, dire qu’il n’y a pas eu de débat est totalement faux. Le séminaire en atteste.
Thierry Sergeant : Pour compléter la réponse de Rémi, je signale également que, dans le cadre de la coopérative unique, des commissions ont été créées en parallèle des conseils de région afin de créer un débat transversal dans toutes les régions. Tous les délégués sont libres de participer à la commission de leur choix. Ensuite, les sujets sont validés ou pas par le conseil de surveillance. De même, au sein de ce conseil, un comité d’audit a été créé, ainsi qu’une commission finances et un comité de rémunération pour le bon niveau de transparence. Tout cela se met en place. Peut-être que les démissionnaires ont jugé que cela n’allait pas assez vite, mais c’est un travail de longue haleine.
Que pensez-vous de la démission de ces élus ?
Thierry Sergeant : Il y a beaucoup d’émotionnel dans leur décision, à mon avis. C’est avant tout une histoire d’hommes.
Rémi Baudel : Démissionner, ce n’est pas la bonne méthode quand on a une responsabilité. Cette histoire n’est qu’un débat politicien, qui donne une image négative du groupe. Chacun doit rester lucide. Démissionner et dénigrer l’entreprise n’apportent rien.
Pourquoi n’avez-vous pas démissionné ?
Thierry Sergeant : Démissionner, ce n’est pas dans mes gènes. La coopérative est composée d’agriculteurs qui siègent dans ces instances. C’est important de jouer collectif. Puis, les orientations prises par le groupe sur la diversification sont cohérentes avec l’évolution de la filière, et même nécessaires avec la fin des quotas.
Vous évoquez l’esprit coopérateur. Quelle est donc votre conception de la coopérative ?
Thierry Sergeant : C’est une mission de travail pour les autres et la défense des intérêts collectifs des coopérateurs. Le travail en commun est ma conception du métier d’agriculteur. D’ailleurs, je travaille en assolement commun et je préside une Cuma. Avec Tereos, j’apporte, à mon niveau, ma pierre à l’édifice. Pour réussir, de toute façon, il ne faut pas être tourné sur soi.
Rémi Baudel : La coopérative, c’est une mise en commun des moyens pour l’intérêt général. C’est donc une formidable opportunité pour les agriculteurs.
Autre sujet : les démissionnaires ont alerté sur des résultats décevants du groupe. Est-ce le cas ? Et considérez-vous que ces résultats sont satisfaisants ?
Rémi Baudel : Leurs propos sont alarmistes et, surtout, erronés, car les résultats opérationnels ont augmenté de 35 %. La diversification a apporté, elle, 75 % des résultats du groupe. Dans les dix dernières années, la dette a augmenté de 200 millions d’euros pour générer deux milliards d’euros d’actifs. Quant aux résultats de l’année, ils sont en réalité de 18 millions d’euros, avant distribution de 42 millions d’euros aux coopérateurs. Autrement dit, Tereos va bien sur le plan financier.
Reste que, dans une période aussi fragile pour la filière, entre la fin des quotas et la chute des prix du sucre, quelle est la meilleure stratégie à développer pour la coopérative ?
Rémi Baudel : On veut protéger nos agriculteurs en apportant une régularité dans les revenus. Cela ne peut pas passer uniquement par le prix du sucre, et donc celui de la betterave. Cela passe aussi par une stratégie de diversification des activités, stratégie que développe Tereos depuis plusieurs années déjà, et que l’on veut intensifier à présent. A présent, l’équipe commerciale doit intensifier les ventes. D’où la nécessité de développer la structure salariale, mais aussi la recherche et l’innovation.
Thierry Sergeant : La diversification du groupe est impérative, de même que son internationalisation, car il est important d’avoir une coopérative présente dans les différents pays où nous avons des clients et de les accompagner. C’est aussi le meilleur moyen pour pénétrer les marchés émergents, notamment en Asie. Pour ce faire, on a créé une filiale de commercialisation.
Quelles sont les préoccupations actuelles du groupe ?
Thierry Sergeant : Il est évident que toute cette affaire mise sur la place publique complique la tâche dans un contexte de marchés à la baisse et à l’heure où nous sommes en pleine renégociation des contrats sucres. Une fois cela dit, notre préoccupation, dans l’immédiat, est de préparer le démarrage de la campagne, qui s’avère plus complexe en raison de la sécheresse et de la canicule, comme de s’assurer de la disponibilités des pulpes surpressées pour répondre aux demandes des coopérateurs éleveurs..
Rémi Baudel : Comme auparavant, nous sommes très attentifs à la maîtrise des coûts de production et à la rentabilité de nos usines. C’est la base, je dirais même. Vient ensuite la maîtrise de la commercialisation, avec la recherche de nouveaux produits à offrir. Dans ce contexte de fin de quotas, outre l’amélioration des coûts et la façon de travailler, l’important est également d’avoir les bonnes personnes au bon endroit.
Le prix minimum garanti de la betterave, soit 25 €/t, est-il toujours envisageable ?
Rémi Baudel : On respectera nos engagements pour cette campagne. Pour la prochaine campagne, nous sommes en train d’élaborer la proposition des contrats. On mettra tout en œuvre pour apporter un prix cohérent. Quoi qu’il en soit, l’important est que nous devons tous travailler ensemble dans l’intérêt du coopérateur. Et c’est bien dans ce sens que nous élaborons les contrats avec eux.
L’appel de la CGB à Tereos
La CGB appelle, dans un communiqué en date du 8 août dernier, la coopérative Tereos «à retrouver des instances de gouvernance qui représentent au mieux les planteurs de toutes les régions betteraves afin d’orienter avec efficacité la coopérative dans un contexte plus difficile de fin des quotas. Cela ne peut en aucun cas passer par la menace d’exclusion de coopérateurs aux opinions divergentes». Un appel qui fait suite à la réaction de Tereos après la démission de soixante-dix conseillers des régions Nord Littoral, du Nord et de la Picardie Ouest, le 9 juillet dernier. Celle-ci a décidé, depuis, d’inscrire à l’ordre du jour de son prochain conseil de surveillance la question de l’exclusion de plusieurs élus.
Si le syndicat betteravier rappelle «son devoir de non-ingérence quant aux affaires internes des entreprises sucrières et de neutralité quant à leurs décisions internes de gestion», il précise cependant qu’il «n’acceptera pas que la pluralité des opinions au sein de tous les groupes sucriers soit mise à mal par des menaces d’exclusion. La diversité des opinions dans toutes les structures agricoles doit être entendue et respectée»