Tour des grands dossiers de la FDSEA avec Françoise Crété
L’actualité de 2016-2017 n’a pas manqué pour le syndicat. Revue en détail de l’actualité avec la présidente de
la FDSEA de la Somme.
Si vous deviez brosser le tableau des évolutions de l’agriculture dans la Somme, que diriez-vous ?
Nous avons incontestablement une restructuration des filières, avec un agrandissement des exploitations céréalières, soit du fait de leur extension avec une masse salariale plus importante, soit du fait de leur regroupement.
Pour ce qui concerne les productions animales, deux circuits semblent se dessiner. Le premier concerne une restructuration des exploitations avec une augmentation des volumes produits, le rassemblement de moyens, d’animaux, de matériels et d’éleveurs. Le second porte, lui, sur la mise en place de circuits courts, mais faire de la proximité, cela s’organise, d’autant que cela implique pour le chef d’entreprise d’être multitâches et de faire face à de multiples risques.
Dans tous les cas, quelle que soit la direction prise, il est important pour notre département de garder une vraie complémentarité entre les productions végétales et les productions animales, et de ne pas opposer les différents modèles car nous sommes à la fois tournés vers l’export et le local. Et cette complémentarité est un véritable atout pour le développement touristique de notre département. Pour ce faire, il faudrait que les instances départementales et régionales organisent ces circuits.
Qu’en est-il de la filière laitière dans le département ?
Il y a ceux qui y croient et sont en train de se restructurer, soit en se regroupant, soit en se diversifiant. D’autres font le dos rond en attendant des jours meilleurs ou l’heure de la retraite. Puis, il y a ceux qui mettent la clé sous la porte. Si, demain, l’élevage laitier disparaissait de la Somme, les laiteries auraient matière à s’inquiéter pour leur activité. De même, si cette disparition advenait, ce serait dangereux pour le territoire car, au final, il y aurait moins de prairies, moins de paysages entretenus, moins d’emplois et des terres qui perdraient de leur valeur.
Face à la crise agricole de 2016, qu’a fait le syndicat ?
Dès août dernier, nous avons réuni toutes les organisations professionnelles agricoles pour quantifier les besoins des trésoreries et les pertes de l’année. On a mis en place une cellule de crise avec elles et l’administration pour trouver les solutions les moins douloureuses possibles pour les éleveurs et les céréaliers. Même si des décisions ont été prises, il ne faut pas relâcher notre vigilance et réagir de nouveau, si besoin est.
Quel est l’état d’esprit actuel dans les campagnes ?
Avec la crise agricole, les agriculteurs ont pris conscience qu’ils étaient tous fragiles et qu’ils devaient avoir des projets. Jusqu’ici, sauf en élevage, le monde agricole était assez confiant. Ce n’est plus le cas. Avec la crise de 2016, nous avons pris conscience qu’il n’y avait plus de filet de sécurité, et ce, d’autant que nous sommes directement sur les marchés. Autrement dit, suivant les fluctuations des prix sur les marchés, tout peut se casser la figure en un rien de temps pour une production. Cela a été le cas pour le porc, le lait, le blé. Demain, il peut en être de même pour la betterave avec la fin des quotas.
A cette pression des marchés à laquelle on n’échappe plus, s’ajoute celle de la société tant par rapport à l’image qu’elle nous renvoie que par ses attentes. Le risque est que ses attentes peuvent nous emmener à faire des choses contraires au bon sens. Si cette pression s’accentue, on risque bientôt de ne plus être maître de notre façon de gérer nos entreprises. C’est très déstabilisant pour nous, car on met en doute notre compétence de travail.
Parmi les gros dossiers traités par le syndicat se trouve celui des prairies permanentes. Où en est-on ?
Notre combat a été de passer à un régime d’interdiction à un régime d’autorisation, en prouvant notamment que le ratio défini par les pouvoirs publics était inférieur à 5 %. Pour l’heure, c’est le statu quo. Il faut attendre désormais que les déclarations Pac du 15 mai 2017 soient analysées pour connaître le régime qui sera, au final, appliqué. On espère obtenir le régime d’autorisation.
Les zones vulnérables font aussi partie des combats menés. Pouvez-vous nous dire ce qu’il en est ?
Nous avons déposé un recours démontrant que la qualité de l’eau était dans les limites de la directive européenne en pourcentage d’azote dans les nappes souterraines. Pour ce qui est du rapport d’eutrophisation des eaux de surface, nous avons montré que la méthode d’échantillonnage et le calcul étaient faux. Le recours déposé est en cours.
Notre souhait est d’obtenir un Plan d’actions régional (PAR) des Hauts-de-France (en cours d’élaboration, ndlr) à la hauteur du Plan d’actions national, et en ayant des dérogations agronomiques, car nous sommes sur un territoire où l’on peut épandre facilement et écologiquement tous les deux à trois mois. On propose, pour l’heure, aux agriculteurs, des Pré-dexel pour qu’ils aient un point sur leur situation actuelle et qu’ils puissent définir les manques et les besoins en stockage.
Rappelons que l’arrêté de zonage a eu pour conséquence de zoner tout le département, sauf Cayeux. Or, l’ouest du département est celui qui comporte le plus d’élevage et risque de se retrouver confronté à des contraintes insurmontables pour les exploitations, qui sont déjà fragilisées. Ce que l’on veut, c’est que les exploitations d’élevage ne soient pas handicapées dans leur développement, ou simplement dans leur activité. D’où la nécessité d’obtenir un Plan d’actions régional avec des dérogations.
Avec la loi de modernisation de l’agriculture, une nouvelle réflexion s’impose, semble-t-il, sur le statut du fermage et de l’agriculteur. Pourquoi ?
Suite à cette loi, et parce qu’il est impératif que notre agriculture soit toujours gérée par des agriculteurs du territoire et non par du travail à façon, il est impératif de faire évoluer le statut du fermage et celui de l’agriculteur. Le but du jeu est aussi de préserver l’installation des jeunes.
Autre changement de taille pour le syndicat notamment, la loi NOTRe.
En effet, la dimension cantonale de notre structure ne cadre plus avec le redécoupage cantonal induit par la loi NOTRe. Nous avons donc fait le choix de retravailler sur la réorganisation de nos secteurs cantonaux pour qu’ils soient en adéquation avec la réalité administrative.
Dans tous les cas, nous travaillons à partir de deux critères importants qui sont, d’une part, le maintien de la proximité avec nos adhérents, et, d’autre part, la régionalisation de nos sections. C’est incontournable pour nous, même si cela implique des changements profonds dans les habitudes des élus et des collaborateurs. L’enjeu est de gagner en efficience et d’arriver à porter un message unique auprès des services de l’Etat et des collectivités à l’échelle des Hauts-de-France, ainsi que de créer une vraie dynamique sur ce nouveau territoire. Je pense sincèrement que l’on peut y arriver.
Sur le plan syndical, la FNSEA a connu des élections suite à la disparition de Xavier Beulin. Qu’en pensez-vous ?
Je voudrais d’abord revenir sur Xavier Beulin, qui était un homme avec une dimension exceptionnelle, et dont certains ont découvert sa puissance, sa vision pour l’agriculture et son charisme sur le tard. Incontestablement, c’est une grande perte pour le syndicalisme, car c’était rassurant d’avoir quelqu’un comme lui qui savait donner la direction, surtout dans une époque où on a l’impression que personne ne sait où il faut aller.
Une fois cela dit, le syndicalisme a fait preuve d’audace en nommant à sa tête Christiane Lambert. C’est à saluer des hommes qui mettent à la tête du syndicat une femme. C’est un signe de modernité. Ce qui est réjouissant, par ailleurs, c’est que la FNSEA reste une force incontournable au niveau des décisions du pouvoir.
Que pensez-vous de la nomination de Nicolas Hulot au ministère de la Transition écologique et de celle de Stéphane Travert à l’Agriculture ?
Je souhaite rappeler que l’écologie, l’agriculteur en fait depuis longtemps. On travaille avec la terre et on fait de l’agronomie, certes avec des hauts et des bas parfois. Une fois cela dit, ce qui est inquiétant dans la nomination de Nicolas Hulot, c’est de voir quelqu’un qui vient du show-business parler de l’agriculture. J’espère qu’il va s’appuyer sur les scientifiques pour éviter de prendre des décisions à l’emporte-pièce.
Ensuite, pour ce qui est de la nomination du ministre de l’Agriculture, est-il de travers ou droit ? On ne le sait pas. Ce qui est rassurant, c’est qu’il vient de la Normandie. Il connaît donc ce que sont les grandes cultures et l’élevage. Une fois cela dit, le point positif est que les conseillers nommés à son ministère ont de réelles compétences. Maintenant, il faut qu’il les écoute. On verra cela à l’usage.
Dans tous les cas, ce dont on a besoin, c’est d’une politique avec un vrai projet français et européen. Or, quand on voit la réaction de la France sur les perturbateurs endocriniens, qui veut aller plus loin que les décisions que vient de prendre l’Europe, on peut se poser des questions.