Politique
Trois types d’agriculteurs dans les urnes, droite et centre majoritaires
Une étude de l’Agro Toulouse et du Cevipof dessine trois «pôles idéologiques» au sein des agriculteurs, le plus important (60 %) penchant pour la droite républicaine et le centre. Une majorité loin d’être hermétique au vote RN.
Une étude de l’Agro Toulouse et du Cevipof dessine trois «pôles idéologiques» au sein des agriculteurs, le plus important (60 %) penchant pour la droite républicaine et le centre. Une majorité loin d’être hermétique au vote RN.
Dans un document de travail consulté par Agra Presse, les sociologues François Purseigle et Valérie Olivier (Agro Toulouse), ainsi que l’économètre Pierre-Henri Bono (Cevipof), distinguent trois «pôles idéologiques» parmi les agriculteurs, au sein desquels la droite républicaine et le centre représenteraient 60 %. D’après cette étude basée sur les votes et intentions de vote aux dernières élections, ce pôle majoritaire regrouperait deux profils : des «conservateurs mondialistes» (30 %) et des «libéraux pro-européens» (30 %). Proches de la FNSEA, ces derniers seraient plutôt âgés (plus de 56 ans), exploitent des fermes de plus de 200 ha, en conventionnel et en société. Aux élections européennes, leur bulletin de vote est allé à Valérie Hayer (Renaissance) ou à François-Xavier Bellamy (LR). En cas de duel avec l’extrême droite, comme lors de la présidentielle de 2022, ils choisissent Macron.
C’est ce vote qui les différencie des «conservateurs mondialistes» – et non leur profil agricole, très similaire. Selon les chercheurs, il s’agirait d’agriculteurs «voulant jouer le jeu de la mondialisation, mais se sentant floués par les politiques». Loin d’être hermétiques au vote RN, ces proches de la CR ont voté Bardella ou Bellamy aux européennes, ou encore Marine Le Pen à la présidentielle. Dans une précédente étude parue en mai, François Purseigle et Pierre-Henri Bono estimaient que les agriculteurs étaient tentés par le vote RN, mais moins que la moyenne des Français.
Des votes liés à la proximité syndicale
Le reste des agriculteurs se divise en deux pôles plus tranchés. Celui des «conservateurs identitaires et agrariens» (19 %) revendique un positionnement à l’extrême droite, un «regard très négatif» sur l’UE et une proximité avec la CR (ou aucun syndicat). S’agit-il de «petits exploitants assignés à leur situation économique et conditions de vie ?» C’est l’hypothèse que soulèvent les chercheurs, au vu de leur profil : des exploitations individuelles, un «faible revenu du ménage», des agriculteurs de «40- 50 ans et moins de 40 ans», qui se disent «insatisfaits de la vie qu’ils mènent» et sans intérêt pour la politique.
Enfin, le pôle des «écologistes socio-altermondialistes» (18 %) vote à gauche, en premier lieu pour EE-LV et LFI, étant moins attirés par la gauche historique (PS et PCF). Il regroupe des proches de la Confédération paysanne, installés sur de petites fermes (moins de 50 ha), qui votent sur des considérations de politique générale, et non seulement agricoles.
Bardella veut pousser le local et des «prix d’intervention»
À l’occasion de la présentation du programme de son parti pour les élections législatives en conférence de presse, le 24 juin, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a promis «un grand plan «manger français»» en restauration scolaire. L’objectif de ce plan serait «d’atteindre 80 % de produits français dans les cantines scolaires à l’horizon 2027», a-t-il précisé. Par le passé, le parti d’extrême droite a déposé plusieurs textes à l’Assemblée pour accroître la part de produits locaux dans les assiettes des élèves. Actuellement, la réglementation européenne, qui interdit le «localisme», complique la mise en œuvre de mesures visant à favoriser des produits de proximité dans la commande publique. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau avait annoncé, en avril, avoir obtenu l’ouverture de discussions entre les États membres pour assouplir ces règles. Concernant l’affichage, le RN défend une généralisation de «l’étiquetage sur l’origine et la qualité des produits alimentaires». De plus, l’eurodéputé s’engage à interdire «les importations de produits agricoles ne répondant pas aux standards appliqués en France».
Enfin, sur la rémunération, Jordan Bardella évoque des «prix garantis lorsque la distorsion est jugée excessive». Il s’engage à «rétablir des prix d’intervention», sans plus de précisions. Interrogé une semaine plus tôt sur le sujet, l’ex-député RN, Grégoire de Fournas, expliquait, lui, vouloir «clarifier» le concept de prix abusivement bas. Puis, dans un second temps, instaurer «des prix garantis aux producteurs qui couvrent les coûts de production, fixés par l’interprofession, ou l’État à défaut». Considérant que «le gouvernement a échoué à faire appliquer les dispositifs d’Egalim», Jordan Bardella assure vouloir «mettre en place des règles que personne ne pourra contourner, ni dans l’industrie agroalimentaire, ni dans la grande distribution».
J. G.