Justice
Un conflit de voisinage met sa ferme en péril
L’éleveur de Saint-Aubin-en-Bray (60) opposé à plusieurs voisins de son exploitation d’élevage a perdu son procès en appel et doit leur verser plus de 100 000 € de dommages et intérêts pour «troubles anormaux du voisinage».
L’éleveur de Saint-Aubin-en-Bray (60) opposé à plusieurs voisins de son exploitation d’élevage a perdu son procès en appel et doit leur verser plus de 100 000 € de dommages et intérêts pour «troubles anormaux du voisinage».
«On n’a pas vraiment de mots…» Mercredi 9 mars, au lendemain de la décision de la Cour d’appel d’Amiens qui l’a condamné à payer plus de 100 000 € à des riverains de sa ferme à Saint-Aubin-en-Bray (60), Vincent Verschuere était dépité : «Je pensais que nous aurions été davantage écoutés que devant le tribunal de première instance.» Le délibéré était attendu, mais il lui fait aujourd’hui l’effet d’une douche froide. Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut revenir quelques années en arrière. Ce qui est reproché à Vincent Verschuere, c’est d’avoir construit en 2010 un bâtiment d’élevage dans la commune pour pouvoir réaliser la mise aux normes de l’exploitation familiale et conforter son projet d’installation. Pour mener à bien les travaux, l’éleveur et sa mère – ils sont associés au sein d’une EARL – ont investi 600 000 €.
Mais la réalisation, bien qu’elle respecte la réglementation et les procédures administratives, n’a pas plu à quelques riverains qui ont porté le dossier devant les tribunaux administratifs.
110 000 € de dommages et intérêts
Cela fait donc depuis près de dix ans que l’agriculteur est opposé à ces habitants qui ont d’abord cherché à faire annuler les permis de construire du bâtiment délivré par la mairie de Saint-Aubin-en-Bray, avant de s’en prendre directement à l’EARL Verschuere en demandant indemnités et démolition du bâtiment. En 2018, le tribunal de Beauvais a condamné Vincent Verschuere à payer un peu plus de 100 000 € de dommages et intérêts pour «nuisances sonores et olfactives». Cette décision, l’éleveur l’a contestée en décidant de faire appel. «Si on paye les dommages, on ferme l’exploitation», déclarait-il, le 30 décembre, jour où une marche de soutien a été organisée. Quelque 200 participants, agriculteurs de la région, mais aussi élus locaux et régionaux, y avaient participé.
Trois mois pour s’adapter
Alors que le jugement d’appel lui impose de proposer des solutions techniques, sous peine de démolition de son bâtiment, Vincent Verschuere dit ne pas savoir par quel bout avancer. «Quand j’ai construit mon bâtiment, j’ai pris plusieurs précautions : atténuateur de bruit, cornadis anti-bruit, bardage en bois aéré, une fosse enterrée sous le bâtiment, une aire paillée… Je ne vois pas ce que je peux faire de plus !» Le délai qui lui est imparti pour faire ces propositions est de «trois mois», ce qui est «court». Les dommages et intérêts auxquels l’éleveur a été condamné à payer devront, quant à eux, être répartis entre les six plaignants, «dont trois n’habitent plus la commune», constate l’agriculteur.
Un bâtiment vide
En attendant, la seule solution pour lui est de laisser le bâtiment vide : «C’est la seule chose que je peux faire pour éviter les nuisances qui me sont reprochées, indique M. Verschuere. Mais ne plus avoir de bêtes dans une ferme spécialisée dans l’élevage, est-ce que cela a encore un sens ?»
Financièrement, «cela risque d’être compliqué, poursuit-il avec pudeur. Ce n’est pas comparable à un investissement à rembourser qui doit permettre ensuite de gagner de l’argent.» En interjetant appel de la décision du tribunal de première instance, l’éleveur estime avoir usé de tous les recours juridiques possibles : «C’était ma dernière chance. Aller en cassation ne servirait pas à grand-chose, étant donné le jugement de la Cour d’appel. C’est juste encore dépenser de l’argent dans une procédure qui peut prendre beaucoup de temps…»