Une agriculture guidée par la météo, mais pas seulement
Le météorologue bien connu des plateaux de télévision et de la radio Louis Bodin est venu moissonner quelques heures dans la région, la semaine dernière. L’occasion aussi d’évoquer le changement climatique, le rôle de la science dans les réponses à y apporter et les nouvelles technologies.
17 juillet à Margny-les-Compiègne (60), jamais la réussite de la récolte d’une parcelle de blé n’aura été aussi dépendante de la météo... ou plutôt de celui qui la présente depuis plusieurs années au micro de la radio RTL ou sur le plateau de TF1. Invité par la coopérative Noriap, Louis Bodin y en a effectué ses premiers tours de moissonneuse-batteuse. Fan de nouvelles technologies, dont il vante le rôle, et curieux par nature, le présentateur et météorologue de formation s’est prêté habilement au jeu, aux commandes d’une machine Ideal 7 de Massey-Ferguson ; laquelle lui a été «prêtée» l’espace de quelques heures pour un essai «grandeur nature». Pour la coopérative Noriap, il s’agissait aussi de «cuisiner» le grand témoin de sa prochaine assemblée générale, prévue le 11 décembre prochain ; une rencontre au cours de laquelle il devrait être question de changement climatique, de pratiques agricoles innovantes, et d’adaptation. Le métier d’agriculteur, expliquait-il, «je le défends dès que je peux, même s’il fait des erreurs. Qui n’en fait pas ?» Comme l’agriculture, la météorologie impose de savoir faire preuve d’humilité : «Au delà de deux à trois jours, cela devient difficile de faire une bonne prévision.» Pour parler de météo, Louis Bodin explique utiliser des mots «simples» : «C’est un sujet universel qui touche beaucoup de monde, mais chacun en a une perception différente. Chaque jour, il faut tenter d’être le plus juste possible et se réinventer.»
Des signaux sans catastrophe
Son optimisme vis-à-vis du changement climatique lui vaut parfois d’être considéré comme un climato-sceptique. «J’ai cette image là, c’est vrai, raconte-t-il. Mais j’assume.» Le catastrophisme sur l’évolution du climat dont certains feraient preuve est devenu, selon lui, «un fonds de commerce. Chacun défend ses idées, c’est normal, mais il faut aussi savoir prendre du recul et écouter les autres». À ce propos, il n’est par exemple pas tendre, ni convaincu des observations émises par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). «Partout dans le monde, il y a une prise de conscience sur la nécessité de ne pas continuer à faire n’importe quoi avec notre planète, mais il faut aussi tenir compte que chaque pays a ses propres priorités. La première de ces priorités est de permettre à sa population d’avoir suffisamment à manger, puis de lui donner un toit», affirme-t-il.
S’il tient compte d’un certain nombre de phénomènes météorologiques – vents forts, précipitations, sécheresse, augmentation des températures moyennes -, le spécialiste les considèrent avant tout comme «des signaux d’alarme». «Des épisodes comme ceux que nous vivons, il y en a toujours eu. La différence, c’est que nous avons aujourd’hui une médiatisation plus forte et des conséquences aussi plus fortes sur notre environnement parce que nous sommes de plus en plus nombreux sur terre.» En ce qui concerne les réponses que l’homme peut mettre en œuvre pour «corriger le tir», le météorologue constate «une prise de conscience. Le virage est pris, même si certains trouvent que ce n’est pas assez rapide. C’est la société qui est comme cela. Elle n’est plus patiente».
Une science à réhabiliter
Pour Louis Bodin, le changement vers des pratiques plus vertueuses – cela ne concerne pas seulement l’agriculture – doit s’effectuer «sans catastrophisme», et avec l’aide des nouvelles technologies : «Il ne faut pas miser sur un retour en arrière.» Pour contrer les effets de la sécheresse sur les cultures et permettre l’irrigation par exemple, Louis Bodin se déclare par ailleurs favorable à des projets de retenue des eaux pluviales. «C’est un débat qu’il ne faut pas avoir peur d’ouvrir, assure-t-il. Malheureusement, depuis l’affaire du barrage de Sivens, c’est encore plus compliqué.» «L’installation de retenues d’eau n’est pas quelque chose qui va aggraver le changement climatique (...) Plus on est lucide sur notre situation et plus les choix que nous faisons sont justes. Être dans une forme d’hystérie ne sert à rien. Le rapport à la nature est complexe et c’est pour cela qu’il faut l’aborder de manière positive et sans précipitation. Dans une société de plus en plus violente, il faut envisager les choses avec bienveillance et respect.» Il considère ensuite que la science, bien qu’elle soit tantôt décriée, tantôt pas écoutée, a aussi un rôle à jouer : «On a aujourd’hui un savoir qui n’est pas encore complet, constate Louis Bodin. Si l’on ne prend que le cas de la météorologie, c’est une science jeune puisqu’elle n’a que 150 ans.» Enfin, rappelle Louis Bodin, c’est aussi une approche collective qui permet d’avancer : «Il faut arrêter de croire qu’un homme seul peut relever les défis qui nous attendent. Il faut au contraire envisager les choses en misant sur le collectif.» Chez Noriap, où le slogan est «plus fort, ensemble», aucun doute sur le fait que le message ait été reçu 5/5.
Louis Bodin, le conférencier et la politique
Nommer un spécialiste des questions de météo et de climat à la tête d’un ministère ? Certains y ont déjà pensé et la rumeur revient à l’aube de chaque remaniement ministériel. L’intéressé, qu’en pense-t-il ? «Oui, la politique m’intéresse, confesse-t-il, mais je ne me vois pas forcément ministre. Si je me lance en politique, c’est pour avoir une action constructive et pas pour défendre une posture. Quand on veut faire de la politique nationale, on est obligé de rejoindre une équipe ou un parti qui nous enferme.» Pour faire passer un certain nombre de messages et agir politiquement sans tomber dans les travers d’une attitude purement politicienne, Louis Bodin explique préférer son métier de conférencier. «J’aime débattre, échanger, assure-t-il. Et les conférences que j’anime me permettent cela.»
L’ozone entraînerait des pertes de rendements en blé tendre jusqu’à 15 %
Dans une étude dévoilée le 9 juillet, l’Ademe et l’Ineris indiquent que les concentrations en ozone auraient entraîné des pertes de 15 % de rendement en 2010, représentant un milliard d’euros de dommages. Les résultats, souligne le rapport, montrent des disparités régionales, et notamment «de fortes pertes dans une moitié nord de la France». Les pertes ont ainsi culminé «à 332 kt pour le département de la Somme en 2010, soit 5 % des pertes cumulées sur toute la France». Malgré des concentrations de plus en plus faibles, et des pics estivaux plus rares, les scénarios à l’horizon 2030 entraîneraient tout de même, selon les experts, des pertes de 10 % en rendement, soit 730 millions d’euros de manque à gagner. Les pommes de terre et les prairies sont également affectées, avec des pertes estimées à 940 000 tonnes en 2020 pour les premières, et à 4 500 kt de matière sèche pour les secondes. «On note des effets de l’ozone qui sont relativement plus faibles sur les tomates que sur les autres cultures», remarque le rapport. Les auteurs précisent que «la pénalité climatique n’est pas prise en compte» dans cette évaluation.