Une campagne déjà tachée par le mildiou
Inquiets sur les conséquences que le mildiou pourra avoir sur la future récolte de pommes de terre, producteurs et organisations professionnelles s’interrogent sur les possibilités qui leur seront offertes à l’avenir pour garantir des approvisionnements en qualité et en quantité.
Inquiets sur les conséquences que le mildiou pourra avoir sur la future récolte de pommes de terre, producteurs et organisations professionnelles s’interrogent sur les possibilités qui leur seront offertes à l’avenir pour garantir des approvisionnements en qualité et en quantité.
«Celui qui dit qu’il n’a pas de mildiou dans ses parcelles, c’est le signe qu’il n’y a pas mis les pieds depuis un petit moment…» A quelques jours de l’assemblée générale de l’association «Producteurs pour Aviko» - elle avait lieu avant-hier, mercredi 25 août -, son président Alain Dequeker ne mâchait pas ses mots vis-à-vis d’une situation sanitaire qu’il qualifie d’exceptionnelle. «On est dans une campagne compliquée, fatigante avec les difficultés rencontrées dans un certain nombre de productions et la pomme de terre ne fait pas exception». Si les conditions de plantation des pommes de terre de la récolte 2021 ont été globalement «bonnes», «depuis le mois de juin, la pression mildiou est forte», rapporte M. Dequeker. La faute, non pas à des excès de pluviométrie, mais à l’association de températures fraîches et une hygrométrie importante. Pour le président de l’association «Producteurs pour Aviko», cette campagne rappelle celles de «2007, 2016», «mais à cette époque-ci, la pression était retombée. Cette année, on est parti pour l’avoir jusqu’au bout…» Conséquence de cette situation «pas courante», le défanage de certaines parcelles a été anticipé. Les efforts des producteurs pour maîtriser la propagation de la maladie sont quant eux importants… et coûtent chers.
Un peu de répit
Installé à Vraignes-en-Vermandois (80), Arnaud Chombart était plus serein ce mecredi 25 août qu’il ne l’a été au cours des dernières semaines : «C’est clair, explique-t-il, la situation a été très tendue à un moment donné. Heureusement que la météo s’est améliorée. Le mildiou n’aime pas le temps sec et desséchant, ce qui permet de limiter la casse en ce moment». Dans la Somme, les conséquences au champ seraient variables d’un terroir à l’autre : «Malheureusement, plus on est proche du littoral, plus c’est compliqué». S’il reconnait l’efficacité des moyens qui ont été mis en œuvre par les producteurs en termes de protection fongicide, Arnaud Chombart est inquiet pour les années à venir si une situation comparable à 2021 venait à se reproduire : «Le risque de s’engager dans des programmes de protection phytosanitaire ambitieux est de ne plus être dans les clous de certains cahiers des charges, explique-t-il. Quand on entend certains industriels annoncer leur volonté de réduire drastiquement l’utilisation des solutions de synthèse dans les prochaines années, on peut s’interroger…» Moins de phytos à l’avenir peut-il être compensé par la sélection variétale ? «C’est une piste, poursuit le producteur samarien. Mais en sélectionnant des variétés résistantes au mildiou, est-ce qu’on ne va pas sacrifier d’autres critères ?»
L’UNPT tire la sonnette d’alarme
Le 24 août, c’est l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) qui sonnait elle aussi le tocsin. Dans un communiqué, l’organisation fait elle aussi le constat d’une «pression maladie jamais observée» auparavant ; laquelle est à l’origine d’une «hausse significative des coûts», notamment de protection des cultures. Elle demande ainsi aux décideurs politiques de «faire preuve de pragmatisme pour que nous disposions, aujourd’hui comme demain, de solutions innovantes pour lutter contre le mildiou et les nouveaux risques liés aux changements climatiques». Car si rien n’est fait «à l’horizon de cinq ans», les producteurs de pommes de terre seront «dépourvus», d’après l’UNPT. Malgré le mildiou, la récolte 2021 de pommes de terre de conservation est estimée par l’organisation «entre 6,4 et 6,9 millions de tonnes», avec des rendements situés dans la moyenne 2016-20.
En fécule, une situation globalement maitrisée
Sans surprise, les parcelles de pommes de terre destinées à la transformation féculière ont elles aussi touchées : «C’est évident, un grand nombre de parcelles, pour ne pas dire 100%, ont une présence de mildiou», expliquait en ce milieu de semaine Thibaut Ricour, ingénieur-conseil à la coopérative de Vecquemont. Malgré cela, «on ne relève pas de situations gravissimes parce que nous avons la chance d’utiliser des variétés tolérantes, voire résistantes, et des producteurs attentifs à bien protéger leurs parcelles. Cela coûte cher, mais c’est le prix à payer (…), estime Thibaut Ricour. On arrive à plutôt bien gérer la situation, même si le contexte est compliqué. L’idéal serait d’avoir encore 10 à 15 jours de beau temps pour assainir la situation dans les champs». Si le démarrage de l’usine de Vecquemont est prévu le 13 septembre prochain avec des premiers arrachages «autour du 5 septembre», le «gros» des opérations se déroule en général «courant octobre», avec des défanages qui n’interviendront que quelques jours avant la récolte.