Une exploitation pensée pour les abeilles
Voilà cinq ans qu’Édouard Lesueur, polyculteur, éleveur bovin et ovin, est également apiculteur. Aujourd’hui, l’assolement de son exploitation est pensé pour nourrir les abeilles, et des investissements sont en cours.
Voilà cinq ans qu’Édouard Lesueur, polyculteur, éleveur bovin et ovin, est également apiculteur. Aujourd’hui, l’assolement de son exploitation est pensé pour nourrir les abeilles, et des investissements sont en cours.
Il y a six ans, une récolte de colza catastrophique a été le déclic pour Édouard Lesueur, installé à Cavillon, à l’ouest d’Amiens. «Un ami apiculteur m’a dit “si tu veux que la culture soit rentable, arrête d’acheter des produits chimiques et investis dans des ruches“. Il y a cinq ans, j’ai donc commencé avec dix ruches.» Les deux premières années, le test s’est révélé concluant. «J’ai réservé une parcelle témoin pour comparer avec la parcelle avec ruches : même date de semis, même itinéraire cultural… Résultat ? Sept quintaux de plus en présence d’abeilles, et une économie de 100 €/ha de fongicides et d’insecticides.» Plus de rendements, moins de traitement et une récolte de miel en prime. «J’avais tout à gagner avec les ruches !»
L’agriculteur, aussi éleveur bovin et ovin, s’est pris de passion pour ces insectes butineurs. «Quand je suis aux ruches, je ne réponds pas au téléphone. Je ne pense qu’aux abeilles. Je suis déconnecté de tout !» Après une formation auprès de l’Usap (Union syndicale des apiculteurs picards), Édouard a investi dans des livres sur la gestion des colonies et a beaucoup expérimenté. «C’est en forgeant qu’on devient forgeron», rit-il. Il a aujourd’hui fait de l’apiculture une véritable diversification. Il gère cent-cinquante ruches, et a récolté un peu plus de deux tonnes de miel l’année dernière, commercialisé sous sa marque «L’abeille butine, l’homme tartine». Il ne compte pas s’arrêter là.
L’objectif est d’atteindre deux-cent-cinquante ruches pour pouvoir créer un emploi à sa conjointe, Coralie, actuellement conjointe-collaboratrice. La construction d’un bâtiment de 480 m2 est en cours, pour pouvoir y installer une chaîne d’extraction du miel, le stockage du matériel et l’accueil des clients. Un investissement total de 241 000 € HT, nécessaire au développement de l’activité. «Nous vendons en direct, et le marché est loin d’être saturé», assure-t-il. Coralie et Édouard fourmillent d’idées pour diversifier davantage leur offre. «Nous pensons, par exemple, à la production d’hydromel, de vinaigre et de bonbons au miel. Ça serait aussi l’occasion de proposer d’autre produits de la ferme, comme de la farine de sarrasin.»
Des cultures mellifères, en veux-tu, en voilà
La conduite de l’exploitation a été entièrement repensée pour l’activité apicole. «Je cultive 220 ha en tout, dont 90 ha pour ma sœur. Les 20 ha de colza ne peuvent pas suffire à nourrir toutes les abeilles, toute la saison. Je me suis donc orienté vers de nouvelles cultures mellifères.» La présence de SFP (Semences fourragères de Picarde, Noriap), à Longpré-les-Corps-Saints était l’opportunité à saisir. Environ 50 ha de cultures à destination de la multiplication de semences sont implantées : trèfle violet, luzerne, phacélie, sarrasin et féveroles. Une triple valorisation, puisqu’en plus des semences et des abeilles, une première coupe est valorisée en fourrage pour les vaches et les moutons. Près de 3 ha de jachères fleuries ont également été semées. Le maïs fourrager est lui aussi butiné. «La floraison de toutes ces espèces est étalée dans la saison, donc les abeilles trouvent toujours de quoi se nourrir.»
Édouard et Coralie parviennent à gérer les pics d’activités des ruches avec ceux du reste de l’exploitation. «Un salarié travaille principalement en plaine et mes parents donnent toujours un bon coup de main», précise Édouard. La période la plus chronophage est le printemps. «D’avril à juin, les abeilles sont en pleine activité et les essaimages sont nombreux. Il faut réussir à les gérer pour ne par perdre les ruches.» Les récoltes, elles, sont plutôt bien tombées jusqu’ici. «On parvient à en faire une avant la moisson et une après», note Coralie. La principale difficulté de l’activité est la sensibilité des insectes aux conditions météos. «Cette année, le printemps froid n’a pas du tout été favorable. Nous avons fait la première extraction le 29 mai, alors qu’il s’agissait du 4 mai l’année dernière. Nous avons récolté quatre fois moins de miel !» L’an dernier, la très bonne récolte de printemps a néanmoins compensé la faible production d’été, à cause de la sécheresse. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas lorsqu’on travaille avec la nature.