Une filière chanvre locale serait-elle en train d’émerger ?
14 ha de chanvre poussent dans la Somme. Il s’agit d’un projet de R&D que mène Noriap avec des partenaires. La coopérative cherche à créer des débouchés dans l’espoir de construire une filière.
Êtes-vous passés à côté d’une parcelle de la Somme, dont la culture vous a surpris ? La plante qui y pousse, semée en avril-mai et récoltée de fin août à octobre, peut atteindre en moyenne 3 à 4 m de haut. Son système radiculaire est très développé autour d’une racine pivotante. Sa tige, rarement ramifiée, creuse et cannelée, a un diamètre moyen de 1 à 3 cm. Vous n’avez pas rêvé, il s’agit du chanvre. 14 ha ont été semés chez des agriculteurs bio, coopérateurs de Noriap, dans le cadre d’un projet de R&D. Quelques micro-parcelles servent également à tester différentes variétés.
«Pour répondre aux enjeux agro-environnementaux, nous devons travailler sur de nouvelles rotations, explique Nathalie Ternois, directrice innovation de la coopérative. Le chanvre nous paraît particulièrement intéressant, car c’est une plante écologique par excellence.» Elle ne nécessite aucun traitement fongicide, ni insecticide, ni herbicide au champ : l’implantation et la récolte constituent les deux seules interventions du producteur. «Elle casse le cycle des mauvaises herbes, s’avère un excellent précédent avec 10 % de rendement en plus pour la récolte suivante, son système racinaire profond structure le sol et, en termes d’absorption de carbone, 1 ha de chanvre équivaut à 1 ha de forêt.». Seulement, «le chanvre, ça se mérite», prévient Nathalie Ternois.
Première étape : maîtriser la culture. Si les semis n’ont pas posé de problème, et que la culture pousse ensuite toute seule, l’étape sensible sera la récolte. Chez les adhérents de Noriap qui participent au projet, elle devrait s’effectuer courant septembre, selon la maturité. «La récolte du chènevis (graine, ndlr) s’effectue quatre à six semaines après la date de pleine floraison, précise-t-on chez Terres Inovia, l’institut technique de la filière des huiles et protéines végétales et de la filière chanvre. Cependant, pour une même plante, les graines n’arrivent pas à maturité en même temps. La date de récolte reste un compromis entre la quantité de chènevis mature et les conditions météorologiques qui, si elles se dégradent, peuvent provoquer un égrenage ou la germination sur pied impactant fortement le rendement en chènevis et compromettant la qualité de la paille.» La coopérative, en plus, ne dispose pas du matériel spécialisé.
Une filière à construire
Mais le principal enjeu réside en la construction d’une filière, «que nous devons faire de A à Z», annonce Nathalie Ternois. En France, les acteurs du chanvre se comptent presque sur les doigts d’une main : 6 chanvrières, pour 1 414 producteurs et 17 400 ha (chiffres de 2017), à destination du papier, du bâtiment, de l’automobile et de l’alimentation. «Les marchés semblent déjà pris, mais nous pensons que des débouchés peuvent exploser dans différents domaines, surtout au niveau régional.» Des partenariats sont montés avec d’autres acteurs pour bâtir le projet, dont la Région Hauts-de-France, qui le finance projet à hauteur de 50 %.
Cette année, les chènevis, estampillés bio, seront à destination de l’alimentation humaine. La graine de chanvre est en effet appréciée par la multitude d’apports nutritifs qu’elle contient, comme les minéraux, vitamines, fibres et protéines. L’objectif est de trouver des débouchés pour de plus gros volumes et, surtout, de pouvoir aussi valoriser cette culture en conventionnel.
Noriap veut également réaliser des tests sur la fibre et la chènevotte (partie ligneuse de la tige, la moelle interne qui reste quand on en a séparé la fibre, ndlr). «Pour que la filière soit porteuse, nous devons pouvoir valoriser toutes les parties de la plante.» Cependant, Nathalie Ternois en est bien consciente, «il y a une grosse part de risque et beaucoup d’attentes de la part des agriculteurs en recherche de diversification.» Prochain épisode à la récolte…