Une vermifugation raisonnée efficace pour les chevaux
Faut-il vermifuger les chevaux systématiquement, quatre fois par an, au risque de générer des résistances des parasites ? Marie Delerue, vétérinaire ingénieure de développement à l’IFCE, présentait le principe de la vermifugation raisonnée lors de la semaine digitale du cheval.
Faut-il vermifuger les chevaux systématiquement, quatre fois par an, au risque de générer des résistances des parasites ? Marie Delerue, vétérinaire ingénieure de développement à l’IFCE, présentait le principe de la vermifugation raisonnée lors de la semaine digitale du cheval.
Quels sont les risques d’une infestation de vers pour les chevaux ?
Les chevaux sont infestés par une grande diversité de parasites. On peut citer les nématodes (grands et petits strongles, oxyures, anguillules, ascaris…), les cestodes (ténias), les larves d’insectes (gastérophiles), et les trématodes (grande douve). Certains sont plus ou moins pathogènes. Tout dépend de l’âge des équidés et de leur sensibilité. Par exemple, les ascaris chez le poulain (des vers qui se développent dans le tube digestif et migrent vers les poumons, puis remontent dans les bronches, ndlr), peuvent avoir de graves conséquences. Ou encore, les grands strongles peuvent causer la mort de l’équidé. Mais aujourd’hui, ils sont très rares.
Quels sont les parasites les plus fréquents ?
Il s’agit surtout des petits strongles. Les chevaux s’infestent en ingérant des larves qui se développent dans les crottins. Chez les chevaux très infestés, on peut constater une baisse de forme, un amaigrissement, voire de la diarrhée. Pour les jeunes chevaux, le risque est que les larves qui se sont logées dans la muqueuse de l’intestin ressortent en masse à la sortie de l’hiver, faisant au passage plein de trous. Cela peut causer une inflammation de la paroi, qui occasionnera de la diarrhée voire de la mortalité.
Qu’est-ce que la vermifugation systématique, et pourquoi n’est-elle pas la solution miracle ?
La vermifugation systématique est la méthode employée classiquement, à savoir l’administration d’un vermifuge à des dates précises, quatre fois par an, sans se poser de question. On la pratiquait surtout pour détruire les grands strongles, les plus pathogènes chez les équidés adultes. Aujourd’hui, des anti-parasitaires à large spectre ont permis de se débarrasser de ces grands strongles. De plus, des résistances sont apparues, notamment chez les petits strongles. Or, il n’y aura pas de nouvelle molécule sur le marché à moyen terme.. Enfin, la vermifugation a un impact sur la biodiversité. Les molécules ivermectine (Eqvalan duo par exemple) ou moctilectine (Equest), sont toxiques sur les insectes coprophages comme les bousiers, pourtant très utiles dans la lutte contre le parasitisme. Réfléchir à la méthode de vermifugation la plus adaptée est une nécessité.
En quoi consiste la vermifugation raisonnée que vous prônez ?
Le principe est de garder, au moment de la vermifugation, une population refuge de parasites. Plus cette population refuge est importante, plus la résistance au traitement se développe lentement. En hiver, le cycle parasitaire est très faible du fait des températures basses. La résistance se développe rapidement. À contrario, au printemps et l’été, la population refuge est importante et les résistances se développent lentement. Le message, c’est d’avoir recours à une vermifugation ciblée, lorsque de nombreux parasites sont dans la pâture (entre mars et octobre), et une vermifugation sélective, soit garder des équidés non vermifugés dans le troupeau.
Pouvez-vous préciser ces deux méthodes ?
Il n’existe malheureusement pas de recette toute prête. Tout dépend du contexte, des conditions météos… Pour la vermifugation ciblée, l’IFCE travaille sur la mise au point de l’OAD Parasit’SimEq qui permettrait de déterminer le moment le plus approprié pour vermifuger, en fonction de la météo et des conduites de pâturage.
La vermifugation selective, elle, consiste à cibler les équidés forts excréteurs (15 à 30 % des équidés excrètent 80 % des œufs de strongle) pour les vermifuger en priorité. Pour les repérer, on peut avoir recours à la coproscopie (examen au microscope des excréments, ndlr) à la saison de pâturage qui permet de compter le nombre d’œufs par crottin. Il faudra aussi traiter les chevaux de moins de trois ans, qui ne disposent pas d’immunité contre le parasitisme. Ils sont plus sensibles et excrètent plus d’œufs. Ce sont eux qui contaminent beaucoup les pâtures. Pour les faibles excréteurs, des impasses peuvent être faites, mais il faut garder au moins une vermifugation par an, à l’automne, avec un vermifuge à large spectre.
Y a-t-il des alternatives au vermifuge chimique ?
Il n’y a pas beaucoup d’étude sur ce sujet. Il y a une telle diversité de plantes qu’il n’est pas facile de toutes les tester. Les pratiques alternatives sont pourtant très intéressantes, surtout du fait des résistances. Une étude a été menée sur l’effet de l’ail mais les résultats se sont avérés négatifs. Peut-être qu’il a un meilleur effet quand il est administré sous forme de cure ? Une thèse universitaire s’intéresse au sainfoin qui montrerait de bons résultats sur les moutons. Ce qui peut être intéressant, c’est d’effectuer une coproscopie à partir d’un crottin d’un cheval, de tester une cure, et d’effectuer une deuxième coproscopie deux semaines plus tard pour vérifier son effet.
Est-il aussi possible de diminuer la charge parasitaire de l’environnement du cheval ?
Effectivement. Au printemps, les parcelles sont assez saines car les larves se développent mal l’hiver du fait des températures froides et n’aiment pas les alternances de gel et de chaleur au printemps. La charge parasitaire sera donc plus élevée au fur et à mesure de la saison. Le fauchage de l’herbe est une pratique à retenir car on prive les larves de leur habitat. Ramasser des crottins dans les petits paddocks où les chevaux passent beaucoup de temps peut aussi être utile, même si c'est contraignant. Le pâturage tournant a un double intérêt : d’un point de vue alimentaire, et il est un frein au parasitisme, puisque les larves n’ont pas le temps de se développer et d’infester les chevaux qui auront changé de parc avant. Il faut cependant que la rotation soit assez rapide.
Conférence à revoir sur www.sdcheval.fr