Y a-t-il encore un avenir pour les abattoirs dans les Hauts-de-France ?
La filière abattoir est une priorité pour la Région. S’ils disparaissent demain, c’est le maintien de l’élevage qui sera remis en question.
Ce n’est pas encore la Bérézina, mais cela pourrait y ressembler. Entre des abattoirs qui ferment (le dernier étant celui de Laon fin mars, faute d’activités, et donc de rentabilité suffisante), et d’autres qui sont en situation délicate sur le plan financier (Montdidier vient d’arrêter sa chaîne mouton), le tableau n’est guère réjouissant. Sans compter la vétusté de la plupart de ces outils sur l’ensemble du territoire des Hauts-de-France. Conséquence : il ne reste plus que deux abattoirs de proximité dans l’Aisne, un seul dans la Somme, un dans l’Oise, six dans le Nord et trois dans le Pas-de-Calais. S’il fallait en rajouter pour noircir le tableau, les scandales autour de la maltraitance des animaux dans les abattoirs d’Alès et du Vigan dans le Gard, puis dans celui de Mauléon-Licharre dans les Pyrénées-Atlantiques, fin février et début mars, ont rendu la tâche de ces abattoirs encore plus ardue en raison de la multiplication des contrôles.
Paradoxe ou pas de cette situation, en parallèle, les circuits de proximité se développent de plus en plus sous la pression des consommateurs, comme de la grande distribution. «Il y a de réels débouchés, notamment pour la filière bovin viande dans la région. Les opportunités existent, mais s’il n’y pas suffisamment d’outils d’abattage dans les Hauts-de-France, nous ne pourrons pas répondre à cette demande», s’inquiète Jean-Michel Serres, président de la commission Agriculture et agroalimentaire au Conseil régional. Traduction : les exploitations vont perdre de la valeur ajoutée, et certains éleveurs risquent, à terme, d’arrêter leur activité, s’ils n’ont plus demain de lieux de proximité pour faire abattre leurs animaux. Pour le dire autrement, la survie des éleveurs est donc conditionnée à l’existence d’abattoirs à proximité leur permettant de vendre leur viande. Une situation parfaitement analysée par la nouvelle équipe à la tête de la Région. C’est la raison pour laquelle des rencontres avec les différents acteurs de la filière et des visites de sites ont été organisées pour établir une analyse globale de la situation des abattoirs dans la région afin de définir rapidement les actions à mettre en place.
Les perspectives
Si l’analyse définitive ne sera effective qu’à la fin de ce mois, voire début juin, juste avant les Etats généraux de l’élevage, prévus le 10 juin prochain, à Lille, quelques pistes et actions ont d’ores et déjà étaient engagées.
Ainsi, pour faire face à la fermeture de l’abattoir de Laon, des éleveurs de l’Oise ont constitué une coopérative ovine s’engageant à fournir huit cent animaux toutes les semaines pour consolider l’outil d’abattage de Nouvion-en-Thiérache. «Il y aura donc des besoins d’accompagnement à Nouvion-en-Thiérache, puisqu’ils vont reprendre l’abattage des moutons que faisait l’abattoir de Laon», précise le président de la commission Agriculture et agroalimentaire de la Région. Traduction : dans la liste des priorités, Nouvion pourrait s’y trouver.
A Fruges, la Communauté de communes du canton de Fruges porte le projet d’une nouvelle unité d’abattage d’une capacité annuelle de 6 000 tonnes pour remplacer l’abattoir existant. La Région a donc lancé des réunions afin de «rassembler et fédérer les utilisateurs du site autour d’une table pour amorcer la réflexion», dit-il. Un comité de pilotage devrait être constitué très prochainement. Le dossier avance, même si les questions de gouvernance et de financement restent à déterminer.
A Valenciennes, il y aura des investissements à faire, car l’outil est ancien. Idem à Montdidier. Les investissements ont été listés sur ce site. Il concerne le stockage des animaux, la gestion des eaux usées et sa modernisation. «Comme cette unité d’abattage est privée, la négociation se fait avec l’opérateur et les banques», précise Jean-Michel Serres. Mais la Région devrait être vigilante, car il ne reste que cet abattoir dans la Somme.
Quels moyens ?
Reste que le nerf de la guerre étant l’argent, une fois établi précisément le relevé des investissements à engager, la Région devra hiérarchiser les priorités et «compter ses sous». Ce n’est que lors du vote du budget 2016, début juin, que l’on connaîtra l’enveloppe exacte consacrée à ce dossier. Compte tenu de la recherche d’économies à réaliser, ce ne sera pas Byzance, à l’évidence. C’est pour cela que la Région planche aussi sur des financements européens, comme étatiques, avec l’enveloppe de FranceAgriMer (50 millions d’euros) dédiée au maintien des abattoirs de proximité, pour compléter ses deniers.
Mais les fonds publics ne peuvent pas tout. «Si les éleveurs ne s’organisent pas autour des outils d’abattage, cela ne pourra pas fonctionner. Autrement dit, les abattoirs n’auront d’avenir que si les filières s’organisent autour d’eux», relève l’élu. Et de pointer notamment la filière bovine, dont la production est atomisée, et dont la course aux prix moins chers a déterminé les éleveurs à aller faire abattre leurs bêtes hors de la région.
Chiffres clés
Treize abattoirs de proximité : Feignies (59) et Saint-Paul-sur-Ternoise (62), tous deux propriétés de Bigard, traitent 39 000 et 36 000 tonnes respectivement.
Parmi les outils intermédiaires, on compte Formerie (60) avec 18 000 tonnes, Pruvost-Leroy à Douai (59) avec un tonnage de 15 000 tonnes, et le groupe Elivia à Nœux-les-Mines (59) avec 14 000 tonnes.
Suivent Fruges (62) et Montdidier (80), le premier avec 6 000 tonnes et le second avec près de 5 000 tonnes.
Enfin, dans les tout petits, qui ont un tonnage oscillant entre 500 et 2 000 tonnes, on compte Nouvion-en-Thiérache (02), Valenciennes (59), l’Arbret (62), Hirson (02), Bailleul (59) et Zegerscappel (59).