Yann Joly devant le TGI : « Je n’ai plus rien à perdre »
Yann Joly, ancien éleveur laitier du Boisle, a vu son troupeau dépérir suite à l’implantation d’un parc éolien
en 2011 et 2013. Son affaire sera jugée au TGI de Paris mardi 16 novembre.
Yann Joly, ancien éleveur laitier du Boisle, a vu son troupeau dépérir suite à l’implantation d’un parc éolien
en 2011 et 2013. Son affaire sera jugée au TGI de Paris mardi 16 novembre.
La perte de son élevage sera-t-elle enfin indemnisée ? Yann Joly, installé au Boisle, sait que son combat ne se terminera sûrement pas ce 16 novembre, mais il s’agira d’une étape clé. Ce mardi, devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris, soutenu par maître François Lafforgue, l’avocat de l’Anast (Association nationale animaux sous tension) dont il fait partie, il espère faire reconnaître le trouble anormal de voisinage que l’implantation d’un parc éolien a causé sur son élevage laitier.
Le «trouble» est ici un faible mot. Yann Joly s’était donné les moyens de réussir. «J’ai repris l’exploitation familiale en 1995 et j’ai beaucoup misé sur l’atelier lait», confie-t-il. Bâtiments performants, puis nouvelle salle de traite en 2010. Un salarié à temps plein l’aide alors à gérer les cent-vingt vaches laitières qui produisaient 950 000 l de lait. En 2011, il soutient le projet d’installation de parc éolien à proximité de son élevage. «Je trouvais l’idée d’une production d’énergie alternative intéressante. Une des éoliennes est d’ailleurs construite dans une parcelle que j’exploite.» Onze éoliennes sont construites en 2011. Dès que les machines à vent se mettent à tourner, les problèmes apparaissent dans son troupeau. «La production a baissé d’un tiers, et la qualité du lait était mauvaise. Je constatais aussi des soucis de pattes.» Malgré les investigations des techniciens d’élevages et du vétérinaire, aucune explication n’est donnée.
«En 2013, le parc éolien est passé à vingt-quatre éoliennes. À partir de cette date, c’était la descente aux enfers, s’émeut-il encore. Mes vaches souffraient de problèmes de reins, de foie, d’infections mammaires, de mises bas compliquées… La mortalité a explosé. Un demi-camion de carcasses partait pour l’équarissage chaque semaine.» La cause des maux est établie grâce à l’expertise d’un géologue : les éoliennes sont construites sur une rivière souterraine qui passe sous le bâtiment d’élevage. Or, les ondes électromagnétiques sont véhiculées par l’eau. La plus grosse conséquence : lors d’intense activité des machines, les vaches ne s’abreuvent plus. «Elles buvaient en moyenne 3 m3 au lieu de 15 m3. Quant on sait qu’il faut 3 l d’eau pour faire 1 l de lait…»
- 100 000 E d’EBE par an
Yann a pris la lourde décision de mettre un terme à l’activité d’élevage laitier en 2015. Aujourd’hui, il exploite toujours ses 160 ha, et élève quelques bœufs pour valoriser ses 40 ha de prairie. «Les conséquences sont moins importantes que sur les VL, mais ils présentent une croissance anormalement faible», note-t-il. Ce 16 novembre, si le tribunal reconnaît le trouble anormal de voisinage, il aura enfin la possibilité de réclamer les pertes subies. «Depuis la vente de mon troupeau, je perds 100 000 € d’EBE chaque année. En mai 2020, cela représentait 1 million d’euros.» Difficile, dans ce contexte, de rembourser les 350 000 € de dettes qu’il a cumulées.
Quelle que soit la décision du tribunal, si appel il y a – lui fera appel s’il perd ce procès – Yann Joly est bien décidé à aller jusqu’en cassation. «Je n’ai plus rien à perdre», soutient-il. Des éléments objectifs constatés par huissier, comme le non-abreuvement des animaux, pourraient permettre d’obtenir gain de cause. Une récente décision de la cour d’appel de Toulouse lui laisse espérer une issue positive. Celle-ci a reconnu que des éoliennes installées près d’une habitation de Fontrieu, dans le Tarn, étaient nocives pour la santé et constituaient un trouble anormal du voisinage. Les exploitants du parc éolien ont été condamnés à leur verser une indemnisation de 128 000 €.