Accord UE/Mercosur : la FNB s'inquiète d'une possible signature
Alors que le gouvernement français a toujours affirmé
son opposition à la signature de l’accord entre l’Union
européenne et les pays du Mercosur, les dernières avancées des négociations permettraient une signature dans les prochains mois.
C’est une très mauvaise nouvelle pour les éleveurs bovins français, puisque 99 000 tonnes de viande produite avec des standards plus bas que les standards français pourraient entrer dans l’Union européenne à droits nuls. «Nous sommes inquiets. Nous avons de plus en plus de retours positifs concernant une signature imminente» de l’accord entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, a expliqué, le 22 mai, Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB).
En effet, les négociations, bloquées un moment par le nouveau président brésilien, semblent avancer de nouveau de façon positive avec des avancées sur le dossier clé de l’automobile. Or, l’accord prévoit un contingent à taxe nulle de 70 000 tonnes de viande bovine venant des pays du Mercosur, une offre officielle déjà importante, alors que, selon la FNB, l’offre officieuse atteindrait 99 000 tonnes. Si, par rapport au marché global de la viande bovine en Europe, à savoir 7,2 millions de tonnes, cette proportion ne paraît pas importante, il ne faut pas oublier que «ces pays visent le segment de marché de l’aloyau, qu’ils ont du mal à valoriser chez eux», souligne Bruno Dufayet.
Un segment qui ne représente que 400 000 tonnes à l’échelle de l’Union européenne. Sans compter que l’accord Ceta (UE/Canada) prévoit déjà de son côté un contingent de 60 000 tonnes de viande bovine, et que la renégociation du panel hormones au profit des Etats-Unis (qui bénéficient désormais de 35 000 tonnes sur les 45 000 tonnes du panel) risque de faire augmenter les contingents des autres pays fournisseurs du panel d’une façon ou d’une autre.
Si le gouvernement français ne cesse de rappeler son opposition à l’accord, comme l’a ainsi réaffirmé le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, dans un communiqué du 22 mai, des sources bruxelloises estiment que l’accord pourrait être signé avant l’automne, sous la pression des autres pays.
Pour Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint de la FNSEA, ce jeu du gouvernement français est inacceptable. «Quand on est capable d’être aussi exigeant avec les éleveurs français, on peut être capable d’être exigeant au niveau européen et de rallier les autres pays à sa position», estime l’éleveur.
Incohérence avec les standards français
Car les exigences françaises au niveau national sont, en effet, incompatibles avec l’entrée sur le territoire de viande bovine importée d’Amérique latine. «Nous voulons une application pleine et entière des Etats généraux de l’alimentation», explique ainsi Bruno Dufayet. La FNB rappelle ainsi que l’article 44 de la loi Egalim interdit d’importer en France des produits qui ne respectent pas les normes nationales. Or, ce n’est pas le cas de la viande provenant des pays du Mercosur, produite notamment avec des antibiotiques pour activer la croissance des animaux, et sans traçabilité individuelle des animaux. «Il ne peut pas y avoir de double discours. On demande une vraie cohérence de politique», rappelle le président de la FNB.
Pour l’organisation, c’est d’ailleurs le principe même de ces accords de libre-échange qui dessert les produits agricoles français. Ainsi, si l’accord avec le Japon permet à l’Union européenne d’exporter 20 000 tonnes de viande bovine vers le pays du Soleil Levant, «on ne s’en est jamais félicité», indique Bruno Dufayet, convaincu «que notre capacité d’export se fera par la qualité de nos produits. Nous n’avons pas besoin d’accords de libre-échange».
En attendant, les éleveurs français demandent à ce que les produits sensibles comme la viande soient exclus des accords de libre-échange, une possibilité qui existe, mais qui n’est jamais exploitée.
Viande bovine : «pas de majorité» dans l’UE contre un accord avec le Mercosur
Président du groupe de travail viande bovine des organisations et coopératives agricoles de l’Union européenne (Copa-Cogeca), Jean-Pierre Fleury «ne voit pas de majorité politique au niveau des Etats membres pour s’opposer à un accord» commercial avec le Mercosur. La négociation a «beaucoup avancé», notamment sous la pression de l’Allemagne, qui soigne en priorité les intérêts offensifs de son secteur automobile. Selon lui, pour boucler ces pourparlers, la viande bovine européenne et ses territoires de production pourraient être «sacrifiés» avec l’offre au bloc sud-américain d’un généreux contingent d’importation. Et ce, dénonce Jean-Pierre Fleury, alors que «ni la protection de l’environnent, ni le bien-être animal, ni la lutte contre le changement climatique ne sont dans le mandat de négociation de Bruxelles».