AGPB : opération reconquête de la filière céréalière
A quelques jours du congrès de l’AGPB (Association générale des producteurs de blé), Eric Thirouin, son secrétaire général, fait le point sur la situation céréalière, les défis qui attendent la profession, et trace quelques pistes qui seront dévoilées les 13 et 14 février, à Compiègne.
Quelle est la situation des marchés céréaliers ?
La récolte 2018 s’est élevée à 35 millions de tonnes. Les rendements ont été décevants mais, globalement, la qualité a été au rendez-vous, surtout en orge d’hiver et de printemps. Seul le blé dur a déçu dans le sud de la France, à cause d’excès d’eau qui ont affecté la qualité. Côté commercialisation, les améliorations entrevues en 2017 se sont confirmées en 2018 par une reprise de parts de marché sur nos clients traditionnels. Nous attendons quand même l’arrivée des blés de l’hémisphère sud sur le marché mondial pour confirmer l’amélioration. Côté prix, à 201 E/t rendu Rouen, nous avons retrouvé un peu de couleurs. Malheureusement, le revenu des agriculteurs reste dramatiquement bas avec des résultats 2017 de l’ordre de 1 Smic par actif agricole, cotisations MSA déduites et avant impôt. Le moral des céréaliers n’est pas au beau fixe, mais nous semblons apercevoir une éclaircie quant aux prix et aux marchés.
Quels sont les atouts et les handicaps de la production française ?
Notre principal atout, c’est la qualité de nos céréales et la proximité géographique de nos principaux clients (Afrique du Nord, Europe…), qui sont aussi les pays qui consomment le plus de céréales dans le monde. Excepté en 2016, notre production est globalement régulière, malgré les effets du réchauffement climatique. Ensuite, côté logistique, nous jouissons d’installations portuaires compétitives, de belles capacités de stockage. Pour autant, des points sont encore à améliorer, comme le transport des céréales par le train ou par la voie d’eau. Le projet du canal Seine-Nord Europe est donc une formidable opportunité pour développer nos exportations vers les pays d’Europe du Nord ou le grand export via Rouen. Enfin, les céréaliers font preuve de technicité, ont le sens de l’innovation et de l’adaptation.
Y a-t-il une incompréhension ou une méconnaissance des céréaliers par le grand public ?
Les attaques médiatiques, dont sont victimes les agriculteurs, sont délirantes. Et pourtant, une étude que nous dévoilerons lors du congrès montre que 74 % des interrogés ont une bonne image des céréaliers. Néanmoins, nous nous rendons compte qu’il y a un décalage entre la réalité de l’agriculture et l’image d’Epinal qui en est parfois donnée. Cependant, savoir que ce sont surtout les jeunes générations qui ont une bonne image de nous est une formidable chance que nous devrons saisir en mettant le paquet sur la communication vers ce public, avec des moyens plus connectés, plus en phase avec ces générations.
Quels sont les défis auxquels les céréaliers doivent faire face ?
Le premier défi est celui de répondre à la demande sociétale : baisse de l’utilisation des produits phytosanitaires, limitation des résidus et des impacts sur l’environnement. L’AGPB a travaillé, avec les autres organisations agricoles, sur le Contrat de solutions. Il s’agit de dire à la société : ok, nous sommes prêts à évoluer dans nos pratiques dès lors que des alternatives seront trouvées. Ce message est passé auprès des parlementaires, et nous sommes satisfaits d’entendre le président Macron réaffirmer qu’il est impossible de mettre les agriculteurs dans une situation de distorsion de concurrence si on interdit purement et simplement le glyphosate. Le deuxième défi est la nécessaire valorisation de nos pratiques, bien souvent plus vertueuses que celles de nos voisins. Par exemple, le riz de Camargue, qui se voit interdire l’usage de nombreuses molécules, ne fait pas jeu à armes égales avec ses concurrents italiens ou espagnols. Nous devons pouvoir valoriser ces contraintes par une meilleure rémunération tout au long de la filière, à l’instar de ce qui se pratique avec la charte
Lu Harmony ou Mac Donald’s.
Comment l’AGPB entend-elle répondre à ces défis ?
Nous voulons proposer un cahier des charges qui valorise les pratiques actuelles et permette d’aller chercher des euros supplémentaires. Pour ce faire, nous avons élaboré une véritable stratégie offensive de reconquête que nous dévoilerons en détail lors du congrès. C’est le bon moment pour le faire, car le secteur céréalier vient d’enregistrer trois avancées significatives. D’abord, la mise en place de l’épargne de précaution, qui permettra de mettre de l’argent de côté pendant les bonnes années et de le réintégrer lors des mauvaises. Ensuite, l’Europe a amélioré le dispositif d’assurance pour aléas climatiques et, si la France le valide, le seuil de déclenchement sera abaissé à 20 % et l’Europe co-financera à hauteur de
65 %. Enfin, et c’est le sujet central de notre congrès, notre image est bien meilleure auprès des citoyens que ne le laissait penser la pression médiatique actuelle. Le travail fourni avec le Contrat de solutions a permis de restaurer le dialogue et semble porter ses fruits. Le ministre Didier Guillaume va signer le contrat au Salon de l’agriculture et les pouvoirs publics semblent prêts à accompagner la recherche d’alternatives. J’invite les céréaliers à venir à Compiègne pour découvrir plus en détail notre stratégie sur ce sujet.
Chiffres clés nationaux
- 1er producteur de blé européen
- 70 millions de tonnes de céréales produites
- 1/3 de la surface agricole française
- 51 % de la surface arable en céréales
- 450 000 emplois du champ à l’assiette
- ¾ des agriculteurs français cultivent des céréales
- 8 milliards d’euros d’excédent commercial (moyenne cinq ans)