Alimentation animale : une nouvelle ère pour les établissements Forgez ?
Les établissements Forgez, à Caours, sont le dernier fabricant d’aliments indépendant de la Somme. Le patron, François Forgez, espère pouvoir faire perdurer son activité après son départ à la retraite.
Voilà trois générations que les vaches, moutons, canards et volailles en tout genre du secteur d’Abbeville se régalent des granulés des établissements Forgez, à Caours. «Mon grand-père, qui était boulanger et pisciculteur, a démarré l’activité après-guerre, confie François Forgez. Mon père a repris après lui, et moi après mon père.» La SARL Forgez, créée en 1957, est la dernière entreprise indépendante à fabriquer des aliments pour animaux dans la Somme. Seulement voilà : François a soixante ans et quarante-deux ans de bons et loyaux services auprès de ses habitués. «Un jour, il faut savoir lever le pied, mais je ne veux pas laisser mes clients sans solution. Je monte un projet pour faire perdurer l’activité.»
De l’ancien moulin à eau, il ne reste que le mécanisme de la roue, qui plane au-dessus du Scardon, petit affluent de la Somme. Le bâtiment est désormais équipé de toutes les machines nécessaires à la transformation des céréales : broyeur, mélangeur et presse à granulés. «La matière première, principalement des céréales, vient directement des agriculteurs ou des coopératives. Nous sommes livrés chaque semaine», explique François Forgez. En plus du blé et de l’orge, les établissements se fournissent en soja, colza, tournesol, luzerne, pulpes… Le plus possible en local. La luzerne déshydratée et les pulpes, par exemple, viennent de la sucrerie d’Étrépagny (27). «Pour le son, j’ai la chance de pouvoir travailler avec deux moulins régionaux : les Moulins Riquier, à Cahon, et le Moulin de Brimeux, dans le Pas-de-Calais.» S’ajoutent enfin des achats de vitamines et de minéraux. 16 à 20 tonnes de granulés sont fabriqués en moyenne chaque jour ouvré, soit 4 000 t par an. Le travail est toujours plus intense l’hiver, puisque bon nombre d’animaux sont rentrés, et donc nourris.
Chaque mois, une centaine de tonnes de granulés sont à destination de la vente au détail. «Développer les secteurs de niche a permis à l’entreprise de perdurer», assure le gérant. Ce mardi matin, comme toujours, les voitures se suivent dans la cour des établissements. Un sac de maïs par ci, un sac d’aliments pour canards par là, un autre pour les lapins et même pour les escargots… On paie une fois le sac chargé dans le coffre. «On reçoit parfois vingt ou vingt-cinq clients en une journée. Prendre le temps de discuter un peu et d’offrir un café fait partie du travail.» Cette ambiance familiale, qu’il entretient avec ses trois salariés, est chère à François Forgez.
Confiance et réactivité
La confiance est aussi une valeur forte de l’entreprise. En plus des particuliers, une petite centaine de «gros clients» sont fidèles aux établissements Forgez depuis des années. «Il s’agit d’éleveurs de moutons ou de bovins, qui ont une trentaine de vaches dans l’étable. Beaucoup m’appellent la veille pour le lendemain, voire le matin même, parce qu’ils n’ont plus de stock. On se débrouille pour fabriquer le plus rapidement possible et les livrer dans la foulée.» Parmi ces fidèles, les éleveurs d’agneaux AOP des prés salés de la Baie de Somme. «J’achète environ 20 t d’aliments par an pour mes trois-cents brebis, assure Roland Moitrel, éleveur. Dans le cahier des charges de l’AOP (Appellation d’origine contrôlée, ndlr), il faut que l’aliment provienne de la zone bien définie. Les établissements Forgez sont une aubaine.» Lui livre directement sa récolte et récupère la matière transformée en granulés. «Mr Forgez est arrangeant. Il a toujours du stock et la qualité est impeccable. Nous espérons qu’il y aura un repreneur, et qu’il sera aussi professionnel.»
La qualité ? Là encore, c’est une histoire de savoir-faire. «Nous utilisons toujours les mêmes formules, adaptées à chaque espèce, annonce François Forgez. Si ça convient aux animaux, pourquoi changer ?» Pour autant, le fabriquant sait se montrer à l’écoute des attentes. «S’il faut améliorer quelque chose, on le fait sans problème.» Une contrainte tout de même : celle du prix des céréales. «Lorsqu’il grimpe, comme en ce moment, on est obligé de le répercuter sur le produit final. Même si nos prix sont toujours au plus juste, il y a une conséquence pour l’éleveur.»
Cet élevage, justement, François Forgez l’a vu se transformer au fil des années. «Les petites fermes sont de moins en moins nombreuses, et sont remplacées par quelques grosses unités.» Les contraintes réglementaires sont aussi de plus en plus lourdes. «Entre le non OGM, le bio… C’est un sacré casse-tête.» Mais, l’homme en est convaincu, sa stratégie d’entreprise, axée sur la proximité, est la clé de la réussite… Qu’il pourra, il l’espère, transmettre.