Apiculteurs et agriculteurs, concurrents ou collaborateurs ?
Depuis l’histoire de l’agriculture, les abeilles butinent dans les parcelles exploitées. Elles y trouvent de quoi se nourrir, et permettent, en retour, l’indispensable pollinisation. Pourtant, en pleine écriture du Plan pollinisateur, agriculteurs et apiculteurs sont de plus en plus opposés.
Depuis l’histoire de l’agriculture, les abeilles butinent dans les parcelles exploitées. Elles y trouvent de quoi se nourrir, et permettent, en retour, l’indispensable pollinisation. Pourtant, en pleine écriture du Plan pollinisateur, agriculteurs et apiculteurs sont de plus en plus opposés.
Que serait l’agriculture sans les abeilles ? Les pollinisateurs assurent la reproduction des plantes à fleurs. Ils contribuent même à l’augmentation des rendements de nombreuses cultures, comme celle du colza, du tournesol, et des arbres fruitiers… Mais la question peut être retournée : que deviendraient les abeilles sans l’agriculture ? Les espèces cultivées sont source de nectar (glucides) et de pollen (protéines), nécessaires au développement de leurs colonies et à la production de miel.
Cette réciprocité est néanmoins confrontée au manque de dialogue entre les deux professions. La tumultueuse écriture du Plan pollinisateur en atteste. Attendu depuis décembre 2020, l’arrêté abeille révisé a enfin été envoyé aux acteurs concernés le 7 juin. Parmi les mesures, l’interdiction d’épandage des insecticides sur les cultures mellifères en fleur est étendue à l’ensemble des traitements pesticides. Les produits ayant démontré leur innocuité sur les pollinisateurs pourront cependant être pulvérisés deux heures avant et trois heures après le coucher du soleil.
Chacune des deux parties fait déjà part de ses mécontentements. De leur côté, les représentants des apiculteurs estiment que les documents «montrent un manque de volonté de la part du gouvernement pour protéger les pollinisateurs». Par exemple, ils regrettent que sur la question des horaires de traitement, le texte s’écarte des préconisations de l’Anses. «Quand on voit qu’on est en repli par rapport aux positions de l’Anses, on se dit que la ministre de l’Écologie n’a pas gagné grand-chose», soupire François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures. «Nous avons des grosses interrogations sur le financement», ajoute Éric Lelong, président de l’interprofession Interapi. Pour mettre en œuvre le plan, le gouvernement indique que les fonds européens pourraient s’élever à 13 M€ dans la nouvelle programmation, sous réserve de trouver 6,5 ME de co-financement français. Pour l’heure, le secteur apicole ne sait pas quelle part de cette somme sera à sa charge.
Le plan apicole pourrait même renforcer les contraintes imposées aux apiculteurs, en leur imposant des visites vétérinaires annuelles, en détaillant un nouveau cadre sur le bien-être animal dans les ruches ou en restreignant le nombre de ruches pouvant être installées dans certains milieux naturels protégés. «On nous prend pour des imbéciles. Le problème n’est évidemment pas qu’il y a trop d’abeilles, mais qu’il n’y a plus de ressources mellifères», s’agace Éric Lelong chez Interapi.
Des zones de butinage «irréalistes»
De leur côté, les agriculteurs se plaignent aussi de certaines contraintes. Par exemple, les pomiculteurs se disent furieux contre la notion de «zone de butinage». Les arboriculteurs de l’Association nationale pommes-poires (ANPP) font part, dans un communiqué du 10 juin, de leur crainte d’une «condamnation pure et simple du verger français et de la filière pommes-poires». En cause : l’inscription d’une notion «irréaliste» de «zone de butinage». L’arrêté impose que l’usage de phytos dotés de la mention abeille et des horaires contraints pour les épandages en période de floraison s’applique non seulement aux cultures, mais aussi à des «zones de butinage». Les arboriculteurs craignent que ces zones intègrent leurs inter-rangs, où sont parfois implantées des bandes enherbées. «Les intégrer dans l’arrêté abeilles rend toute protection du verger impossible pendant le cycle de culture», assure l’ANPP, qui demande «la suppression immédiate de la mention de zone de butinage avant publication du texte».