Apprentis cherchent maîtres d’apprentissage
Voilà environ trois semaines que les élèves des établissements agricoles de la Somme ont retrouvé les salles de classe «dans le respect des gestes barrière». L’enjeu est désormais de trouver un employeur pour les futurs apprentis.
Le secteur agricole a eu beau être plus épargné que d’autres par la crise sanitaire, les entreprises semblent frileuses quant à l’embauche, même d’un apprenti payé entre 25 et 70 % du Smic en fonction de son âge et de son diplôme. «Les aides annoncées par le gouvernement sont plus que bienvenues, mais nous sentons tout de même une réserve des entreprises. Ils attendent certainement des précisions. Les agriculteurs veulent aussi pouvoir se projeter sur les perspectives de récolte et de marchés», confie Xavier Bortolin, directeur du CFPPA d’Amiens Le Paraclet, à Cottenchy.
Le plan de relance de l’apprentissage qu’a annoncé le gouvernement comprend une aide exceptionnelle d’un montant de 5 000 € pour les apprentis mineurs et de 8 000 € pour les majeurs. «Cette aide est valable pour toutes les embauches d’apprentis préparant un diplôme allant du CAP à la licence professionnelle. Elle sera versée pour tout recrutement effectué entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Tout comme l’aide unique à l’embauche d’apprentis, le déclenchement du versement de cette aide exceptionnelle sera conditionné, pour les entreprises de moins de deux cent-cinquante salariés, au seul dépôt du contrat d’apprentissage», est-il précisé. Un message d’encouragement est donc transmis aux cent soixante-quinze apprentis formés chaque année en alternance au Paraclet : «Restez confiants, nous vous épaulons dans votre recherche.»
Nouvelles formations
Le coup de pouce du gouvernement pour l’apprentissage a aussi donné une bouffée d’oxygène à Brigitte Mullie, directrice du lycée Sainte-Colette, à Corbie. «On nous annonçait entre 24 et 40 % de contrats d’apprentissage en moins. Cette aide est plus que bienvenue !» D’autant que l’établissement ouvre à la rentrée scolaire deux nouvelles formations en apprentissage : un BTS STAE (Sciences et technologies des aliments), qui forme, entre autres, à l’organisation d’un atelier de transformation à la ferme, et une licence Qualité et sécurité alimentaire. Environ vingt-cinq apprentis pourront être accueillis dans chaque formation. «Nous n’avons pas encore beaucoup communiqué sur ces formations, mais nous avons déjà des demandes d’entreprises. Il nous faudra mettre les apprenants dont le profil correspond en face», explique Brigitte Mullie.
Pour Philippe Poitel, directeur des MFR (maisons familiales rurales) Hauts-de-France, l’aide annoncée est particulièrement bénéfique aux BTS, «qui ne profitaient d’aucune aide jusque-là». Les vingt-deux MFR régionales font le pari de l’apprentissage depuis plusieurs années : «nous avons 15 % d’alternants en plus en un an», se félicite le directeur. Les établissements ouvrent également de nouvelles formations en Picardie : une terminale CGEA (Conduite et gestion de l’exploitation agricole) à Saint-Sulpice (60), un bac pro Technicien conseil vente en animalerie à Songeons (60), Un BTS ESF (Économie sociale familiale) à Ambleny (02) et une terminale Service aux personnes et aux territoires à Conty (80).
«Plus de chance d’être embauché»
Selon le président de l’Association régionale des directrices et directeurs (ARDIR) de centres de formation par l’apprentissage des Hauts-de-France, Stéphane Bailliet, «l’apprentissage donne trois à quatre fois plus de chances d’accéder à un emploi». «C’est la formule la plus pertinente pour être formé et trouver du boulot. En plus, la loi Pénicaud a facilité les choses en libéralisant l’offre de formation», assure-t-il. Il n’y a plus qu’à espérer que les CV des candidats trouvent leur bonheur.
Apprentissages adaptés
Rentrée masquée. C’est le thème de la reprise des cours dans tous les établissements agricoles : MFR, Paraclet, Sainte-Colette… Et chaque établissement a pris des dispositions pour allier au mieux mesures sanitaires et enseignement. «La conduite du tracteur est impossible, car il faut un formateur avec l’élève dans la cabine, explique Xavier Bortolin, directeur du CFPPA du Paraclet. Mais nous avons, par exemple, défini un zonage des postes de travail de l’atelier agro-équipement pour maintenir les évaluations pratiques. Pour l’exploitation, des tours de plaines sont aussi réalisés.»
Au lycée Sainte-Colette, un projet transversal intitulé «mon lycée, un îlot de biodiversité» a été spécialement pensé pour faire plancher les élèves différemment, dans ce contexte particulier. «Nous avons voulu donner du sens à l’enseignement», confie Brigitte Mullie, la directrice. Les élèves de seconde travaillent notamment sur la connaissance des végétaux qui favorisent la biodiversité du site, et sur la communication de ce projet vers le grand public, tandis que ceux de première STAV (Sciences et technologies de l’agronomie et du vivant) se penchent sur l’impact de la biodiversité dans la vie quotidienne, et que ceux de première pro cherchent le moyen d’évaluer scientifiquement la biodiversité. «Les élèves sont présents par groupes, pendant deux jours. Chaque groupe est informé des travaux des autres. Nous avons ainsi réussi à créer un lien précieux.»