Bail cessible : un bail pas comme les autres
La loi d’orientation agricole et la loi de modernisation agricole ont mis en place des moyens juridiques pour valoriser et transmettre l’exploitation de façon globale, en créant le bail cessible. Explications.
notamment quand il s’agit de personnes hors cadre familial.
Aujourd’hui, les dispositions du statut du fermage ne permettent pas de transmettre une exploitation hors cadre familial. En fait, la cession de bail rural est interdite sauf au profit du conjoint ou d’un descendant avec autorisation du bailleur. Cela conduit souvent au démantèlement de l’exploitation sans successeur. C’est pourquoi le législateur a voulu créer un bail cessible, afin de faciliter la transmission de l’exploitation de manière globale. Ainsi, le bail cessible permet au preneur de céder son bail à tout exploitant extérieur à sa famille et moyennant une contrepartie financière.
Dispositions du bail cessible
Créé par la loi d’orientation, le bail cessible permet d’insérer une clause dans un bail rural autorisant le locataire à céder son bail à des personnes autres que ses descendants ou son conjoint. La durée du bail initial est fixée à dix-huit ans et doit être signé devant notaire. Il se renouvelle par tacite reconduction. A défaut de congé par acte extrajudiciaire délivré dix-huit mois avant le terme, le bail cessible se renouvelle par période de neuf ans.
Le prix du loyer est fixé entre les minima et les maxima du statut du fermage, dont seul le maxima peut être majoré de 50 %. Les maxima majorés de 50 % s’appliquent aux fermages des contrats de location de plus de dix-huit ans, déjà majorés par rapport aux baux de neuf ans. Certaines clauses peuvent être librement négociées : droits et obligations du preneur en matière d’exploitation, répartition du droit de chasse et du droit de chasser, cession du bail sans fonds agricole…
Une autre caractéristique de ce bail est de permettre au bailleur de s’opposer, sans condition et à chaque renouvellement, à la poursuite du contrat. Lors d’une notification de congé par le bailleur, celui-ci n’a pas de motif particulier à donner lorsqu’il entend s’opposer au renouvellement du bail. Dans ce cas, le bailleur doit payer au fermier une indemnité d’éviction correspondant au préjudice causé par le défaut de renouvellement qui comprend la dépréciation du fonds du preneur, les frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour acquérir un bail de même valeur. En théorie, cette indemnité doit permettre au preneur, en cas d’éviction totale, de retrouver une exploitation de même valeur économique.
En cas de cession du bail, le fermier doit notifier au bailleur l’identité du repreneur et la date de cession envisagée, au moins trois mois au préalable par lettre recommandée avec accusé de réception. Le cas échéant, le bailleur peut exercer un recours en justice, à condition que ce soit pour des motifs légitimes (garantie financière du nouveau fermier, par exemple).
Si le bail a plus de trois ans, et si le bailleur décide de vendre tout ou partie de ses biens loués, le preneur, dans le cadre de son droit de préemption, ne peut pas demander la révision du prix de vente des biens loués (chose possible dans les baux classiques) et le droit de préemption de la Safer ne peut pas s’appliquer. Un seul défaut de paiement de fermage suffit pour demander le non-renouvellement du bail. Dans les baux et dans les baux classiques, il faut deux défauts de paiement.
Le régime fiscal du bail cessible est aligné sur celui des baux à long terme. Le bailleur bénéficie des mêmes avantages fiscaux que les autres baux à long terme, en particulier la décote de la valeur vénale du foncier, l’exonération totale ou partielle de l’impôt sur la fortune immobilière et l’exonération des droits de mutation à titre gratuit, à concurrence des trois quarts de leur valeur jusqu’à 300 000 E, et la moitié pour le surplus. Evidemment, en dehors des dispositions stipulées ci-dessus, celles du statut du fermage demeurent toujours applicables.
Dérogations au statut du fermage
La loi prévoit des dérogations, comme le fait que le bailleur puisse donner congé sans motif et sans faute du preneur. Dans ce cas, il doit verser au preneur une indemnité évaluée en fonction du préjudice causé par le défaut de renouvellement. Toutefois, si le congé est fondé sur une faute du preneur (non-paiement du fermage, mauvaise exploitation du fonds…), l’indemnité n’est pas due.
Le bail cessible peut contenir des conditions particulières dérogatoires au statut du fermage, qui ne sont pas admises dans les autres baux à long terme. Une clause peut, par exemple, prévoir que le bailleur pourra, par préférence, acquérir le bail cédé seul et non pas dans le cadre d’une cession de fonds agricole. Dans ce cas, il devra payer le prix dont aurait dû s’acquitter un autre repreneur.
Quel intérêt ?
Il ne faut pas oublier que le bail cessible est une mesure complémentaire à la création du fonds agricole. Cette option devrait faciliter les installations en fermage sur des unités économiques viables. Attention, les bailleurs peuvent recevoir une rémunération plus importante de leur location et prétendre, moyennant une indemnité, à recouvrer la libre disposition de leur bien à une date certaine.
La loi de modernisation a levé l’interdiction du pas-de-porte. Désormais, les droits d’entrée et autres «chapeaux» sont autorisés lors de la conclusion des baux cessibles, comme au moment de leur cession. Cette possibilité offerte pour le propriétaire permet de percevoir une somme à la signature du bail, qui est la contrepartie de l’acquisition de la propriété culturale par le preneur. Mais, avec le temps, le bail cessible commence à séduire…