Betteraves : les précieux conseils de l’ITB pour la campagne 2019
L’ITB (Institut technique de la betterave) tenait sa réunion technique annuelle ce 8 janvier. Bilan de campagne et ses enseignements, choix variétal et protection des plantes étaient, entre autres, au programme.
Avec 88 t/ha en moyenne pour la campagne 2017-2018, la Somme est sous sa moyenne de productivité cinq ans, mais au-dessus de la moyenne nationale. Comme pour les autres départements, les conditions météorologiques ont été parmi les facteurs les plus impactants. L’hiver dernier a été «plus pluvieux que la moyenne trente ans, ce qui a permis de renforcer les réserves utiles du sol», détaille Thierry Leclère, de l’ITB Somme, lors de la réunion technique annuelle du 8 janvier, à Salouël.
Les reliquats sortie d’hiver se trouvaient faibles (inférieurs à 50 kg/ha pour 90 cm), et des apports de 83 à 160 U d’azote étaient conseillés. Pendant la période estivale, très sèche, un palissement du feuillage a parfois était observé. «Mais un apport d’azote supplémentaire ne permet pas d’améliorer le rendement.» Le conseil de l’ITB est de réaliser un bilan azote en sortie d’hiver sur 90 cm, puis de respecter la dose bilan, sans surfertiliser, même si la dose conseillée semble faible.
Les semis, eux, se sont faits après des périodes de forte pluie et des ressuyages de sols lents. «Beaucoup d’agriculteurs ont ouvert le labour avec des outils à dents pour faire sécher le sol. Attention toutefois de s’adapter aux conditions climatiques, car en cas de vents séchants, cette technique pourrait avoir pour résultat un sol trop sec, qui engendrerait des levées en deux ou trois fois, et des problèmes de désherbage.» Thierry Leclère insiste aussi sur l’importance d’un travail pas trop profond du sol (à 6 ou 7 cm) et du rappuyage, «premier levier pour lutter contre le parasitisme souterrain».
Quelle protection insecticide ?
La protection insecticide, justement, est une des questions brûlantes, puisque les néonicotinoïdes sont désormais interdits. Pour les semences, la téfluthrine apparaît comme seul levier, avec une dose recommandée par la filière de force 8 g (33 à 34 €/ha) ou de force 8 g + un renfort si nécessaire de force 1,5 g à 7 kg/ha en micro-granulés (70 €/ha). «Cette solution s’avère aussi efficace que les néonicotinoïdes pour les taupins et les blaniules, mais un peu moins pour les tipules et les atomaires.»
Pour le traitement en végétation, peu de solutions existent pour lutter contre le puceron, vecteur de la jaunisse. Le Teppeki a néanmoins été homologué à 0,14 kg/ha, à base de flonicamide, et autorisé du stade 6 feuilles à DAR soixante jours. Il semble intéressant : «C’est un aphicide strict, qui respecte les auxiliaires et agit par contact et ingestion.»
Pour renforcer la lutte, l’ITB met en place cette année un réseau d’observation des pucerons, avec sept points dans la Somme. «Nous allons procéder au piégeage et à la collecte des pucerons dans des cuvettes jaunes deux fois par semaine», précise Thierry Leclère.
Optimiser la fertilisation
Pour la fertilisation, la dose de phosphore est à calculer en fonction de l’exigence de la culture, de la teneur du sol, de l’ancienneté du dernier apport et de l’enfouissement ou non des résidus. «Le seuil d’impasse est cependant fixé à 140 ppm dans les cranettes et à 50 ppm dans les limons», annonce l’ITB. En cas de pluie, le phosphore est peu sensible au lessivage, mais présente un risque de rétrogradation. Il faut donc privilégier les apports de printemps. L’apport en localisé, lui, ne présente un avantage que pour les sols crayeux.
Faut-il aussi ajouter du magnésium ? Deux facteurs de déficience sont à prendre en compte : la teneur faible et la compétition avec d’autres cations. «Il n’y a pas de réponse claire des apports conjoints de phosphore et de magnésium par rapport à la fumure de fond. Il s’agit d’appréhender l’intérêt économique.»
Désherbage et fongicides
En 2018, dans la Somme, les chénopodes ont été les adventices les plus invasives. Suivent les chardons, les laiterons, puis les graminées. Or, là aussi, les solutions chimiques sont restreintes. Le Menhir FL est réhomologué pour un an, en pré-levée à 3l/ha, ou en post-levée en 4 x 0,8 l/ha. Idem pour le Boxer SC 500, le Tramat F et l’Agrijet 500, mais à une seule application par an, non fractionnable. D’autres fongicides sont possibles en complément, comme le Fusnet SC à 6 l/ha en cycle cultural en trois fois, ou le Venzar et le Varape à 0,156 kg/ha en quatre fois. Safari Duoactive est tout nouveau, autorisé de 105 à 150 g/ha sur adventices au stade point vert.
Pour tous ces produits, il s’agit de respecter les doses d’application pour éviter les problèmes de résistance. «Les solutions agronomiques telles que le labour, les faux semis, les rotations, etc. restent bien sûr de bons moyens de lutte.»
Et les maladies ? Le réseau d’alerte Resobet-fongi a mis en avant la présence d’oïdium et de cercosporiose dans le département cette année. Cette dernière maladie, qui s’est fortement développée début septembre, s’est surtout montrée virulente à l’est de la Somme. 44 % des sites ont d’ailleurs nécessité des T3. «Il faut aussi avoir en tête que d’autres maladies pourraient apparaître.» L’astuce serait d’intervenir au bon moment, ce qui implique une surveillance pointue, et de choisir des variétés au moins neutres, au mieux tolérantes à la maladie, mais surtout pas sensibles.
Les variétés conseillées en 2019 sont à retrouver sur http://www.itbfr.org
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Réussir son couvert d’interculture
Deux questions sont à se poser pour définir son couvert : quelles sont les contraintes (date de libération de la parcelle, et donc de semis, situation des vivaces…) et quels objectifs se fixe-t-on (est-ce une simple application de la réglementation, ou souhaite-t-on maximiser le couvert pour un maximum de matière sèche ?) L’interêt de l’interculture n’est plus à prouver. «Nos derniers tests montrent un gain de productivité en betteraves de 8 % entre un sol nu sans apport d’azote et un sol couvert sans apport d’azote», assure l’ITB. Encore faut-il le réussir…
La date de semis est donc déterminante : «La production de matière sèche varie du simple au double lors d’un semis au 20 août ou au 1er septembre», assure-t-on à l’ITB. Les espèces devront être envisagées en fonction de cette date de semis. «La vesce et le trèfle, par exemple, ont un cycle de développement plus long que la moutarde ou le radis. Il seront donc à privilégier lors de semis précoces.»
De même, l’association d’une légumineuse pourrait être bénéfique en semis précoces, car elle sera étouffée par les crucifères si elle était semée trop tard. «Après le 20 août, on peut conseiller de semer des mélanges radis-moutarde, avoine-phacilie, phacilie-moutarde, ou encore radis-avoine.» La variété elle-même de la plante est à choisir en fonction de la date de semis. «Les radis sont plutôt tardifs. Ils sont donc à privilégier dans les semis d’août.»
Autre point important : la densité de semis. Elle doit être suffisamment importante pour couvrir le sol uniformément et empêcher la pousse des adventices. La subtilité réside en la connaissance des PMG (poids mille grains), qui peut être différente à l’intérieur même d’un mélange. Comptez 100 g/m2 pour des moutardes et des radis, 150 g/m2 pour de l’avoine et de la phacélie, 300 g/m2 pour le trèfle et 110 g/m2 pour la vesce. «Pour un mélange radis Black Jack + vesce Berninova, on pourra alors conseiller 10 g/m2 + 100 g/m2, ou 30 g/m2 + 80 g/m2.»
Voici deux exemples de mélanges réussis : vesce commune ou pourpre + radis tardifs + moutarde tardive + phacélie + avoine rude ; et trèfle d’Alexandrie + radis tardif + moutarde tardive + phacélie + avoine rude. A. P.