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Betteraves : nombreux défis agronomiques

Lutte contre la jaunisse ou la cercosporiose, désherbage mécanique des parcelles ou encore risque nématodes sont au coeur des préoccupations de l'ITB Somme.

Des semis très précoces n'améliorent pas forcément le rendement, mais amènent des risques supplémentaires.
Des semis très précoces n'améliorent pas forcément le rendement, mais amènent des risques supplémentaires.
© J.-C. Gutner



Alors qu'on l'annonçait comme la menace de l'année 2019, la jaunisse n'aura finalement causé que des dégâts mineurs dans les parcelles de betteraves de la Somme. Ce constat, c'est celui qu'ont livré les responsables de l'Institut technique de la betterave lors d'un rendez-vous technique organisé début janvier. Mais pour autant le risque n'est pas nul. Le réseau de surveillance mis en place dans le département a correctement rempli son rôle. Ce qui permet à Yohan Debeauvais, le délégué régional ITB pour la Somme, de l'affirmer : «si l'on veut repérer la présence de pucerons, il n'y a pas de secret. Il faut aller voir sur le terrain». Alors que 71 % des parcelles ont présenté au moins un foyer de jaunisse, «le préjudice sur le rendement a été faible», poursuit M. Debeauvais.

Lutte contre la jaunisse
En matière de lutte contre le puceron responsable de la jaunisse, des tests réalisés courant 2019 montrent une efficacité relative des solutions de biocontrôle lorsqu'on les compare à un témoin non-traité ou à un témoin traité avec la solution Teppeki. Autrement dit, «on est encore loin du compte», selon l'ITB Somme. La solution la plus efficace reste à ce jour l'application de la solution Teppeki, à partir du stade 6 feuilles. «Appliquée au bon moment, cette solution permet de passer de 12,8 % de jaunisse à 3,7 %», assure Cédric Royer. L'impact sur le rendement de la jaunisse n'est pas négligeable puisque selon des observations réalisées entre 2017 et 2019, on constate des pertes de productivité pouvant atteindre 28 % entre une zone saine et une zone infestée. Autre problème relevé par les techniciens de l'ITB : «la lutte doit être collective puisque les pucerons circulent d'une parcelle à une autre».
Conséquence du stress hydrique qui a touché un certain nombre de parcelles, un phénomène de flétrissement a été également constaté, ainsi que la présence de teignes. Concernant ces dernières, «c'est un parasite qu'il faut surveiller parce que la lutte est difficile», a rappelé Yohan Debeauvais.

Tests de buses anti-dérives
Engagé dans la réduction des produits phytosanitaires, l'ITB Somme est revenu lors de son comité technique sur l'étape-clé du désherbage en faisant la promotion du désherbage mécanique : «La réussite du désherbage mécanique se prépare dès la préparation du sol. Le sol doit être nivelé, sans mottes et bien rappuyé», indique l'ITB. Le premier passage d'un outil mécanique peut ensuite s'envisager jusqu'au stade 2 feuilles, sans crainte de destruction. Sujet au coeur de l'actualité des dernières semaines, les futures zones de non-traitement (ZNT) se sont aussi invitées dans les discussions. «Étant donné que la culture est considérée comme une culture basse, la ZNT applicable sera de 5 mètres», explique M. Royer. Cette distance pourrait être réduite à 3 mètres en cas d'utilisation de buse anti-dérive ; et cela même alors que le dispositif a toujours été «déconseillé» par l'ITB. Aujourd'hui, face à la nécessité, l'institut dit être prêt à tester l'effet des buses anti-dérives et évaluer leur efficacité.

Semer précoce ou pas ?
Si l'on s'intéresse aux semis, d'après les constats de l'ITB, les réaliser précocement n'apporteraient pas de différence «significative» sur le rendement de la betterave : «Globalement, les semis de février n'ont pas permis de gain, rapporte Yohan Debeauvais. Entre un semis du 25 février et un semis réalisé au 25 mars, il n'y pas tellement de différence. La seule chose, c'est que l'on augmente le coût du désherbage, le risque de ravageurs et celui de montée à graines.»  

Profiter du choix variétal
Et si la réponse à chaque problématique se trouvait finalement dans le choix variétal ? Sans remettre en cause l'utilité des travaux de recherche qui continuent à être menés, l'ITB encourage vivement les planteurs de betteraves à se pencher sur le panel des variétés à leur disposition. «Dans beaucoup de cas, la génétique peut apporter des réponses, constate Ghislain Malatesta, coordinateur de l'expérimentation à l'ITB. C'est un choix à raisonner à la parcelle. Si on n'a pas de risque sanitaire particulier, on peut s'orienter vers des variétés résistantes à la rhizomanie. 18 variétés sont utilisées dans 75 % des parcelles. En présence d'un risque nématodes dans une parcelle, des variétés résistantes aux nématodes existent aussi.» Enfin, la dernière recommandation de l'ITB porte sur l'antériorité de l'inscription des variétés au catalogue français : «80 % du choix doit se faire dans les variétés inscrites en années 2 et 3, et le reste dans les nouvelles variétés».


Réussir en trois points sa protection contre les maladies du feuillage

S'il n'existe pas de solution miracle pour lutter contre les maladies du feuillage, une stratégie efficace repose sur trois leviers, comme l'a rappelé Yohan Debauvais : choix variétal, intervention au bon stade et choix du produit. Pour lutter contre la cercosporiose, plutôt présente dans le nord-ouest et l'est du département, «choisir une variété sensible augmente considérablement le risque de ne pas maîtriser la maladie, surtout en fin de cycle», explique M. Debauvais. Le choix variétal doit s'effectuer en fonction de la parcelle - est-elle à risque ou pas ? -, des parcelles situées aux alentours, des restes de déterrage de la campagne précédente et de la pression géographique. La seconde règle est d'intervenir «au bon stade», autrement dit, «pas trop tôt», et en veillant «à ne pas faire d'impasse dans les traitements», détaille-t-on à l'ITB où l'on propose un outil chargé de déclencher des alertes en fonction d'une situation géographique. Le troisième levier consiste à choisir «le bon produit», indique l'ITB qui effectue un certain nombre de tests-produits. Dernier conseil en la matière : «utiliser à pleine dose».




Chercher et innover dans un monde «chahuté»

La filière betterave vit des heures difficiles, et pas seulement sur le plan économique. «Les années se suivent et malheureusement se ressemblent», a ainsi rappelé Dominique Fievez, président de la CGB 80, lors du comité technique de l'ITB dans le département de la Somme. «Nous allons terminer la campagne 2019-2020 avec un rendement moyen de 88 tonnes à 16, ce qui est loin d'être suffisant. Les conditions climatiques que nous avons connu n'ont pas permis à la betterave d'exprimer tout son potentiel. Les marges des planteurs devraient encore être négatives pour 2019 étant donné que les prix ne sont pas non plus au rendez-vous», a regretté M. Fievez. Lorsque les conditions climatiques et économiques ne sont pas au beau fixe, de nombreux espoirs sont alors portés sur le volet technique. Une mission à laquelle l'ITB tente de répondre. Son directeur, Vincent Laudinat, est ainsi revenu sur les pistes de travail actuellement suivies par l'institut : bio, lutte contre la jaunisse et la cercosporiose, évaluation des produits phytosanitaires, conséquences du changement climatique... «Au sujet du bio, indique M. Laudinat, il y a encore aujourd'hui une opposition avec l'agriculture conventionnelle, alors que cela ne devrait pas avoir lieu d'être. Bio et conventionnel sont deux modes de production différents, mais ils se complètent. Le bio ne serait pas  au niveau technique qu'il est aujourd'hui s'il n'y avait plus d'agriculture conventionnelle. L'ITB travaille le sujet, avec de nouvelles méthodes pour définir des itinéraires culturaux spécifiques.»  En ce qui concerne les produits phytosanitaires, le directeur de l'ITB confirme le rôle de l'institut dans l'évaluation de certaines solutions et tacle au passage certains choix : «L'interdiction des néonicotinoides en betterave ne se justifiait pas, mais la France a voulu aller plus loin que ses voisins européens en les interdisant.» Sur la cercosporiose, l'institut technique explique poursuivre ses travaux de recherche, «face à une maladie qui évolue en Europe, comme aux États-Unis». Le travail sur la prévention de la jaunisse s'effectue, quant à lui, «avec les autres instituts techniques», de la même manière que cela se pratique pour tenter d'établir de nouveaux itinéraires techniques pour répondre au changement climatique. Malgré tous ces chantiers, l'ITB considère être encore «mal connu». «Nous devons amplifier notre capacité à donner de la visibilité à ce que nous faisons», a défendu M. Laudinat. Et de citer en exemple la dernière édition de l'événement Déserh'Avenir 6 au cours duquel quelque 1 600 participants ont été accueillis pendant deux jours pour trouver des réponses à la problématique «désherbage» en culture de betteraves.

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