Elevage
Bien-être animal : les grandes manœuvres débutent en France
ONG et professionnels avancent leurs pions en vue de la révision de la réglementation européenne sur le bien-être animal. La filière volaille de chair tire à boulets rouges sur l’Efsa, tandis que les ONG cherchent à mettre sur la table le dossier de l’abattage.
ONG et professionnels avancent leurs pions en vue de la révision de la réglementation européenne sur le bien-être animal. La filière volaille de chair tire à boulets rouges sur l’Efsa, tandis que les ONG cherchent à mettre sur la table le dossier de l’abattage.
«Un rapport mortifère pour la souveraineté alimentaire» : c’est ainsi que le président d’Anvol (interprofession des volailles de chair) Jean-Michel Schaeffer a qualifié le rapport de l’Efsa sur le bien-être des volailles de chair publié fin février. L’agence sanitaire européenne y préconise notamment de diviser par quatre la densité maximale en élevage (à 11 kg/m2), ou encore de limiter la croissance quotidienne des animaux à 50 g (races à croissance lente). «Si nous suivons ces recommandations, demain ce ne sera pas 50 % de poulet que nous importerons, mais 90 %», s’est alarmé M. Schaeffer lors de l’assemblée générale de l’interprofession, le 5 avril à Angers.
La Commission européenne doit présenter avant la fin 2023 sa proposition de révision de la réglementation sur le bien-être animal, et l’Efsa alimente sa réflexion avec des rapports sur les différentes espèces. «L’étude sur l’impact économique est attendue pour dans des mois, alors que l’écriture des textes aura déjà commencé, c’est ahurissant !», a lancé M. Schaeffer. Sans compter que cette révision s’ajoutera au Pacte vert, qui pourrait provoquer «une perte de productivité de 60 % en élevage», selon Nan-Dirk Mulder, de Rabobank. «Si cela continue, nous aurons un vrai pro- blème d’approvisionnement en viande de volaille...»
Vers «une proposition proche de l’ECC» ?
Comme le rappelle Paul-Henri Lava, de l’Avec (filière européenne), «la commande qu’a reçue l’Efsa, c’est de décrire ce que serait un poulet avec un bien-être maximisé». Un «biais important», selon lui, qui ne prend pas compte les paramètres techniques ou économiques. D’après M. Lava, la Commission devrait atterrir sur une position intermédiaire : «On soupçonne une proposition qui se rapproche de l’ECC» (European Chicken Commitment), soit une densité autour de 30 kg/m2 et l’utilisation de races à croissance intermédiaire. L’ensemble des distributeurs français s’est engagé à basculer intégralement d’ici 2026 sur ce cahier des charges, conçu par une trentaine d’ONG européennes. Trois ans avant l’objectif, «je n’ai pas vu beaucoup d’évolution» des parts de marché de l’ECC, a euphémisé Nan-Dirk Mulder. Et l’analyste hollandais de rappeler que le contexte inflationniste ne favorise pas le poulet «standard amélioré» (concept chicken), qui coûte «20 à 45 % plus cher».
«Il n’est pas question de discuter» sur la base de l’avis de l’Efsa, s’emporte de son côté le vice-président d’Anvol, Gilles Huttepain. «Nous demandons au ministre de l’Agriculture de prendre une position tranchée dans le mois qui suit.» Dans une courte intervention vidéo, Marc Fesneau s’est «engagé» à «ce que la position portée par la France respecte l’impératif de préservation de la souveraineté alimentaire». Une promesse «a minima», a réagi Jean-Michel Schaeffer, attendant de «juger sur les actes».
Les ONG veulent parler abattage
De leur côté, les ONG de protection animale avancent aussi leurs pions. Dans une lettre ouverte au ministre de l’Agriculture publiée le 31 mars, six d’entre elles demandent à Marc Fesneau «l’ouverture d’une concertation spécifique» sur l’abattage dans le cadre de la révision de la législation européenne sur le bien-être animal. D’après elles, la Rue de Varenne a reçu le 10 mars «les représentants des différentes filières, divers organismes professionnels et des associations de protection animale» pour préparer la position française. Les signataires regrettent le choix de M. Fesneau «d’écarter la thématique de la protection animale lors de l’abattage», afin de se concentrer «sur les sujets faisant consensus». Au contraire, ils estiment que «le ministère de l’Agriculture empêche la tenue de discussions qui pourraient justement permettre de dégager un consensus».
«Plusieurs sujets méritent d’être abordés», estiment les ONG : l’électrocution des volailles avant mise à mort, la vidéosurveillance dans les abattoirs, ou encore «une interdiction, sans exception, de l’élimination des poussins et canetons». Malgré l’interdiction du broyage des poussins, la Rue de Varenne a «pérennisé le gazage des poussins utilisés pour l’alimentation animale et issus de poules blanches, sans limite de temps ni de volume», regrettent-elles. La proposition que prépare la Commission européenne doit porter sur l’élevage, le transport et l’abattage. L’exécutif européen a aussi promis d’y inclure l’interdiction des cages, en réponse à l’initiative citoyenne «End the cage age». En France, «2,7 millions d’animaux sont abattus par jour», rappellent les associations.