Bigard contraint de mettre en place un Plan de sauvegarde de l’emploi
Une réunion du comité central d’entreprise a eu lieu le 8 novembre dernier, au siège de Quimperlé. Le PSE était au cœur des échanges.
On reprend les mêmes et on recommence. Le 29 septembre, les salariés du site d’Ailly-sur-Somme, spécialisé dans le conditionnement et la découpe de viande, apprenaient que toute l’activité serait transférée, ainsi que les 94 salariés du site dans les autres usines du groupe, en l’occurrence, une trentaine à Flixecourt (Somme), une trentaine à Formerie (Oise) et une trentaine à Saint-Paul-sur-Ternoise (Pas-de-Calais). Autrement dit, si Christophe chantait en son temps «Capri, c’est fini», les salariés pouvaient entonner une autre version de ce hit, «Ailly-sur-Somme, c’est fini». Et ce, bien qu’en aucun moment, la direction n’ait évoqué la fermeture du site, mais son transfert d’activité. Question de sémantique.
Transfert ou fermeture, suivant le côté de la balance où l’on se place, les salariés, depuis, n’attendaient qu’une seule chose : la mise en place d’un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Mais de PSE, le groupe Bigard n’en voulait pas, jouant, selon les syndicats, sur le fait qu’entre ceux qui accepteraient les transferts et ceux qui demanderaient un départ anticipé à la retraite, point d’obligation légale d’en faire. Craignant que le groupe ne passe outre, les syndicats présentaient donc leurs arguments à la Direccte (Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région Hauts-de-France), ainsi qu’à la préfecture. Leurs arguments ont été entendus.
Bigard face au mur
Dans un courrier adressé à l’établissement Bigard d’Ailly-sur-Somme, en date du 13 octobre dernier, l’inspecteur du travail de la Direccte lui rappelait «qu’eu égard à la combinaison de plusieurs facteurs non exhaustifs tels que la localisation géographique des postes proposés dans le cadre des mobilités (jusqu’à 75 km), la pyramide des âges sur le site d’Ailly, mais encore l’usure professionnelle tant physique que mentale, comme le démontre le rapport d’expertise CHSCT du cabinet Emergence, de nombreux salariés n’auront d’autre choix que de refuser leur transfert». Conclusion : il est «incontestable que l’ampleur de ces refus conduira de facto à un nombre de licenciements au-delà du seuil légal de l’article L.1233-25 du Code du travail (dix salariés)».
Autre élément avancé par la Direccte : l’accord de groupe portant sur les parcours d’évolution professionnelle des salariés du groupe Bigard, signé par une partie des syndicats en présence. Un accord qui validait le dispositif de mobilité interne. Mais, là encore, la loi est on ne peut plus clair : ce type d’accord n’est valide que s’il concerne des mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs. Or, depuis 2010, les effectifs ont fondu comme neige au soleil, passant de 223 à 131, puis à 94 aujourd’hui. Conclusion : le nouvel accord négocié, dont se prévaut le groupe, l’a été alors qu’un projet de réduction des effectifs existait. Aussi, «la décision de transférer l’intégralité des effectifs d’un établissement et la cessation d’activités ne peuvent s’analyser comme une mesure collective d’organisation courante […], mais comme une mesure exceptionnelle du fait de son impact considérable sur l’avenir de chaque salarié au sein de l’entreprise». Conclusion : «L’utilisation de ce type d’accord comme un outil de gestion des restructurations constitue, par conséquent, et indiscutablement, un détournement de l’esprit et du texte de loi.» Autrement dit, le groupe a l’obligation de mettre en place un PSE si au moins dix salariés refusent tout transfert. En cas de refus du groupe, «cette situation sera assimilable à une fraude à la loi, ainsi qu’à un détournement de procédure».
Entre être hors la loi et s’exposer à de lourdes sanctions ou obtempérer, Bigard a choisi. Le 8 novembre, lors du comité central d’entreprise réuni à Qimperlé, le directeur des ressources humaines du groupe, Benjamin Castel, a annoncé que Bigard allait mettre en place un PSE. Si les syndicats ont obtenu gain de cause, ce n’est pas pour autant une victoire. «La victoire aurait été d’obtenir le maintien de l’activité sur le site car, au bout du compte, on va tous se retrouver au chômage», commente Stéphane Dormeval, délégué CGT.
Ne reste plus à présent qu’à négocier les termes du PSE (formation, congés de reclassement, etc.). Tout n’est donc pas terminé entre les salariés et Bigard. Mais l’industriel a décidé désormais de mettre un coup d’accélérateur pour clôturer ce «dossier» au plus vite. Le dernier comité d’entreprise devrait se tenir en janvier prochain.