Bigard : un Plan de sauvegarde de l’emploi au goût amer
Le 12 janvier, au cours de la réunion du comité central d’entreprise, à Quimperlé, les syndicats, sauf la CGT, ont validé le Plan de sauvegarde de l’emploi proposé par Bigard. L’Etat en fera-t-il autant ?
Contraint, le 13 octobre dernier, par la Direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de la région des Hauts-de-France (Direccte) de mettre en place un Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), dans le cadre de la fermeture de son usine de conditionnement et de découpe de la viande, à Ailly-sur-Somme, Bigard a fini par en élaborer un. Présenté au comité central d’entreprise, à Quimperlé, le jeudi 12 janvier, il a été voté par les syndicats FO, CFDT et CFE-CGC. Seule la CGT s’y est opposée. La majorité ayant été atteinte, le PSE est donc validé en interne. Ne reste plus à Bigard qu’à décrocher l’aval de la Direccte, qui doit se prononcer d’ici quinze jours, une fois le plan transmis à ses services.
Ce plan se décline en deux volets : l’un social, l’autre économique. Le volet social comprend deux dispositifs. Le premier est un reclassement en interne, avec une aide à la mobilité de 3 000 € pour ceux qui acceptent d’être mutés à Flixecourt et de 7 500 € pour ceux qui iront à Saint-Paul-sur-Ternoise ou à Formerie. Sur les quatre-vingt-douze salariés de l’usine (quatre-vingt-quatorze en fait, mais l’un a déjà démissionné et le second, le directeur de l’usine, a été muté), vingt-cinq ont accepté de rejoindre Flixecourt, trois d’aller à Formerie et deux à Saint-Paul-sur-Ternoise. Soit un tiers de l’effectif global.
A ceux qui n’acceptent pas ce reclassement en interne, soit les deux tiers de l’effectif, leur est proposée une mobilité externe. Une jolie formule pour ne pas dire un licenciement économique, ce qui est en réalité. Dans ce dispositif, les salariés peuvent choisir soit, ce que Bigard nomme, une rupture de contrat d’un accord commun pour motifs économiques, avec une prime de départ de vingt mois de salaire et six mois de congés de reclassement dégressif, soit un licenciement économique, sans prime de départ, avec douze mois de congés de reclassement, et quinze mois pour les employés de plus de cinquante-cinq ans.
Quant au volet économique, il s’agissait pour Bigard de faire la démonstration que le site n’était pas rentable et que les investissements à réaliser étaient trop lourds au vu de son intérêt économique, d’autant que le carnet d’adresses de l’usine n’est plus suffisamment achalandé. L’usine aurait perdu trop de clients. Conséquence : pas d’autre option que de fermer le site puisque celui-ci perd de l’argent. Ce qui a été fait le 9 décembre dernier.
Levée de boucliers de la CGT
Pour le syndicat CGT, le compte n’y est pas. «Nous avions demandé une prime de départ de trente mois de salaire et un congé de reclassement de vingt-quatre mois pour tous les salariés, ainsi que la prise en compte du handicap et la prise en charge des salaires jusqu’à la retraite pour ceux qui ont cinquante-cinq ans ou plus. En l’état, le volet social du PSE n’est pas acceptable pour nous», précise Stéphane Dormeval, délégué CGT. Vent debout, le syndicat l’est aussi sur le volet économique du PSE. «On nous dit que le site n’est pas fiable et que la qualité de sa production n’est pas au rendez-vous. Si tel était le cas, pourquoi avons-nous obtenu en 2016 la certification IFS (norme de certification agro-alimentaire, ndlr), et même la meilleure note de toutes les usines du groupe, soit plus de 99 % ?», s’interroge Hervé Deparis, délégué CGT.
Et de relever aussi que sur les trois dernières années, le groupe n’a investi que 2 000 € dans l’usine, démontrant son peu de cas pour celle-ci, alors que ses bénéfices ont atteint 69 millions d’euros en 2015 et que Bigard n’est pas endetté. «Ils disent que nous avons perdu des clients. En réalité, nous n’en avons perdu qu’un seul, les autres ont été transférés sur les autres usines du groupe», ajoute-t-il. Un vrai gâchis : tel est le sentiment qui domine parmi les salariés, à la fois sonnés par les derniers rebondissements et très en colère.
Fin de la partie ?
Embauché en 2003 comme préparateur de commandes, Alexandre Langlet, père de quatre enfants, a la sensation d’avoir été «pris pour un con ces huit dernières années». Et encore plus, quand Bigard lui a proposé de rejoindre Saint-Paul-sur-Ternoise alors qu’il n’a pas le permis. Faute de candidats acceptant leur mutation sur les autres sites, le groupe lui a fait une autre proposition : rejoindre Flixecourt. «Il manque des gars pour faire des crépinettes là-bas. Sans permis, le problème reste le même pour moi. Je leur ai dit de me foutre dehors plutôt que de me proposer des choses impossibles. Il faut arrêter de prendre des gens pour des pantins», raconte-t-il, avec amertume. Bigard, c’est fini pour lui. «Je n’ai plus qu’une hâte, c’est que tout cela se termine et faire autre chose. Je ne veux plus rien savoir de cette boîte», dit-il. Aujourd’hui, il suit une formation en informatique avec une qualification à la clé, espérant pouvoir s’installer à son compte.
La rupture est aussi consommée pour la plupart des autres salariés, selon Hervé Deparis. «La grosse majorité des gens éprouvent un sentiment de dégoût pour Bigard. D’autant que l’on nous annonce une fermeture du site en raison de sa mauvaise gestion économique alors que les responsables conservent leur emploi. Nombreux sont les salariés à être déprimés, en colère et souffrant d’insomnies», indique-t-il. Et de craindre des troubles encore plus grands quand les salariés, qui n’ont pas accepté le reclassement en interne, vont recevoir leur lettre de licenciement. «On est loin d’avoir gagné quelque chose de terrible avec ce PSE, ajoute, pour sa part, Gérald Philippon, délégué CGT. C’est bien loin de ce que les gens attendaient. Comment vont-ils rebondir ? Cela m’inquiète.» Fin de la partie ? Peut-être pas. La Direccte pourrait retoquer le PSE. Affaire à suivre.