Bilan de cinq années d’épidémiosurveillance en Picardie
Après cinq ans d’existence, les premières rencontres du BSV viennent
de se tenir dans la Somme.
Le 7 novembre dernier se sont tenues au Lycée agricole du Paraclet les premières rencontres du BSV sous la présidence conjointe de Christophe Buisset, président de la chambre régionale d’agriculture et du réseau régional d’épidémio-surveillance, et de François Bonnet, directeur de la Draaf de Picardie. Chaque année, plus de 300 parcelles sont observées régulièrement sur l’ensemble des productions et sur les zones non agricoles.
Ces rencontres visaient à valoriser les données issues de la surveillance biologique du territoire, d’échanger sur des problématiques sanitaires locales identifiées, d’apporter les meilleures connaissances sur les ravageurs, les maladies et les adventices et enfin, de proposer des solutions pour réduire le recours aux produits phytosanitaires. Ont été successivement abordés l’état des recherches sur la lutte contre le taupin, la gestion des risques liés aux limaces et les leviers mobilisables contre les adventices. La rouille jaune du blé a également fait l’objet d’une présentation. Nous y reviendrons dans une prochaine édition car ce sujet sera traité lors de la journée technique organisée par Arvalis-Institut du végétal.
Le taupin : de plus en plus de problèmes en Picardie
A l’initiative de la Frédon Picardie, la surveillance des taupins a commencé à s’organiser : plusieurs espèces nuisibles pour la pomme de terre ont été repérées et les travaux consistent à identifier la présence et la biodiversité de chaque espèce. Leur présence des taupins est liée aux conditions climatiques et elle est variable dans le temps, d’où la «nécessité de réaliser un suivi sur le long terme», selon Valérie Pinchon, directrice de la Frédon. La problématique taupins est forte en Picardie puisqu’elle a provoqué un arrêt de la production en pommes de terre biologiques et n’a pas épargné la production conventionnelle. Si des solutions chimiques sont autorisées en maïs ou en céréales, ce n’est pas le cas en pommes de terre. Les pistes de recherche visent à poursuivre l’inventaire des adultes par le piégeage et aussi à collecter les larves dans les parcelles. Du côté des remèdes, la recherche porte à la fois sur des solutions alternatives comme le travail du sol ou la rotation sans délaisser le chimique qui reste à ce jour, le moyen de lutte incontournable pour en venir à bout. Faire le lien entre les vols des adultes et la présence des larves serait une vraie avancée dans la connaissance de ce ravageur ; c’est l’objectif des travaux de Philippe Larroudé, ingénieur conseil chez Arvalis. Certaines espèces ont un cycle larvaire long et d’autres un cycle court, ce qui impose d’identifier les adultes sur 1 ou 2 ans pour en estimer le risque ultérieur. La validation d’un modèle d’analyse de risque est en cours. Il s’ensuivra la création d’une première grille de prévision du risque en 2015.
Les limaces : un ravageur qui n’est pas contrôlé
Selon André Chabert, chargé de mission «agriculture et environnement» à l’Acta, l’activité des limaces est essentiellement nocturne. Elles se repèrent très facilement dans les 2 à 3 heures après le lever du soleil. Elles se regroupent dans les zones les plus humides et qui offrent le plus d’abris ; cent limaces par m² consomment environ 250 kg de matière végétale par hectare et par jour. A noter que quand la plante (c’est-à-dire la culture) sèche (mûrit) et que le sol sèche au même moment, la limace s’enterre à environ quarante centimètres et pond. C’est lorsqu’elle est en surface que la limace est vulnérable et donc hors période de sécheresse : la survie de la limace dépend entièrement de la production de mucus dont elle est enveloppée : si ce mucus vient à sécher, elle meurt rapidement. La limitation des pontes et la destruction des œufs par le travail superficiel du sol hors période de sécheresse est facile à mettre en œuvre, et ce d’autant plus que cette technique réduit son potentiel alimentaire. Pour limiter la mobilité des limaces, il faut éviter les sols creux et motteux qui leur permettent de s’abriter. Un roulage post-semis en colza ou en céréales est simple à exécuter. La prédation par les carabes, les staphylins ou les araignées pourra être envisagée en présence de bandes enherbées ou en cas de zone refuge entre parcelles à condition que les parcelles en soient pas trop grandes. La destruction des adultes sera obtenue par le travail superficiel du sol également, la nuit ou tôt le matin quand elles sont actives. Le mélange de cultures est recommandé. Tout ce qui favorisera la vigueur de la culture, la vitesse de croissance ou limitera l’accès aux graines ou aux germes ainsi que le choix de variétés moins appétissantes contribuera à réduire l’importance des dégâts.
Les adventices : une problématique tant agronomique qu’environnementale
La plupart des résidus phytosanitaires retrouvés dans l’eau sont issus de molécules herbicides, ce qui pose plusieurs problèmes. D’une part, les solutions alternatives au traitement chimique curatif sont rares, et d’autre part, les réductions d’IFT ne se décrètent pas sauf à prendre le risque de pénaliser la culture en place et celles à venir, ce qui au final ne fait qu’accentuer le problème. D’ailleurs, il a été prouvé qu’en divisant par 10 son seuil d’intervention, la fréquence des impasses reste quasiment identique. Dès lors, retour à l’agronomie. Une analyse de la protection intégrée et de ses impacts globaux sur l’exploitation a été présentée. Décalage de semis, rotation, alternance labour/non labour, faux semis, désherbage mécanique : la panoplie des moyens de prévention a été passée au crible. Il en ressort qu’aucune de ces solutions ne suffit à elle seule, mais que c’est bien leur combinaison à des dates ou stades appropriés qui sera la plus efficace. C’est donc par cette voie une économie d’intrants qui est possible, mais au prix d’un temps de surveillance accru et d’un temps de réaction restreint. Une raison de plus de poursuivre les observations sur le territoire, car pour être pertinent, l’agriculteur se devra d’être de plus en plus en alerte de ce qui se passe autour de chez lui, pour être au plus réactif sur ses propres parcelles.
REACTION
Christophe Buisset, président de la chambre d’agriculture de Picardie
«La qualité sanitaire est un bien précieux à préserver»
La qualité sanitaire, c’est le premier atout de l’agriculture picarde. C’est grâce à cette excellence que nos produits bruts ou transformés trouvent des marchés à l’export. Pour la préserver, la surveillance du territoire est nécessaire. Depuis la mise en place du Bulletin de Santé du Végétal, cette surveillance est en place, coordonnée entre plusieurs services. Cet enjeu est fédérateur : il rassemble de nombreux acteurs du territoire : l’Etat, les organismes économiques, les chambres et instituts, les jardiniers professionnels ou amateurs, et les agriculteurs volontaires.
Ils sont plus de 300 en Picardie et je les en remercie car sans eux, ce travail ne serait pas possible. Grâce à leur engagement collectif, nous faisons progresser pas à pas notre connaissance et nos pratiques.
Les chambre d’agriculture diffusent chaque semaine des informations à haute valeur ajoutée pour l’agriculture picarde.
C’est bien l’objectif que nous nous étions fixés : aborder une réglementation sous l’angle du progrès.
Merci à tous !