Changement climatique : l’agriculture a des solutions
Contrairement aux autres activités humaines qui ne font qu’émettre des gaz à effet de serre, l’agriculture est à la fois une formidable pompe à carbone et peut contribuer à réduire ses émissions grâce à une adaptation de ses pratiques culturales.
«L’agriculture fait partie des solutions», a déclaré Christophe Terrain, le président d’Arvalis-Institut du végétal en ouvrant le colloque organisé par Arvalis, le 14 octobre, à Paris. Il est vrai que l’agriculture est souvent pointée du doigt : elle est au quatrième rang après le transport, le résidentiel et le tertiaire, l’industrie manufacturière, en termes de contribution aux émissions de gaz à effet de serre en équivalent CO2. Soit 17 à 19 % des émissions totales. Si elle émet peu de dioxyde de carbone (CO2), elle est le plus gros émetteur de méthane (CH4), essentiellement dans l’élevage, et de protoxyde d’azote (N2O), surtout à cause des engrais, qui tous deux ont un fort pouvoir de réchauffement global. Respectivement 25 fois plus que le CO2 pour le méthane et 298 fois plus pour le protoxyde d’azote.
Selon Arvalis, le potentiel d’atténuation des émissions est très significatif, de l’ordre de 30 % et repose sur des leviers techniques, sans remettre en cause les systèmes de production, leur localisation et leurs niveaux de production. En matière de nutrition des plantes, l’effort vise à optimiser la fertilisation azotée par un pilotage précis des cultures, la substitution de l’azote de synthèse par l’introduction de légumineuses qui apportent de l’azote. En matière d’élevage, le principal levier porte sur la réduction des émissions de méthane, et donc sur la fermentation entérique dans le tube digestif des ruminants. Deux voies sont explorées : l’introduction de graines de lin et la sélection des animaux sur l’efficacité alimentaire.
Une formidable pompe à carbone
Surtout les cultures, et notamment les céréales, sont une formidable pompe à carbone grâce à la photosynthèse, ainsi que l’a rappelé Philippe Pinta, le président de l’Agpb. Elles captent dans l’atmosphère des quantités de dioxyde de carbone sept fois plus qu’il n’en est émis pour les produire. Ce phénomène les différencie, comme la forêt, des autres secteurs de production qui ne font qu’émettre des gaz à effet de serre sans les piéger. Et plus le rendement est élevé, plus les céréales captent du CO2 à l’hectare, plus il est restitué de carbone au sol en biomasse résiduelle et paille. Sans parler des couverts végétaux qui peuvent maximiser la production de biomasse annuelle, et donc la fixation du carbone. Comme d’ailleurs les prairies qui, grâce au stockage du carbone, peuvent compenser les émissions, notamment en système allaitant, selon l’Institut de l’élevage.
Réchauffement climatique : des effets contrastés
Depuis une vingtaine d’années, les effets du réchauffement climatique se font sentir sur les productions de grandes cultures. Ainsi, selon Arvalis, les rendements ont tendance à se stabiliser en blé. Et pour ce qui est de l’orge d’hiver, la progression des rendements a tendance à ralentir. Quant au maïs, le réchauffement constaté depuis presque deux décennies lui profite au nord de la Loire. De même pour la betterave, qui bénéficie d’un allongement du cycle de végétation grâce à un semis plus précoce et d’une augmentation du rayonnement solaire. Autre aspect positif, la possibilité de réaliser trois cultures en deux ans grâce à l’élévation des températures et à la création de variétés plus précoces.
Ces observations effectuées en France sont également valables dans de nombreux pays. Il a été également observé une stagnation des rendements de blé en Allemagne, en Angleterre et en Irlande, depuis le milieu des années 1990. Et pour ce qui est de la production fourragère, les effets du changement climatique induisent un déplacement des deux pics de production, plus précoce au printemps, et plus tardif à l’automne. Entre les deux, le creux de fourrage l’été est accentué, à cause des sécheresses plus fréquentes à ce moment-là.