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Christelle Fromentin, transformatrice de produits laitiers

Christelle Fromentin a été la première agricultrice à se lancer dans la transformation du lait en produits laitiers, dans la Somme. Parcours d’une artisane passionnée.

© AAP



Rien n’est plus beau que les mains d’une femme dans la farine, chantait Nougaro. C’est qu’il n’avait pas vu Christelle Fromentin, dans son atelier de fabrication artisanale de produits laitiers, les mains dans la crème à partir de laquelle elle fait son beurre. Si à la regarder faire, cela semble d’une simplicité biblique, il lui a pourtant fallu du temps avant d’obtenir un beurre qui soit «beau et bon», dit-elle. Avant d’ajouter : «De tous les produits laitiers que je fabrique, c’est celui qui est le plus délicat. Au début, j’ai beaucoup souffert, notamment pour maîtriser le moulage. J’avais souvent un beurre tout mou qui ne voulait pas sortir du moule. Cela me désespérait. Pour trouver la température idoine permettant de ne plus avoir ce problème, ainsi que le bon ferment qui va avec notre lait, j’ai dû batailler. Mais, maintenant, on s’est apprivoisé avec mon beurre. Ce qui est drôle, c’est que c’est mon produit d’appel alors que c’est celui que je rechignais à faire», raconte-t-elle, dans un grand éclat de rire.
Des 9 kg de beurre par semaine qu’elle comptait produire, elle en fait aujourd’hui 30 kg, tous vendus avant même d’être fabriqués. Mais le produit avec lequel elle a le plus «d’atomes crochus», c’est le yaourt. «Prendre le lait, le pasteuriser, l’ensemencer, le mettre à l’étuve, puis en pot, en utilisant des fruits bio et des ingrédients naturels, c’est extra», confie-t-elle. Pour les personnes qui ont des soucis de santé ou des préoccupations diététiques, elle a aussi développé une gamme de yaourts en écrémé. Faisselle, crème fraîche, desserts lactés, fromage frais, lait entier pasteurisé en bouteille et lait battu sont les autres produits qu’elle fabrique. Christelle n’hésite jamais à innover et à faire de nouvelles recettes. Et ça marche. Dès qu’elle a ouvert son magasin de vente directe dans le corps de ferme, en avril 2014, les gens se sont bousculés au portillon. «Mon magasin, raconte-elle, est devenu un lieu de sociabilité où tous les gens du village et des alentours se retrouvent et discutent. C’est un vrai bonheur pour moi.»
Un bonheur découvert à la quarantaine, après plus de vingt ans de vie professionnelle dans la métallurgie, en tant qu’assistante commerciale. L’agriculture, elle ne la connaissait qu’à travers l’exploitation de son mari. «J’étais bien loin de cet univers. Mon rêve, adolescente, c’était de partir en Afrique avec la Croix Rouge», se souvient-elle. Elle exercera cependant sa fibre sociale quelques années dans une association d’insertion professionnelle avant de plonger dans l’univers de la métallurgie, «un milieu difficile pour les femmes», reconnaît-elle. Si l’ambiance y est particulière, elle en retirera une connaissance technique qui lui servira plus tard. Avec la vente de l’entreprise par son propriétaire à un groupe, Christelle ne s’y retrouve plus. Elle décide de partir.

Le goût d’entreprendre
«La quarantaine arrivant, je me suis dit qu’il était temps de répondre à cette envie d’entreprendre que j’avais. Je ne savais pas vraiment quoi faire, mais l’envie de créer quelque chose était là», explique-t-elle. Elle suit alors une formation de webmaster, avec l’idée de lancer une entreprise de création de sites internet ou d’offrir ses services à une grande entreprise pour gérer ses réseaux sociaux et sa communication. Mais les seuls postes qu’elle trouve se situent à Paris, Rouen et Lille, loin du hameau de Romaine. «On ne se voyait pas transporter la ferme à Paris, pas plus que je ne me voyais passer mon temps sur la route, loin de mon mari et de mes deux enfants, qui étaient alors encore très jeunes», confie-t-elle. Que faire ?
La solution, elle la trouvera, en décembre 2012, lors d’une réunion sur les circuits courts à la Chambre d’agriculture, à laquelle elle se rend à la place de son mari. C’est en écoutant Marie-Henriette Hemelsdael et Christophe Dejon, producteurs de produits laitiers dans le Nord-Pas-de-Calais, qu’elle a le déclic. «Ils parlaient avec une telle passion de leur métier que cela m’a touchée immédiatement. Puis, j’étais fascinée par la transformation du lait en une multitude de produits. J’ai discuté avec eux. Ils m’ont dit : «Foncez !». C’est comme cela que ça a commencé», déclare-t-elle.
Son atout ? Le corps de ferme de son mari et sa passion d’entreprendre. Elle suit un plan de formation complet d’une année avec l’ARVD (Association régionale des vendeurs directs) du Pas-de-Calais et fait une étude de marché, sans certitude encore de monter son activité. «J’étais complètement dans l’inconnu. Tout était nouveau pour moi, c’est ce qui m’a plu, ainsi que le fait que c’était un projet familial autour de la transformation du lait», commente-t-elle. Et un projet, de surcroît, qui s’inscrit dans l’histoire de cette ferme, puisque le grand-père de son mari faisait du beurre, activité par la suite abandonnée par son fils.
L’entreprise est créée le 1er novem­bre 2013, mais l’activité ne démarre que le 19 avril 2014 en raison de quelques tracas administratifs. De quoi en décourager plus d’un et mettre en péril la toute jeune entreprise, qui vient d’investir 130 000 euros pour son laboratoire de fabrication. Le couple tient bon. Le succès remporté par le magasin de vente directe le conforte dans son choix. «Etant la première dans la Somme à me lancer dans la transformation du lait, j’ai essuyé pas mal de plâtres. Puis, le métier est dur, moralement et psychologiquement. Il faut tenir bon. Ce n’est pas évident, mais on peut vivre de la valorisation du lait en circuits courts, et même créer de l’emploi», dit-elle avec enthousiasme.
La preuve ? Dans une dizaine de jours, elle va procéder à l’agrandissement de son atelier de fabrication pour une mise en conformité lui permettant d’obtenir l’agrément européen. Assurément, Christelle Fromentin n’a pas fini d’étonner et de régaler ses clients.

La laiterie de la Baie, Hameau de Romaine, à Ponthoile - Tél. : 03 22 19 01 40

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