Cobevial : des caissettes pour valoriser la viande
Depuis le 17 mars, le marché de la viande est totalement chamboulé. Alors «dans l’intérêt des coopérateurs», la coopérative Cobevial a décidé de vendre des caissettes de bœuf et de porc.
Trois colis proposés : un de viande porcine, composé de chipolatas et de pièces de découpe (côtes de porc, sauté de porc, poitrine), et deux de viande de bœuf, le premier composé de steaks hachés façon bouchère et de pièces de découpe (steaks, poire, rôti, pièces à brochettes), le deuxième comprenant du filer en rôti. Le tout sur réservation, et livré gratuitement à domicile, partout dans la Somme. Voilà ce que propose la coopérative Cobevial depuis fin avril.
«Le confinement a totalement chamboulé le marché, explique son président, Hervé Drouvin. En bovin, par exemple, les abattages ont été réduits de 30 %. Nous avons donc eu de nombreux reports, et les prix payés aux producteurs ont chuté. Alors nous avons décidé de vendre des caissettes pour valoriser au mieux la production de nos coopérateurs.» Car même si les volumes des ventes sont à nouveau au rendez-vous, l’équilibre carcasse est difficile à tenir dans les filières traditionnelles : «comme le secteur de la restauration hors foyer est fermé, les gens consomment à domicile et vont vers la facilité : la viande hachée. Avant le confinement, 55 % d’une carcasse était transformé en haché. Aujourd’hui, ça représente 70 %. Mais le prix du steak haché n’a pas augmenté en conséquence.»
Les caissettes, elles, permettent de rémunérer l’éleveur à la juste valeur du travail qu’il a accompli. Les bêtes sont de race allaitante, toutes élevées dans la Somme. Après abattage, elles sont transformées chez Sauvage viandes à Feuquières-en-Vimeu, filiale du Groupe Alliance (Cobevial). «Le projet n’en est qu’aux prémices, précise Hervé Drouvin. L’initiative a été lancé sans réelle étude de marché, et sans communication. Seul le Courrier Picard en a été informé.» Un article dans les colonnes des éditions départementales aura permis une «communication positive» de l’élevage local. «Les citoyens prennent conscience qu’il y a des éleveurs regroupés en coopérative près de chez eux, qui travaillent pour les nourrir.»
Une cinquantaine de commandes auraient été passées dès la première semaine. «L’idée est de pérenniser cette activité. Dans un ou deux mois, nous pourrons estimer les volumes que cela représente. Nous devons aussi penser à l’organisation des livraisons.» Si la démarche s’avérait une réussite, «l’ensemble de nos coopérateurs en bénéficieraient, sous forme de compléments de prix.»
Concurrence ou nouvelle clientèle ?
Aux éleveurs qui vendent déjà leurs propres bêtes en caissettes, et qui se plaignent d’une concurrence, Cobevial avance des arguments : «nous ne touchons pas la même typologie de clients, car le procédé est différent. Certains ont besoin d’échanges directs, et veulent aller à la ferme pour discuter avec l’éleveur et voir les bêtes. Chez nous, c’est un livreur qui se rend à domicile. Les premières commandes ont surtout été réalisées par des personnes âgées, qui ne se seraient pas déplacées à la ferme.» Il y a de la place pour tout le monde, paraît-il.
Le boom de la vente directe
Vente à la ferme, paniers de légumes, marchés de producteurs, drives fermiers… Les circuits courts ont connu un réel engouement pendant le confinement. Et la viande vendue en direct du producteur profite aussi de la tendance.
Le négociant Raphaël de Sainte Maresville, installé à Quesnoy-sur-Airaines, possède son propre élevage de Blondes d’Aquitaine et propose des caissettes de viande chaque dernier jeudi du mois. Ces dernières semaines, les commandes ont doublé : «d’habitude, nous faisons abattre une vache par mois, mais ce mois-ci, nous en faisons abattre deux», explique-t-il. Le succès a été garanti par les réseaux sociaux. Le secteur de livraison a donc été élargi à une cinquantaine de kilomètres. Gonzague Proot, éleveur de Salers bio à Herleville, a lui aussi vu la demande augmenter. «J’ai fait le choix de ne faire aucune publicité. L’activité ne fonctionne qu’au bouche à oreille. Pour autant, une dizaine de nouveaux clients m’ont contacté.» L’argument qui convainc le plus, avant le bio, est le local.
Une aubaine pour valoriser le travail d’éleveur, car une des conséquences de la crise est la dégradation des cours de la viande bovine. Les vaches, par exemple, sot affichées à 3,72 € le kg de carcasse pour une conformation R = et à 4,39 € le kg de carcasse pour une conformation U =. Raphaël de Sainte Maresville, lui, affiche un prix de vente de 14 €/kg de viande pour ses caissettes, et la viande bio de Gonzague Proot se vend 16,50 €/kg. «Ce prix rémunère mon travail à sa juste valeur, certifie ce dernier. S’il n’y a pas de différence entre la filière longue et la filière courte, cela ne vaut pas le coup.» Reste que ces éleveurs, qui vendent aussi via le circuit traditionnel, subissent également la crise. «Deux bœufs sont prêts à partir depuis deux mois et ils sont toujours là aujourd’hui. C’est du travail, et des charges pour continuer à les nourrir», ajoute Gonzague Proot.
S’adapter à la demande
Le contenu des caissettes ? Les éleveurs proposent des pièces de viande transformée, comme des saucisses, des merguez, et l’incontournable viande hachée (cf. P. 6). «Le haché, c’est terrible, s’exclame Gonzague Proot. Aujourd’hui, les consommateurs ne veulent plus que ça.» Lui avoue avoir du mal à valoriser les pièces à cuisson lente, comme le bourguignon. Lorsqu’il a commencé à proposer des colis, en même temps que sa conversion en bio, en 2013, ils n’étaient pas composés de viande préparée. «Mais j’ai dû m’adapter à la demande». Pour lui, ces morceaux, qui représentent un coup supplémentaire, sont néanmoins le moyen d’augmenter le rendement, puisque du gras est utilisé. «Mes Salers ont un rendement de 70 %», assure-t-il.
Le retour à la consommation plus locale est palpable, mais les recettes traditionnelles à base de pot-au-feu, de poitrine ou de plat de côtes ne sont pas encore réinstallées dans les habitudes alimentaires.