Alimentation animale
Comment Novial s’organise face à l’explosion des coûts de l’énergie
Les prix de l’alimentation du bétail, étroitement liés à ceux de l’énergie, ont fortement augmenté ces derniers mois. Chez Novial, filiale de Noriap, l’organisation a été revue pour limiter autant que possible cette inflation.
Les prix de l’alimentation du bétail, étroitement liés à ceux de l’énergie, ont fortement augmenté ces derniers mois. Chez Novial, filiale de Noriap, l’organisation a été revue pour limiter autant que possible cette inflation.
Depuis que son contrat d’électricité est arrivé à échéance, le 31 décembre 2022, Novial a vu sa facture multipliée par quatre en heures creuses, et par huit en heures pleines, pour toute la période hivernale. En été, ce sera «seulement» fois quatre en heures creuses comme en heures pleines. Les prix du gaz ont eux aussi flambé. Comme ses concurrents, le fabricant d’aliments du bétail filiale de Noriap est un des maillons agricoles les plus impactés par cette hausse des coûts de l’énergie. «Je travaille depuis 1991 dans l’alimentation animale. Je n’avais jamais connu cela. On doit en plus faire face à une grande incertitude, dans un contexte géo-politico-économico-social inédit», confie Gaël Peslerbe, directeur de Novial, aussi président de Nutriarche, l’association des fabricants d’aliments des régions Hauts-de-France, Haute-Normandie et Grand-Est.
Pour fabriquer ses produits, Novial broie, presse, refroidit… «Toutes ces étapes sont gourmandes en énergie.» Les éleveurs, quelle que soit leur filière – Novial produit des aliments pour les poules pondeuses et les vaches laitières principalement, mais aussi pour tous les ruminants, les chevaux, les lapins, les volailles de chair, les porcs et le gibier – subissent évidemment cette hausse. Alors, parce que chaque euro non dépensé compte, l’entreprise s’organise. «On a incité les éleveurs qui le peuvent à préférer l’alimentation sous forme de farine, qui nécessite beaucoup moins de transformation que les granulés et les miettes. L’électricité est la seule source d’énergie nécessaire.» Les granulés et les miettes, eux, requièrent des étapes de pressage et de refroidissement, à l’aide de vapeur, produite grâce à l’utilisation de gaz. «Mais tous les éleveurs ne peuvent pas s’en passer, car ces aliments ont des intérêts zootechniques. Leur cuisson améliore leur digestibilité. Ils offrent un rendement optimisé avec une part infime de refus des animaux.»
Travail de week-end
L’organisation du fonctionnement de ses cinq usines a aussi été revue. «On a mis en place des mesures pour travailler au maximum en heures creuses. Les farines pour poules pondeuses, moins énergivores, sont fabriquées en journée, alors que les granulés pour vaches laitières, plus coûteux, le sont davantage la nuit.» Les
165 salariés sont mis à contribution. «Nos usines sont arrêtées deux ou trois heures chaque jour, en heures pleines. Ces heures sont reportées les week-ends.» Pendant trois mois, jusqu’à la période estivale, le travail du samedi matin et du dimanche soir est devenu la règle pour les équipes. «On avisera selon la renégociation du contrat», ajoute Gaël Peslerbe.
Anticiper sa livraison
Le prix du gasoil est aussi un sujet. «Pour optimiser les transports, on demande de la flexibilité aux éleveurs. Avec deux jours de battement pour la livraison, on peut économiser des kilomètres et des émissions de carbone. C’est un système vertueux.» Cela nécessite, pour les agriculteurs, d’anticiper les commandes d’aliments. Il n’y a pas de petites économies.
L’autonomie protéique à la traîne
L’autonomie protéique est un sujet qui fait beaucoup parler… Mais qui se concrétise peu dans la filière de la nutrition animale. «Nous avons le souci d’un sourcing de nos matières premières le plus durable possible. Chez nous, c’est clairement le soja importé du Brésil qui l’est le moins», avoue Gaël Peslerbe. Mais les alternatives locales ne sont pas évidentes. Une des raisons est la production en elle-même. «Dans notre région, le climat n’est pas stable. Lors d’une année pluvieuse, le lupin est noyé. Lors d’une année sèche, on ne récolte pas de féverole. Il y a plus d’avenir avec le colza, une culture que l’on connaît mieux, et avec le tournesol, qu’on commence à cultiver par chez nous.» Mais ces cultures ne font pas le poids face à des productions bien plus rémunératrices en ce moment, comme le blé, les pommes de terre ou les betteraves. Pour le président de Nutriarche (association des fabricants d’aliments des régions Hauts-de-France, Haute-Normandie et Grand-Est), l’accès plus limité aux engrais chimiques, en raison des prix et de l’impact carbone, pourrait changer la donne. Surtout, il prône la création d’une vraie filière rémunératrice. «Je suis pour la mise en place de paiements pour services environnementaux (PSE), ou sous forme de crédit carbone ou de prime par exemple.»
Des négociations commerciales sans doute musclées
Les attentes des consommateurs sont un autre sujet d’inquiétude. «On s’est engagé dans une montée en gamme, en portant une grande attention sur la provenance de nos matières premières, en développant les Siqo (Signes officiels de la qualité et de l’origine), mais l’inflation a révélé un revirement de tendance. Il y a désormais un fort attrait pour l’entrée de gamme, moins chère.»