Concentration des distributeurs : des risques pour les fournisseurs
Dans un avis du 1er avril, l’Autorité de la concurrence met en garde contre les effets sur les fournisseurs des récentes opérations
de concentration des achats des grandes surfaces.
Les fournisseurs industriels de la grande distribution seront peut-être déçus par l’apparente modération de l’avis de l’Autorité de la concurrence sur les récentes fusions des procédures d’achat des grandes surfaces (Système U avec Auchan, Casino avec Intermarché, et Carrefour avec Cora). Il ne s'agit certes que d'un avis, mais il est loin d’être timoré. La juridiction pointe l’ampleur des risques que fait courir la concentration de la distribution aux agriculteurs et aux industries de transformation. Elle réclame des moyens juridiques supplémentaires pour évaluer et éventuellement sanctionner les abus de position dominante.
Une position que devraient noter les membres de la filière porcine, particulièrement critiques sur les grandes surfaces et déçus, souvent, de voir les sanctions tomber du côté des fournisseurs plus que des distributeurs. Selon Paul Auffray, président de la FNP (Fédération nationale porcine), les membres de l’Autorité de la concurrence «ne tapent pas où il faut. Ils agissent surtout dans l’intérêt des consommateurs et des distributeurs, mais pas dans l’intérêt des gens qui travaillent». Quant aux distributeurs, le président des éleveurs de porcs affirme : «Je souscris aux propos du patron de Nestlé, ils ont des pratiques de bandits».
Dépendance économique
Dans cet avis très circonstancié, l’Autorité de la concurrence relève notamment le risque de la réduction des marges des fournisseurs, conduisant à réduire leur investissement, limiter l’innovation et rationaliser leur offre.
L’Autorité va plus loin en estimant qu’il y a un réel risque d’éviction de fournisseurs. Ceux des grandes surfaces concernées par les accords de rapprochement d’achats mais aussi leurs concurrents. Les baisses des prix accordés par les fournisseurs risquent de rejaillir sur les parts de marché des autres industriels, affirme l’autorité, ceux-ci devant s’aligner sur les remises concédées par les premiers ; en clair, la pression sur les prix des principaux fournisseurs rejaillirait inéluctablement sur l’ensemble du marché.
Abus de position dominante
Cette pression accrue, estime l’Autorité, pose la question de la dépendance économique des entreprises. Si les plus gros fournisseurs sont en mesure de résister, les moins importants risquent de se trouver dans une position de dépendance économique. La juridiction profite de cette saisine pour signaler que «de nombreux cas de déréférencements ou de menaces de déréférencement ont été signalés».
Le renforcement du pouvoir d’achat des distributeurs a conduit plusieurs d’entre eux à renégocier les conditions commerciales, jugées disproportionnées par les fournisseurs.
Compte tenu des risques qu’elle a perçus, l’Autorité de la concurrence suggère surtout «une modification du dispositif permettant d’appréhender les abus de dépendance économique afin de le rendre plus effectif». Elle demande aussi que soit institué une «obligation légale d’information» lors de tout nouvel accord de rapprochement chez les grandes enseignes de distribution. Elle suggère, de plus, que soit organisée une plus grande concurrence entre distributeurs vis-à-vis des implantations notamment. Ainsi, les conditions d’implantation de nouveaux magasins pourraient être assouplies de même que le lien entre un magasin et une enseigne tête de réseau.