Connaissance des marchés et batailles réglementaires !
La section des grandes cultures s’est réunie à Amiens, le 5 février dernier. L’objectif était de faire le point sur la conjoncture en productions végétales et sur divers dossiers en cours.
«En tant que producteurs de grandes cultures, notre responsabilité est de nous informer de l’évolution des débouchés et de mettre en place une réelle stratégie de commercialisation, adaptée à nos exploitations», a affirmé Luc Vermersch, à l’occasion d’une réunion de la section des grandes cultures qu’il a présidée le 5 février dernier, aux côtés de Ludovic Patteux, président de la section des oléoprotéagineux et de Stéphane Dodeuil, président de la section du maïs. Jérôme Josseaux, responsable des relations terrain à l’AGPB, et Thibaut Ledermann, son homologue à la Fop, sont d’abord revenus sur les aspects conjoncturels liés à leurs deux filières.
Côté céréales, malgré des cours bas, les débouchés restent stables pour le moment et les professionnels s’inquiètent plutôt des stocks élevés. Aujourd’hui, pour rééquilibrer le bilan et rester performante, la France doit à tout prix atteindre ses objectifs en termes d’exportation de céréales, les prix servant d’arbitrage entre les différents concurrents… Autre aspect important : les primes de marchés se sont fortement détériorées. En décembre dernier, elles étaient déjà négatives pour l’échéance mars 2016. Aujourd’hui, et pour la première fois, ces prévisions se prolongent jusqu’en 2017 !
Outre une conjoncture compliquée, la question de la protéine a été au cœur des discussions de la section. En effet, depuis quelques années, les cahiers des charges des principaux clients de la France, qu’ils proviennent du Maghreb ou d’Afrique occidentale, imposent de fortes exigences en termes de taux de protéines. C’est notamment le cas de l’Egypte, importateur d’envergure et principal client de la production de blé française. Avec un taux de protéines en baisse constante sur le territoire français depuis 2002 -alors qu’il est en hausse en Allemagne- et un taux moyen estimé à 11 dans la Somme, le chemin à parcourir est encore long. Mais la prise de conscience s’est opérée au sein de la filière et un Plan protéines ambitieux est en marche. «Une prise en main des débouchés est indispensable. Toutefois, je demande aux agriculteurs de prendre leurs responsabilités en réfléchissant bien à leur stratégie de vente. Je leur rappelle aussi que rester assis sur son tas de blé n’en est pas une !», a finalement conclu Luc Vermersch.
Débouchés des oléoprotéagineux
Côté oléoprotéagineux, Thibaut Lerdermann a rappelé que la filière était moins impactée par les problèmes de qualité, les débouchés étant en grande partie d’ordre industriel. Il a notamment précisé que les deux tiers des colzas alimentaient la production de biodiesel. Aujourd’hui, la tendance des prix est à la baisse, que ce soit pour les graines de colza, de tournesol ou de soja. Toutefois, la parité euro/dollar profite à la filière et permet de compenser une partie de cette perte. Ludovic Patteux a rappelé qu’en oléoprotéagineux, l’échelle économique à considérer était mondiale, d’où l’importance de garder la main sur les débouchés, ce qui reste le principal objectif de la récente restructuration qui s’est opérée au sein de la filière. En effet, les productions qui impactent en profondeur le marché restent le soja et l’huile de palme, dont les prix sont respectivement dictés par les Etats-Unis, le Brésil et l’Argentine d’une part, et l’Indonésie et la Malaisie - qui représentent 85 % de la production mondiale - d’autre part. Actuellement, la conjoncture des oléoagineux est marquée par une demande en colza supérieure à l’offre pour la seconde année consécutive. Pour ce qui est des deux principaux débouchés de la production, à l’horizon 2030, l’offre et la demande en huiles alimentaires devraient s’équilibrer. Pour ce qui est des tourteaux, la demande devrait être bien supérieure à l’offre, ce qui constitue un réel potentiel pour la filière. Bonne nouvelle pour les oléoprotéagineux : dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, adopté le 17 décembre dernier, l'adoption d'un amendement par les parlementaires rend obligatoire l’incorporation de 3,85 % de biodiesel dans le gazole non routier (GNR), et ce, à compter du 1er janvier 2016. Ce taux devrait passer à 7,7 % en 2017 et la profession veillera à la bonne application de cet engagement.
Plus généralement, pour toutes les filières grandes cultures, les perspectives à long terme restent intéressantes. La croissance démographique en plein boom, ce qui devrait permettre de dégager de nouveaux marchés, encore faudra-t-il pouvoir respecter les demandes en termes de qualité, de protéines et de valeurs nutritionnelles !
Sur-réglementations environnementales !
Les dossiers environnementaux qui s’accumulent ont également été au cœur des préoccupations de la section. Le projet de loi restreignant l’utilisation des néonicotinoïdes, au-delà des trois déjà interdits par l’Union Européenne depuis 2013 (Thiaméthoxam, Clothianidine et Imidaclopride), est toujours en discussion au Sénat. Avec des homologations de plus en plus réduites, les producteurs s’interrogent sur les moyens de lutte et de protection qui seront à leur disposition… De la même façon, certains agriculteurs ont regretté l’abandon de la gestion des bordures de route par les pouvoirs publics, ces derniers l’estimant néfaste pour la biodiversité...
Concernant le programme Ecophyto II, entre des objectifs irréels et un système de taxation basé sur des Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), le bilan n’est guère plus réjouissant. La profession avait pourtant souscrit au plan Ecophyto I, qui proposait un certain nombre d’actions de collaboration telles que les Bulletins de santé du végétal (BSV), les formations Certiphyto ou encore les actions conduites en termes d’épidémiosurveillance. «Aujourd’hui, l’objectif de réduction de 50 % de produits phytosanitaires en 2020 est inatteignable. De plus, nous exigeons que le projet étudie l’impact, et non le résultat. Faisons preuve de pédagogie et non de taxation punitive !», s’est indigné Luc Vermersch.
Les participants ont finalement rappelé que la bataille syndicale d’abaissement des charges qui pèsent sur les exploitations devait être poursuivie et que la communication, notamment auprès du grand public, était aujourd’hui une démarche incontournable.