Coopératives laitières et producteurs : tous dans le même bateau ?
Le 5 février, la FRPL Nord Picardie Ardennes et les représentants de Sodiaal Nord échangeaient, à Amiens, sur la crise de la filière et les perspectives pour 2016.
Cette nouvelle rencontre s’est déroulée dans un esprit plus apaisé que la première, en juillet dernier. Et pour cause. «On est tous dans la même filière, rappelait Luc Verhaeghe, administrateur chez Sodiaal Nord, président de France Nord. Ce n’est qu’ensemble qu’on peut sortir de la crise. Parmi les questions que l’on doit se poser, il y a celle des moyens pour maintenir la valeur ajoutée des produits français, les actions que l’on peut mener ensemble et les difficultés partagées.»
Tous dans la même filière, en effet, mais aussi, dans la même galère. Si les producteurs produisent désormais du lait en dessous de leur coût de production, et prennent de plein fouet la baisse des exportations chinoises, les coopératives laitières se retrouvent dans des difficultés analogues avec une grande distribution qui n’a de cesse de négocier à la baisse l’achat des produits laitiers, et avec une surproduction sur les marchés européen et mondiaux, redistribuant les cartes autrement. «Comment être plus efficaces demain sur les marchés ? Telle est notre préoccupation», disait Olivier Gaffet, président de la région Nord à Sodiaal Union.
Mettre la vitesse supérieure
Déverser des bennes de fumier devant les centrales d’achat et les grandes surfaces pour se faire entendre et obtenir à l’arraché le prix convenable ? «Ce n’est pas la solution», selon Eric Labbé, président de la SDPL des Ardennes. «Peut-être, mais si cela continue ainsi, on n’aura pas d’autres choix. Je suis prêt à occuper le terrain», rétorquait Noël Loire, producteur laitier, membre du bureau de la section lait dans l’Oise.
Le terrain à occuper, selon Didier Halleux, président de la SDPL de l’Aisne, serait plutôt celui de la compétitivité. Et de pointer les coûts de transformation insuffisamment compétitifs des transformateurs. Des coûts, qui résulteraient chez Sodiaal Nord de sa restructuration récente, liée à son agrandissement, mais aussi à la restructuration des marchés. «La concurrence entre les coopératives pour prendre des parts de marché est devenue très forte. Certaines n’hésitent pas à marcher sur les plates-bandes des autres alors qu’on pourrait travailler autrement», faisait remarquer Olivier Gaffet.
Une des pistes certaines est, selon Sodiaal, le développement de l’export. Une activité sur laquelle les transformateurs français sont en retard par rapport aux Hollandais. «Cela fait trente ans que nous avions des quotas qui correspondaient parfaitement au marché intérieur. C’est ce qui explique l’absence de développement de l’export», expliquait Olivier Gaffet. «Il va falloir mettre la vitesse supérieure», rétorquait Mélanie Bonnement, productrice laitière de l’Oise.
Des signes forts
La vitesse supérieure, Sodiaal Nord l’a engagée à sa façon en fixant en janvier dernier un prix du lait à 300 euros/1 000 litres. «C’est très courageux de le faire au vu du marché et alors que vous n’avez pas forcément les finances pour le faire. C’est un signe politique fort, et ce, même si pour ce mois de février le prix sera à 290 euros/1 000 litres de lait», notait Gilles Durlin, membre du bureau de la FNPL.
Autre signe fort, et planche de salut pour certains, la charte de valeurs proposée par la FNPL aux transformateurs et distributeurs (voir encadré). «Si elle est signée, j’espère qu’elle sera respectée à la différence des lois qui ne le sont pas», rappelait Alain Gille, président de la FRPL. Si la charte n’est pas la baguette magique qui, d’un seul coup, mettrait fin à la crise, elle a le mérite de «traiter l’urgence en attendant que les accords tripartites se fassent», commentait Luc Verhaeghe. Les paris sont ouverts.
La charte des valeurs
Le bilan en deux teintes de la stratégie syndicale 2015 a poussé la FNPL à chercher d’autres solutions pour une répartition plus juste de la valeur ajoutée de la filière.
La bonne valorisation du marché intérieur laitier doit se retrouver dans le prix du lait payé au producteur. «Il n’y a aucune raison pour que le prix du lait du yaourt soit dépendant du cours mondial», explique André Bonnard, secrétaire général de la FNPL. C’est pourquoi la FNPL travaille à la mise en œuvre d’une charte de valeurs. «Notre objectif est que chaque opérateur, distributeur comme transformateur, l’intègre dans ses conditions générales d’achat ou de vente», précise-t-il. L’enjeu de cette charte est d’établir des relations commerciales «fluides et transparentes», notamment avec l’aide du médiateur. Il sera chargé de constater que l’objectif de mieux payer les producteurs est bien suivi d’effet.
Un premier décompte sera réalisé mi-février pour faire le point sur les engagements pris ou non par les acteurs aval de la filière, et un bilan sera réalisé fin février au SIA, quelques jours avant la fin des négociations commerciales.
Cassandre Wallet FRPL NPA