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Crue : «Il n’y a pas de raison d’incriminer les agriculteurs»

Interview de Vazken Andréassian, directeur adjoint scientifique à l’Irstea.

Vazken Andréassian, directeur adjoint scientifique à l’Irstea.
Vazken Andréassian, directeur adjoint scientifique à l’Irstea.
© LDD

L’ampleur de la crue actuelle est-elle anormale ?

La crue actuelle est une crue classique pour le bassin de la Seine, presque un cas d’école : comme beaucoup des grandes crues historiques (1910, 1955, 1982), elle a lieu au mois de janvier. Elle survient après deux mois d’hiver extrêmement pluvieux. Un flux océanique régulier a donné lieu à de nombreux passages perturbés accompagnés de cumuls de pluie significatifs. Météo France estime que, en moyenne sur la France, la pluviométrie cumulée des mois de décembre 2017 et janvier 2018 est la plus forte enregistrée sur la période 1959-2018.

Les pluies ont, en premier lieu, contribué à recharger les sols. La capacité de stockage de l’eau de ces derniers est actuellement proche de la saturation. La conséquence hydrologique est que le rendement des précipitations du mois de janvier (c’est-à-dire la part des précipitations qui alimente la rivière) a été élevé ou très élevé. Il varie (pour ce mois de janvier) entre 50 et 90 % suivant les événements pluvieux et les sous-bassins de la Seine. Dans ces conditions, les quatre bassins de rétention, gérés par l’EPTB Seine grands lacs, ont parfaitement joué leur rôle pour atténuer une crue qui, sans eux, aurait excédé à Paris le niveau de juin 2016. Ils sont pleins aujourd’hui, parce qu’on les a exploités au maximum. Il n’y a pas d’éléments objectifs permettant d’attribuer la crue actuelle à un changement climatique, même si la pluviométrie record des mois de décembre 2017 et janvier 2018 crée une certaine suspicion. En réalité, c’est plutôt la crue de juin 2016 qui attire le plus de doutes, ce genre de crue de fin de printemps étant plutôt caractéristique des fleuves et rivières d’Europe centrale.

Doit-on s’attendre à une augmentation de la fréquence des crues dans les années à venir ?

Une augmentation de la fréquence des crues dans les années à venir dépendra de l’évolution du climat et, malheureusement, les modèles climatiques ne s’accordent pas tous sur la tendance. Cependant, si la prévision la plus fréquemment avancée (des hivers plus pluvieux combinés à des étés plus secs) se réalise, on pourrait assister à une augmentation de la fréquence des crues, mais aussi de celle des sécheresses.

Pouvez- vous expliquer les raisons de cette crue ?

La crue de la Seine à Paris est la conséquence des crues de tous ses principaux affluents (Marne, Yonne, Aube), qui se propagent de l’amont vers l’aval. Ces crues sont la conséquence d’une succession de fronts pluvieux qui ont balayé le bassin versant (bassin hydrographique) de la Seine depuis décembre 2017.

Ces précipitations ont contribué, dans un premier temps, à recharger les réserves hydriques des sols. Plus les sols sont humides, plus le rendement des précipitations augmente. C’est pour cela que les précipitations de fin décembre et début janvier ont fait progressivement gonfler les rivières du bassin. On peut préciser que les nappes souterraines profondes n’ont pas d’impact spécial sur cette crue. Elles étaient encore, début janvier, à un niveau soit moyen, soit bas, et commencent à peine à remonter. Les nappes souterraines profondes réagissent toujours de façon décalée aux précipitations qui les rechargent.

Que peut-on dire de la responsabilité des agriculteurs dans ce phénomène ?

Il n’y a pas de raison objective d’incriminer les agriculteurs dans la genèse de la crue actuelle. Le sol, qui possède une forte capacité de stockage, est actuellement saturé. C’est la première raison des ruissellements observés. Du point de vue hydrologique, l’événement actuel est bien reproduit par les modèles de prévision.

Donc, il n’y a pas lieu de suspecter une autre cause. Pour cet événement précis, il n’existe pas d’élément objectif pour quantifier cet impact, que je considère se situer (à l’échelle de la Seine) «dans l’épaisseur du trait». D’autres actions humaines d’aménagement ont des effets, qu’il est également difficile de quantifier à l’échelle d’un grand bassin comme celui de la Seine : l’urbanisation, l’effacement des méandres de la Seine à l’amont de Montereau.

EDITO de Nicole Ouvrard, rédactrice en chef Agra Presse

Penser printemps

Emmanuel Macron aura aussi innové avec ses vœux pour 2018, par rapport à ses prédécesseurs. Les vœux à l’agriculture, c’est une grande première pour un président de la République. Et des vœux à Saint-Genès-Champanelle, commune de 3 540 habitants en plein cœur du Puy-de-Dôme, c’est encore plus original pour un «président des villes». Il l’a souligné au début de son discours : il ne s’est adressé spécifiquement qu’à deux catégories de Français : «les militaires et les paysans».

En revanche, le discours a réservé moins de surprises, car il avait déjà tout dit à Rungis en octobre dernier. Depuis cette date, les Etats généraux de l’alimentation ont eu lieu, les plans de filières ont été remis, le projet de loi issu de ces Etats généraux est quasi dévoilé... Les désillusions ont même eu le temps de s’installer malheureusement, avec les négociations commerciales qui ne sont guère différentes des années précédentes, malgré les engagements pris. Mais nous n’en sommes pas au désenchantement...

Alors, en effet, il était temps que le président de la République s’adresse à nouveau au monde agricole, pour réenchanter l’agriculture, pour «penser printemps pour notre agriculture», comme il le dit. Mais, en même temps, le plan loup devra passer, les accords de libre-échange devront se faire, y compris avec le Mercosur, les filières agricoles devront se prendre en main pour développer une souveraineté alimentaire, dit-il. Et elles devront intégrer les enjeux environnementaux, car lui, il a «une politique assumée» en la matière. Et tout cela au pas de charge pendant 2018 avec, en point d’orgue, la révision de la Pac, sur laquelle il a dû justifier sa position. Alors haut les cœurs pour 2018.

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