Grandes cultures
De la Somme à l’Australie, la même interrogation autour du glyphosate
Deux experts en agronomie d’origine australienne ont fait étape en Picardie fin avril pour échanger avec des agriculteurs et l’Apad sur des solutions pouvant répondre à la limitation d’emploi de l’herbicide en grandes cultures.
Deux experts en agronomie d’origine australienne ont fait étape en Picardie fin avril pour échanger avec des agriculteurs et l’Apad sur des solutions pouvant répondre à la limitation d’emploi de l’herbicide en grandes cultures.
Le remplacer, oui mais par quoi ? Si la question du remplacement du glyphosate comme herbicide interroge les agriculteurs français, le sujet mobilise également un certain nombre d’agronomes et de chercheurs à plusieurs milliers de kilomètres. Dans le courant de la semaine dernière, deux experts de nationalité australienne, le professeur Harm Van Rees et Anne Jackman ont posé leurs valises quelques jours dans l’Oise et la Somme à la rencontre d’agriculteurs picards engagés dans la recherche d’alternatives à l’utilisation du glyphosate. Le but du voyage ? Recueillir les méthodes de ces agriculteurs convertis à l’agriculture de conservation des sols (ou en transition) pour répondre à une menace de limitation – voire d’interdiction – de l’utilisation du glyphosate dans un contexte agronomique marqué par l’abandon du travail du sol, et l’apparition de phénomènes de résistance de certains adventices. À la manœuvre dans l’organisation de ce séjour, on retrouvait Bertrand Daunay, agriculteur à Hallivillers et soucieux de «s’inspirer de ce qui se passe ailleurs, sans toujours se regarder le nombril». Lequel est allé chercher plusieurs intervenants auprès de l’Apad Picardie pour ponctuer le séjour.
Un contexte australien complexe
Pour comprendre l’enjeu de ce travail d’enquête, il faut commencer par s’intéresser à la situation agronomique australienne. Là-bas, 99 % des agriculteurs pratiquent le semis direct. À en croire Harm et Anne, la conversion s’est faite en deux temps, contrainte et forcée : la première, au début des années 1980 en raison d’épisodes intenses de sécheresse ; la seconde, dans les années 2000 pour la même raison. En ne travaillant que superficiellement leurs sols et en ayant recours à un usage massif du glyphosate pour le désherbage, les agriculteurs australiens sont confrontés aujourd’hui à des phénomènes de résistance de certains adventices à l’herbicide. Sans limitation réglementaire – contrairement à ce qui est appliqué en France -, les agriculteurs australiens peuvent utiliser «entre 12 et 15 l de glyphosate par hectare et par an», rapporte Harm Van Rees. «Étant donné qu’en Australie, il n’y a pas de réglementation, nous voulions voir comment cela se passe quand il y en a une», explique l’expert. Car si l’Union européenne venait à durcir la réglementation sur le glyphosate, l’agriculture australienne craint que ce marché ne vienne à se fermer. Pour Anne Jackman, le fait que les agriculteurs français soient limités à des proportions bien plus faibles les rendraient presque héroïques, notamment par la technicité requise. Au sein du GRDC (Grains Research and Developpement Corporation) pour lequel ils travaillent, les deux agronomes cherchent donc des solutions avec les agriculteurs pour «continuer à travailler, mais avec moins de glyphosate», rapporte le professeur Van Rees.
Partages d’expériences
Depuis la Ferme du Gripel, à Ailly-sur-Noye, et bien qu’il mène un certain nombre d’expériences, Nicolas Mourier regrettait à la fin de l’échange franco-australien «de ne pas avoir beaucoup de concret à apporter». La discussion avec les Australiens aura quand même permis aussi de lever un certain nombre d’interrogations : «Le danger d’utiliser le glyphosate en petites quantités, de manière répétée, pourrait aussi créer des situations de résistance», craint ainsi l’agriculteur samarien. Autre aspect qui compte, celui de pouvoir «jouer avec les saisons» et «d’alterner entre cultures de printemps et d’hiver, en se servant des couverts» ; ce qu’en Australie, «il n’est pas possible de faire». À défaut de réponses adaptées à la situation de leur pays, Harm Van Rees et Anne Jackman auront, quant à eux, au moins pu profiter du retour d’expériences des agriculteurs qu’ils ont rencontré, découvrir ensuite le fonctionnement d’une unité de méthanisation ou celui d’un robot de désherbage sur betteraves avec Saint Louis Sucre. Débuté en Espagne, la suite de leur crop tour (tour de plaine) devait ensuite les emmener en Allemagne, aux Pays-Bas puis au Royaume-Uni avant de retrouver les plaines australiennes.