Dernière balade 2018 en P’tit train de la Haute Somme
Ce dimanche, le P’tit train de la Haute Somme fête son festival Vapeur, synonyme de dernier jour de circulation
de la saison. Une invitation à embarquer au cœur des paysages et de l’histoire de la région.
Un dernier «tchou-tchou» et puis s’en va… Jusqu’au prochain printemps ! Ce dimanche 30 septembre, le P’tit train de la Haute Somme fête son dernier jour de circulation de la saison. Il organise pour l’occasion son traditionnel festival Vapeur de fin de saison.
Les bénévoles de l’Association picarde pour la préservation et l’entretien des véhicules anciens (Appeva), gérante de l’animation, espèrent ainsi terminer la saison en beauté. «Le P’tit train a accueilli environ 12 000 personnes cet été, annonce David Blondin, secrétaire de l’association. Un chiffre plutôt moyen, que nous expliquons par la Coupe du monde de football, qui a monopolisé quelques journées, le début de saison pluvieux, puis le mois de juillet très chaud, lors duquel les gens préféraient rester au frais… Mais il semblerait que les chiffres soit similaires pour les autres activités de tourisme de la région.»
La fête sera tout de même de la partie pour la dernière balade 2018. «Trois locomotives à vapeur seront chauffées dès 9h, afin d’assurer les promenades à travers la campagne de la Haute Somme. Les bénévoles du P’tit train seront de service pour les promenades et l’animation toute la journée. Par exemple, trois trains anciens de marchandises seront en démonstration», explique David Blondin. L’après-midi, le groupe de jazz The Spirit of St Louis, habitué des lieux, accueillera en musique au retour de la promenade. Le musée sera ouvert dès 10h. Premier départ du train à 11h, puis départ toutes les 50 minutes de 13h40 à 17h. La balade en train, d’une durée d’une heure, emmène à travers champs et bois, des étangs de la Somme au plateau du Santerre.
Transport d’armes, puis de sucre
Une véritable promenade à travers l’histoire, puisque la ligne du P’tit train de la Haute Somme, longue de 7 km, faisait partie d’un réseau construit par les armées françaises et britanniques pour la bataille de la Somme (de juillet à novembre 1916). «Conçu pour préparer l’offensive du 1er juillet 1916 et alimenter l’artillerie, ce réseau permit de rester en contact avec les soldats français et britanniques sur les lignes de front, souvent dans des conditions déplorables, la voie posée dans la boue», explique l’Appeva sur son site. Ce réseau desservait la zone des étangs de la vieille Somme et fut prolongé à travers les marais avec l’avance du front, couvrant ainsi une trentaine de kilomètres. Le petit train pouvait transporter quotidiennement jusqu’à 1 500 tonnes de matériel et de munitions.
A partir de 1924, la plupart des lignes furent vendues à des industries privées. Celle du P’tit train de la Haute Somme fut rachetée par la sucrerie de Dompierre. Elle pouvait ainsi relier la Compagnie des chemins de fer du Nord à 15 km, ainsi que le canal de la Somme, à Cappy, pour l’expédition de ses produits finis par péniches.
La sucrerie abandonna son exploitation ferroviaire en 1974. Quelques amateurs de chemins de fer décidèrent de sauver la ligne, et créèrent l’Appeva. Le premier train pour le public roula le 13 juin 1971, et la première locomotive à vapeur entra en service dès le 14 juillet de la même année. La ligne ne comportant aucun bâtiment technique, les bénévoles durent construire un dépôt, puis une gare d’accueil à Froissy et, enfin, un musée abritant aujourd’hui une partie de la collection de l’association : 38 engins moteurs et un peu plus de 120 wagons.
L’histoire retracée en une balade
Le musée du P’tit train de la Haute Somme, lieu de départ du train, se trouve au hameau de Froissy. «La voie suit le canal sous un tunnel de verdure jusqu’au port de Cappy. On distingue, juste de l’autre côté, les étangs de la Somme», raconte l’Appeva.
Le port de Cappy, au temps de la sucrerie, était un modeste quai où étaient amenés les wagons de sucre. «Placés sur une voie au bord du canal, ceux-ci étaient déchargés directement dans les péniches. La disposition des voies, vestiges de l’exploitation antérieure, et donc peu adaptée au service touristique, a été entièrement remaniée et une gare aménagée dans un ancien local de service de la Sucrerie.» L’échange des locomotives y est aujourd’hui effectué, une partie du trajet s’effectuant en vapeur, l’autre en diesel.
La ligne s’engage ensuite dans une tranchée de plus en plus profonde et pénètre dans un tunnel courbe de plus de 200 m de long. «Cet ouvrage, construit en 1927 par la sucrerie, évitait le passage des trains dans les rues de Cappy. Impressionnant pour les non avertis, il est devenu l’une des attractions du réseau.»
La ligne continue le long d’une pâture puis franchit la route de Chuignes sur un pont métallique surnommé «le viaduc» par les gens du cru (il mesure environ 6 mètres de long...) pour aboutir dans un bois. Elle rejoint bientôt une voie d’évitement qui sert parfois au croisement des rames. «Autrefois, on pouvait apercevoir l’entrée d’un second tunnel qui donnait accès au bas d’une carrière ; il est aujourd’hui perdu dans la verdure. Le train s’arrête ici... parce qu’il n’y plus de rails en face de lui.» Il repart donc en arrière, sur une autre voie et continue de monter ; il s’arrête 500 mètres plus loin, et repart en marche avant.
«Il faut être attentif pour comprendre le système. La clef de l’énigme apparaît quelques instants plus tard lorsqu’on découvre, en regardant en contrebas, l’ensemble du double rebroussement en Z.» Une disposition particulière de voie rare en Europe, qui se rencontre surtout dans les Andes et les régions de hautes montagnes. Ce «Z» permettait aux locomotives, peu puissantes (entre 50 et 70 chevaux), de gravir les 50 mètres de dénivellation qui séparent le canal de la Somme du plateau du Santerre.
La voie continue de grimper et rejoint enfin la route départementale 164 qu’elle franchit peu après. Le sommet de la rampe est atteint. La ligne croise une voie de garage : en service marchandises, la machine à vapeur y plaçait ses deux wagons et redescendait en chercher deux autres. La ligne se poursuit, en suivant la route. «La vue porte assez loin aux alentours : jusqu’aux collines dominant Péronne, à l’Est, à l’aérodrome de Méaulte, au Nord-Ouest, et à l’Ouest où l’on aperçoit les clochers des villages du plateau.»
Les vestiges de la Sucrerie, fermée en 1988, se dressent sur la droite ; la voie s’y dirige et passe devant le stade de Dompierre pour atteindre le terminus. La machine est alors dételée pour la remise en tête et le retour s’effectue sur le même trajet. Rendez-vous ensuite dès le 1er mai 2019 pour la remise en circulation.
Plus d’informations : www.appeva.org