Des arbres le long des routes, une histoire ancienne revisitée
Dans quelques semaines, la RD12 sera la première
route gérée par le Département de la Somme à profiter d'un chantier de plantation par des haies arbustives de ses accotements. Une bonne nouvelle pour la biodiversité.
Un kilomètre à pied, ça use... Quatre kilomètres de haies, c'est bon pour la biodiversité. À la veille de l'ouverture générale de la chasse dans la Somme - c'était le dimanche 20 septembre -, fédération départementale des chasseurs et Conseil départemental se sont retrouvés au siège de la première à Lamotte-Brebière pour la signature d'une convention inédite autant qu'originale : mettre en place un plan de boisement des bords de routes départementales.
4 kilomètres le long de la RD12
Quand on parle boisement, il ne s'agit pas toutefois de replanter des platanes ou autres espèces de grandes futaies dont les détracteurs aiment à rappeler que leur présence augmente l'accidentologie. Dans le cas présent, il doit s'agir de haies arbustives, plantées en îlot et en quinconce. L'objectif ? Reconquérir des espaces de biodiversité perdus le long des routes départementales. Le budget ? 80 000 EUR pour cette première étape qui consiste à aménager treize kilomètres de route avec quatre kilomètres de haies et 4 000 arbustes, le long de la RD12 «dès cet hiver», dixit Yves Butel (FDC 80), sur les communes de Saint-Riquier, Gapennes, Agenvillers, Domvast et Crécy-en-Ponthieu. Dans le cadre de la convention entre la fédération des chasseurs et le Département, l'opération est amenée à se reproduire en d'autres lieux du département.
Un partenariat gagnant-gagnant
L'idée de planter des arbres le long des routes n'est pas nouvelle. Au XVIe siècle, par exemple, les historiens rapportent que l'idée de planter des ormes le long des voies du royaume revient au souverain Henri II. Grâce à ces arbres, le royaume disposait ainsi de bois nécessaire à la construction de canons et de bateaux. Henri III reprendra l'idée pour protéger l'emprise des chemins contre le grignotage par les cultures riveraines. Sous le règne d'Henri IV, elle est toujours d'actualité et maintenue et développée par l'un de ses principaux ministres, Sully. Début XIXe, les arbres plantés le long des routes doivent contribuer à réduire la poussière soulevée par les véhicules... jusqu'à ce que le goudronnage des chaussées ne fasse perdre à cette méthode cette utilité. Pour autant, au fil des décennies, les bords de route restent plantés, avec de nouvelles essences et de nouvelles utilisations : aux ormes d'autrefois, remplacés par les platanes, finissent par succéder des peupliers qu'on utilise pour la fabrication... d'allumettes.
Aujourd'hui, le partenariat conclu entre chasseurs et collectivité départementale poursuit d'abord un objectif environnemental : «On est loin d'intérêts purement cynégétiques, confie Yves Butel. En plantant des haies, on va contribuer à lutter contre l'érosion, créer des refuges pour des populations d'auxiliaires pour l'agriculture en leur apportant le gîte et le couvert ou encore reconnecter des milieux entre eux.» Le tout devrait se faire dans une logique d'entraide mutuelle et en bonne intelligence, «avec du bon sens», affirme M. Butel.
Au Département, le soin de financer les arbustes et de préparer le terrain, à la fédération des chasseurs et aux sociétés de chasse de planter en lien avec les collectivités locales, sans oublier le monde agricole que l'on consulte pour définir les lieux d'implantation les plus pertinents.
Des haies utiles à exploiter
Bien que l'opération soit mise en place entre les chasseurs et le Département, son président assure que la collectivité n'est pas fermée à d'autres partenariats. «Les relations entre les fédérations des chasseurs, des pêcheurs et le Conseil départemental ont toujours été excellentes et nous (le Département, ndlr) avons toujours répondu présent quand des projets nous ont été présentés.» En ce qui concerne le projet de plantation des bords de route, «cela s'inscrit dans le plan de relance départemental avec une volonté de reconquérir le domaine public et d'agir pour la biodiversité.» Pour Laurent Somon, le bénéfice de cette opération est autant attendu sur le plan environnemental que visuel : «Je préfère mettre des haies le long des routes plutôt que des barrières à neige qui sont, certes, de couleur verte, qui ne dégagent pas de chlorophylle.»
En plus de leurs effets brise-vent, refuge de biodiversité et agrément paysager, les haies peuvent aussi une ressource pour le fonctionnement de réseaux de chaleur «une fois que l'on aura décidé de la manière de les entretenir ou de les faire entretenir». Et Laurent Somon d'espérer enfin «que cela donnera des idées à d'autres».
Un rapport parlementaire sur la forêt française remis au gouvernement
Missionnée par le Premier ministre, la députée du Nord Anne-Laure Cattelot a remis le 17 septembre dernier au ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, et à la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba, son rapport de mission parlementaire sur «les défis économiques, écologiques et sociaux des secteurs de la forêt et du bois», mais aussi leur «potentiel pour atténuer les effets du changement climatique».
À l'intérieur de ce rapport, que trouve-t-on ? Pas moins de dix-neuf recommandations pour donner aux forêts et au bois une place dans le monde «décarboné» de demain. La députée y souligne en premier lieu, «l'urgence d'impulser à l'échelle nationale le renouvellement des forêts françaises» ; ce qui vient ainsi conforter la décision récente du gouvernement, de mobiliser, dans le cadre du plan de relance 200 millions d'euros.
Des réglementations incitatives nouvelles à venir
Il s'agit donc tout à la fois, de renouveler des forêts fragilisées par les impacts du changement climatique, d'augmenter la production de graines et plants forestiers, de développer les entreprises de transformation du bois, tout en dynamisant le marché de la construction en bois, et en accélérant le virage numérique de la filière, qui apportera une connaissance plus fine de la ressource forestière.
Le rapport souligne également que la forêt peut «renforcer la durabilité de la construction, et accroître la décarbonation de l'économie du bâtiment», notamment au travers de la valorisation du bois d'oeuvre qui sera au coeur de la future réglementation environnementale pour les bâtiments neufs (RE 2020). Cette nouvelle réglementation sera prête début 2021, pour une entrée en application à l'été 2021.
Ces propositions doivent désormais faire l'objet d'une analyse attentive de la part du gouvernement. Les ministres Denormandie et Abba ont également souligné que les recommandations de la députée rejoignent les priorités identifiées par les acteurs de la forêt et du bois dans leur feuille de route pour l'adaptation des forêts au changement climatique. Une feuille de route qui doit leur être justement remise prochainement.