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«Des gelées historiques» dans les vergers de la Somme

Le gel, qui a frappé de plein fouet bon nombre de cultures en France en ce début de semaine, n’a pas épargné les vergers de la Somme. Certains se sont démenés pour limiter la casse, mais d’autres n’ont rien pu faire.

Certains arboriculteurs, comme Bernard Nicolaï au Domaine de Moismont, ont recours à la lutte anti-gel par aspersion. Malgré cela, une partie de la récolte est perdue.
© D. R.

 

 

Même s’il est encore trop tôt pour évaluer précisément les pertes, les gelées auraient détruit au moins la moitié de la récolte des 22 ha du verger du Colombier, à Suzanne, près d’Albert. «Certaines variétés, comme la Boskoop, ont entièrement gelé. Il n’y aura pas une pomme à la récolte», se désole Martin Noyon.

Ses pommiers et poiriers, au stade de décollement des bourgeons floraux, n’ont pas résisté aux - 4,5°C que le thermomètre a affiché pendant trois nuits, les 5, 6 et 7 avril, «soit - 6 à - 7°C en équivalent température humide». L’épisode de froid a été d’autant plus violent qu’il s’agit de gelées noires, poussées par des vents d’Est. «Il faisait aussi froid au sol qu’à 1 m de hauteur». Martin Noyon n’est pas équipé en système de protection des cultures contre le gel, mais il pense qu’il n’aurait de toute façon rien pu faire. «Quand il fait aussi froid, aussi longtemps, on peut difficilement lutter.» D’après lui, il s’agirait de «gelées historiques», dont des précédents auraient été vécus en 1991 et 1971. «Je pourrais mieux estimer l’impact à la floraison des arbres», précise Martin Noyon.

Lutte anti-gel par aspersion

Bernard Nicolaï, arboriculteur à Vron, de l’autre côté du département, tient le même discours : «ce sont des gelées historiques, similaires à celles de 1991». Dans les 72 ha du Domaine de Moismont, une partie des fleurs ont noirci, suite aux - 7°C (température humide) subis deux nuits de suite, les 6 et 7 avril. Difficile encore de quantifier les pertes, mais elles seront bien réelles, et ce pour toutes les variétés.

"D’habitude, nous activons l'aspersion vers 4h du matin. Cette fois, nous avons dû l'actionner dès 22 h."

L’équipe du Domaine s’est pourtant activée pour les limiter au maximum. «Nous disposons de systèmes de lutte anti-gel par aspersion grâce à des investissements chaque année.» Cette technique, qui permet d’établir un équilibre eau-glace autour des organes végétaux afin de les maintenir à 0 °C, serait «la plus efficace dans des situations les plus extrêmes.» Ce mois d’avril 2021 était même du jamais vu : «d’habitude, lorsqu’ils s’avèrent nécessaires, nous activons l'aspersion vers 4h du matin. Cette fois, nous avons dû l'actionner dès 22 h. Nous étions même à court d’eau ! Heureusement, les voisins agriculteurs nous sont venus en aide.»

Des bougies bienvenues

À Saint-Gratien, au Nord-Est d’Amiens, Vincent Lienard pense avoir sauvé la récolte de ses 3 ha de vergers de la Cidrerie de la Garenne. «Les arbres étaient encore au stade boutons fermés. On estime qu’ils peuvent résister à -3,5°C, et les températures sont descendues à -3,7°C.» 250 bougies par hectare ont été allumées, disposées une ligne sur deux. Elles ont permis de gagner environ 1°C. «Nous avons fait ce qu’il fallait pour limiter la casse. Mais c’est du stress et de la fatigue. Avec ma fille, nous avons passé des nuits blanches.»

La calamité agricole, faible réconfort

Les plus impactés pourront solliciter une demande de reconnaissance de calamité agricole, le gouvernement a décidé a décidé d’activer ce régime suite aux épisodes de gel qui ont frappé toute la France. Le montant débloqué, cependant, n’est pas précisé. «L’aide est bienvenue, mais elle ne couvrira pas tout. Il va falloir partager l’enveloppe entre les nombreux sinistrés, et on touchera le montant tardivement… Niveau trésorerie, ça va être chaud», remarque déjà Martin Noyon. «On ne travaille pas pour toucher des aides. On consacre beaucoup de temps et d’énergie dans notre métier, alors quand tout est détruit en quelques heures, c’est difficile à vivre», ajoute Bernard Nicolaï. La nature peut être aussi cruelle que généreuse.

 

Les vignes samariennes épargnées
Parfois, être installé plus au Nord a du bon. Les premières vignes de la Somme n’ont pas subi les conséquences des gelées noires de ce début de semaine, puisque leur cycle est beaucoup moins avancé que celui des régions les plus productrices. «Les bourgeons sont encore “dans leur coton“ et sont dont protégés», rassure Maximilien de Wazières, qui cultive 3,5 ha de vigne à Terramesnil. Même soulagement pour Martin Ebersbach, pour qui les 6 ha de vigne sont en plus protégés du vent d’Est par un bois. «Il n’empêche que le gel est un gros enjeux pour la vigne. Dès que les bourgeons sortent et deviennent feuille, ils sont très fragiles.» Dans la Somme, la période sensible aux gelées serait située entre le 15 avril et le 15 mai.
Les vignerons disposent de quelques moyens de lutte, qui n’effacent pas totalement le risque. «Nous taillons la vigne de manière à ce que les grappes soient plus hautes, et donc mieux protégées du gel, explique Maximilien de Wazières. L’année dernière, nous avions fait du feu toute une nuit. La fumée protège des premiers rayons du soleil qui peuvent brûler les feuilles. Les nuits les plus claires sont les plus dangereuses…» Martin et Maximilien en sont conscients, ils doivent apprendre à vivre avec le risque de gel.

 

Des légumes plus ou moins touchés
Les choux primeurs de Vincent Lienard ont une drôle de tête, à Saint-Gratien, comme à son nouveau site d’Amiens (au magasin O’Tera). «Ils ne sont pas complètement fichus, mais ils ont souffert du gel», observe le maraîcher. Plus que des pertes brutes, les températures froides occasionnent un surplus de travail. «À Amiens, trente vannes d’irrigation ont cassé et ont dû être changées. Nous dépensons aussi beaucoup d’énergie à couvrir les légumes de voiles de forçage en fin de journée, qu’on retire le matin, car avec la condensation qui s’y installe et les rayons de soleil qui réchauffent ensuite, ils risquent de griller.»
À la Ferme des Vallées de Fréchencourt, le constat est semblable. «Toutes nos cultures sont sous serre. Nous les avons suffisamment protégées pour qu’elles ne subissent pas le gel. Mais l’impact se fait quand même sentir», confie Adrien Bled. Mille litres supplémentaires de fioul ont été nécessaires pour chauffer la serre des premières tomates et concombres de la saison. Les légumes ont pris en moyenne dix jours de retard dans leur développement. «Les heures plus douces, favorables à la pousse, ne sont pas très nombreuses dans la journée.» Ajoutez à cela un retard dans les travaux d’environ deux semaines. «Nous aurions déjà dû planter les pommes de terre de consommation, mais nous avons préféré être prudents et nous avons bien fait.» Le pic de travail devrait être intense lorsque la météo le permettra.
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