Des risques d'intrusion en élevage toujours présents
Suite à la création de la cellule nationale de suivi des atteintes au monde agricole, Demeter, en décembre dernier, le syndicalisme met en place des réunions d'information auprès des éleveurs en présence de la gendarmerie.
À Quimper, en Bretagne, il y a une quinzaine de jours, ils n'étaient guère nombreux, pas plus d'une vingtaine d'éleveurs venus se renseigner sur le risque d'intrusion dans les élevages. Il y avait des cochonniers, des aviculteurs, quelques laitiers, inquiets de la multiplication des vols, agressions ou - ce qu'ils redoutent par-dessus tout -, des intrusions de militants associatifs venant filmer leur élevage pour le dénigrer sur les réseaux sociaux. Ils ont écouté avec beaucoup d'attention la juriste de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), co-organisatrice de la réunion avec la FDSEA du Finistère et, plus encore, les gendarmes présents : un des trois référents sûreté du groupement départemental et le commandant de la compagnie de Quimper. Ils ne sont pas les seuls à se déplacer pour s'informer. Un peu partout en France, à l'initiative de la FNSEA et des JA, se multiplient ces réunions, explique en substance Étienne Gangneron, vice-président de la FNSEA. «Chaque département, chaque canton y va à son rythme, précise cet éleveur du Cher. Il y a une attente du monde agricole de savoir quelles mesures prendre pour prévenir tout risque d'intrusion, et quel comportement adopter si les exploitants se retrouvent face à un intrus.»
Serrures, barrières, panneaux
Lors de la réunion finistérienne, la juriste de l'UGPVB a rappelé qu'il y a eu, l'an passé en France, «14 500 faits constatés dans les exploitations agricoles dont 8 300 vols simples, 1 700 destructions et dégradations, 1 500 cambriolages et 3 000 faits autres dont les intrusions.»
Pour y faire face, les gendarmes recommandent d'installer, quand cela est possible, des serrures et des barrières, d'apposer des panneaux «propriété privée» ou «interdiction de filmer». L'intrusion sera alors caractérisée. Lorsqu'un exploitant constate qu'un intrus est entré par effraction sur la ferme, «ne pas hésiter à composer le 17, une patrouille passera pour recueillir les indices», dit le gendarme référent de sûreté, l'adjudant-chef Pierre Stéphant. Si l'exploitant se retrouve nez à nez avec l'intrus, comment réagir ?
Idéalement, il faut tout faire pour l'empêcher de fuir avant que les forces de l'ordre n'arrivent.
Mais on a vu, début février dans la Marne, pareille situation virer au drame quand l'exploitant a fait feu lorsque l'intrus s'est précipité sur lui. Dans un tel cas, la légitime défense doit être proportionnée, rappellent les forces de l'ordre. Pour le reste, les gendarmes recommandent aux agriculteurs d'être vigilants sur tout comportement suspect aux abords de l'exploitation et de le signaler aux gendarmes. Ils suggèrent également de baliser tout parcours de visite lors d'une journée portes ouvertes pour éviter que des personnes malintentionnées n'en profitent pour capter des images dont elles pourraient en détourner le sens.
Nicole Belloubet «très sensible aux inquiétudes» liées aux saccages de parcelles
La garde des Sceaux Nicole Belloubet s'est, le 3 mars, dit «très sensible aux inquiétudes» liées aux saccages de parcelles agricoles, répondant à une question du sénateur de la Manche, Jean Bizet en séance publique au Sénat. «J'ai demandé à mon ministère que soient engagées des réflexions supplémentaires sur la précision de la définition de l'incrimination de violation de domicile, pour qu'on en élargisse la portée s'agissant des exploitations agricoles», a-t-elle rappelé.
S'agissant des destructions de semences, les différentes circulaires émanant du ministère de la Justice «invitent systématiquement les parquets à poursuivre les auteurs de tels faits avec rigueur et fermeté», selon Nicole Belloubet. «On privilégie les procédures rapides et, notamment, la comparution immédiate.»
Rappelant la condamnation de cinquante-trois personnes en juin 2019 par la cour d'appel de Nancy, elle a souligné la «prise en compte par les parquets du trouble à l'ordre public inacceptable qu'occasionnent ces destructions de cultures et de l'efficacité du cadre juridique actuel». Jean Bizet lui a répondu en exprimant son souhait «qu'on aille beaucoup plus loin». Près de trente-cinq destructions ont eu lieu ces dix dernières années, selon lui.