Non, toutes les chèvres ne mangent pas des sapins de Noël
Parmi les éleveurs de chèvres de la région, tous ne partagent pas l’initiative qui consiste à « recycler » les sapins de Noël en les donnant à manger à leurs animaux. Explications.
Parmi les éleveurs de chèvres de la région, tous ne partagent pas l’initiative qui consiste à « recycler » les sapins de Noël en les donnant à manger à leurs animaux. Explications.
Éleveuse de chèvres dans l’Aisne, à Bruyères-et-Montbéraut, Béatrice Chartier n’en revenait toujours du succès rencontré en ce début de semaine par l’une de ses récentes publications sur les réseaux sociaux. L’an dernier à la même époque, elle avait récupéré quelque 250 arbres de Noël. En ce début d’année 2021, elle devrait en récupérer au moins autant, si ce n’est plus. A la tête d’un troupeau d’une trentaine de chèvres, elle profite de la fin d’année pour récupérer auprès de particuliers leurs sapins. « Cela fait trois ans que je fais cela », explique-t-elle. L’intérêt ? Apporter une source de vitamines et d’oligo-éléments à ses animaux. Selon l’éleveuse, les bénéfices de cet apport seraient multiples : « En mangeant les épines, les chèvres font le plein de vitamines. Dans l’écorce, il y a un tanin qui est bon pour leur estomac ». Une fois que les chèvres auront dévoré les sapins, il n’en restera que les branches et le tronc, dénudés. Béatrice Chartier compte environ un sapin pour quatre chèvres. Les arbres sont répartis aux quatre coins de l’enclos pour éviter la lutte entre les animaux. « On leur laisse en général deux jours puis on les retire. L’idée, c’est de leur proposer une cure, pas de leur en donner à longueur d’année ».
Une expérience de court terme
Agissant sur les conseils d’une éleveuse installée dans une autre région, et enthousiaste, Béatrice Chartier souligne quand même quelques points de vigilance : « Tous les sapins ne sont pas comestibles, détaille-t-elle. Il faut trier les sapins que l’on reçoit. Ils doivent être le plus naturel possible, notamment sans neige artificielle ». Si les espèces « norman » et « épicea » se prêtent particulièrement bien à l’expérience, thuyas et ifs sont quant à eux toxiques.
Actuellement en gestation, les chèvres de la Chèvrerie de Bruyères devraient avoir du sapin au menu jusqu’en février prochain. La fabrication de fromages à partir de leur lait ne reprendra quant à elle « que mi-mars », précise Mme Chartier, ce qui éloigne le risque d’imprégnation du lait par un goût résineux. Ailleurs dans la région, d’autres éleveurs se montrent quant à eux plus frileux.
Dans le Nord, à Thiennes, la chèvrerie du Tannay mettait ainsi en garde il y a quelques jours ses clients sur la « valorisation » des sapins par les chèvres. Aurore et Alexandre Loriette expliquent sur leur site Internet « recevoir beaucoup d’appels ces jours-ci pour que les chèvres "valorisent" les sapins de Noël en fin d'utilisation. La cause est noble, mais nous ne voulons pas donner ce genre d'aliment à nos braves chèvres. Les conifères sont potentiellement toxiques pour elles et en aucun cas nous ne risquerons quoi que ce soit ». Si le couple d’éleveurs reconnait que « les chèvres aiment ça », ils freinent les donateurs : « A court terme, c'est bien ! C'est plein de vitamines car les sapins sont encore "frais". C'est également un vermifuge naturel... Mais à plus long terme, des toxines peuvent créer des troubles digestifs et/ou nerveux ».
Des éleveurs très sollicités mais prudents
A la Chèvrerie de Canaples (80), l’expérience conduite par Béatrice Chartier n’est évidemment pas passée inaperçue. Depuis quelques jours, l’éleveur de Canaples Matthieu Vandenbussche explique recevoir « une vingtaine d’appels par jour ». Au bout du fil, des particuliers comme des professionnels cherchant à se débarrasser de leur sapin : « C’est de la folie…, assurait-il en milieu de semaine. Mais je préfère ne pas nourrir mes animaux avec cela. A la rigueur, si je venais à le faire, ce serait avec des animaux qui ne sont pas en lactation, mais mon troupeau va bien jusqu’à présent ».
A Quend (80), à la chèvrerie le Maguette chez Georges Gribauval, les propositions ont été moins nombreuses, mais c’est plutôt bien ainsi, selon l’éleveur : « Deux personnes m’ont proposé leur sapin, mais c’est tout », expliquait-il ce mardi. « Quand j’ai démarré mon activité, je me souviens qu’il y avait un sapin au fond du terrain où je mettais mes chèvres et elles l’ont dépouillé. C’est donc qu’elles aiment cela (rires). Ça peut être un bon délire, mais je ne le fais pas… »
Depuis quelques jours, l’éleveur pratique ce qu’il nomme « une trêve hivernale » ; autrement dit, ses animaux ne sont plus en production et l’élevage est fermé au public. Enfin, en ce qui concerne les sapins, l’éleveur conseille plutôt à ceux qui le sollicitent de se renseigner auprès de la collectivité dans laquelle ils habitent : « Certaines communes comme Fort-Mahon les récupèrent pour stabiliser les dunes de sable ». Plus éloignées du littoral, d’autres collectivités proposent également des points de collecte pour donner une seconde vie aux sapins.