Des terres agricoles sous l'eau dans la Somme
Premiers rayons de soleil : les agriculteurs sentent l'appel du tracteur pour retourner en plaine. Mais certains samariens sont bloqués à cause de l'eau qui recouvre encore leurs terres, cultivées ou prairies.
On ne distingue même plus les clôtures des prairies de Jean-Louis Bouthors, éleveur laitier à Daours, dans le bassin versant de l'Hallue, dernière commune avant la jonction avec la Somme. On observe jusqu'à 1,30 m d'eau par endroits. «J'ai l'impression de revivre la situation de 2001. 45 % de mes 22,5 ha de prairies sont inondées», se désole-t-il. Une bonne vingtaine de génisses étaient censées pâturer ces terres dans les prochains jours. Il faudra trouver d'autres solutions, d'autant que l'éleveur est engagé dans la démarche «les laitiers responsables», qui implique une mise à l'herbe du troupeau. «Les laisser dans le bâtiment implique l'achat d'aliments supplémentaires, et je devrais taper dans mes stocks de paille déjà limités, car je travaille à flux tendu à ce niveau.» Autre solution : concentrer les animaux dans les pâtures plus sèches, mais cela implique de renoncer à une coupe de foin pourtant précieuse pour l'hiver. «En 2001, j'avais fait cela. Mais nous avions eu des aides. J'avais par exemple bénéficié de 12 t de foin en provenance du sud.»
Une quarantaine de km plus bas, à Fontaine-sur-Somme, le paysage est tout aussi aquatique. 60 ha qu'exploite Christophe Damonneville sont sous l'eau, dont la moitié de terres cultivées. «Nous n'avons rien pu semer à l'automne, et 2 ha de pommes de terre sont restées en terre», assure-t-il. L'arracheuse est même toujours au milieu d'une parcelle, embourbée, depuis plusieurs mois. L'associé du Gaec des Trois plaines n'a plus qu'à attendre que les terres daignent enfin sécher, afin de pouvoir semer du tritical et du chanvre (bio), ainsi que des pois de printemps et du maïs. «Pour le tritical et les pois, ça commence à presser !» La trentaine de génisses laitières et autant de génisses allaitantes devaient pâturer ici dès la mi-mars. Elles resteront encore un peu confinées.
Les terres d'Alexandre Loye, installé à la Ferme du petit bas champ, à Quend, sont, elles, enfin en train de ressuyer. «J'ai relevé jusqu'à 800 mm d'eau cet hiver, confie l'agriculteur. Les quinze derniers jours ont été les pires, car nous avons cumulé beaucoup de pluie avec de fortes marées.» Ses parcelles cultivées ont bénéficié d'un premier apport d'azote il y a deux semaines, soit deux semaines plus tard que d'habitude, «mais rien de dramatique». Son troupeau d'Aubracs et de Montbéliardes devrait retourner à l'herbe début avril. En revanche, Alexandre n'avait pas non plus réussi à semer une bonne partie de ses terres à l'automne. «Je n'ai semé qu'un tiers du blé, soit 10 ha sur 30 environ. Je vais donc semer de l'orge de printemps. Ce n'est pas très rémunérateur, mais j'ai besoin de paille pour l'élevage, et les quelques cochons sur paille que j'élève valoriseront une partie de l'orge.»
«Nous sommes en fait confrontés à des remontées de nappes ou des débordements de rivières. Le cumul des précipitations de ces dernières semaines font que les sols sont gorgés d'eau, et plus rien ne s'infiltre», explique Jérôme Tellier, technicien à la Chambre d'agriculture de la Somme, détaché auprès de l'association Somea (Somme, espace et agronomie). Il précise : «Nous observons donc une saturation des parcelles, avec une fermeture du sol en surface, le long des cours d'eau principalement, mais aussi sur les plateaux.»
Des facteurs impactants
En plus d'un débordement de rivière, plusieurs facteurs peuvent influencer cette saturation du sol. Tout d'abord, les précipitations n'ont pas été les mêmes dans tout le territoire. 139,4 mm de pluie ont été relevés à la station d'Abbeville en février, alors que 119,2 mm ont été relevés à Dury, et 96,2 mm à Caix. «La structure joue beaucoup. Plus elle est dégradée, moins l'eau s'infiltre.» Une bonne structure, elle, présente des micro-fissures à la surface qui favorisent l'infiltration de l'eau. «La matière organique joue aussi : plus un sol en a, meilleure est l'infiltration.» La culture précédente, ensuite, a un impact : «Nous voyons beaucoup de parcelles de céréales noyées, lorsqu'elles ont été semées après des pommes de terre, par exemple. Celles-ci ont été arrachées dans de mauvaises conditions, qui ont accentué le tassement du sol», énonce Jérôme Tellier. Et maintenant, que peut-on faire ? «Rien du tout, si ce n'est attendre que l'eau s'évacue d'elle même grâce aux conditions météos plus sèches.»
Une calamité agricole ?
La FDSEA de la Somme lance un recensement des parcelles inondées, pour une éventuelle reconnaissance de calamité agricole, qui permet l'obtention d'indemnisations.
Si vous êtes concerné, contactez Samuel Decerf : samuel.decerf@fdsea80.fr ; 07 52 67 92 19.