Dominique Henocque : «Être maire, c’est aimer la vie»
Notre série à la rencontre des maires ruraux se termine chez
Dominique Henocque, à Vaudricourt. Le retraité de l’agriculture brigue un quatrième mandat de maire. Ce qui le motive : défendre l’intérêt de tous.
Les problèmes des agriculteurs sont ceux de la ruralité en général. C’est en tout cas ce que pense Dominique Henocque, maire de Vaudricourt depuis dix-neuf ans. Il n’aime cependant plus le terme «ruralité», «car il est souvent usurpé». «Dans les villages comme le notre, les gens ont encore le souci de leurs voisins. Il existe toujours une certaine solidarité. C’est cela que j’appelle la ruralité. Le maire, lui, est là pour centraliser.»
Depuis quatre ans, Dominique est retraité de l’agriculture. Mais ce titre n’a pas changé sa vie pour autant : «Je suis encore aux bêtes tous les matins, et dans les champs dès que j’en ai l’occasion», s’amuse-t-il. Pas question de s’éloigner du Gaec familial, au sein duquel sont associés ses fils, Thibaut et Fabien, et sa femme, Bénédicte. Pour lui, l’engagement auprès de la profession agricole et le rôle de maire vont ensemble : «Il s’agit de défendre l’intérêt de tous !»
Une affaire d’équipe
Le «paysan dans l’âme» gère d’ailleurs sa mairie comme il gérerait un Gaec. «Avec les conseillers municipaux et la secrétaire de mairie, nous sommes une équipe.» Ensemble, ils passent beaucoup de temps à régler de petites choses pour leurs concitoyens. Vérifier qu’il n’est rien arrivé à une personne âgée qui a cumulé trois jours de pain devant sa porte, trouver la procédure qui permet à un résident étranger de passer son permis de conduire… Et surtout, gérer des querelles de voisinage. «Les gens sont de moins en moins tolérants», regrette Dominique. Des missions que l’édile gère avec tact. «J’ai appris à prendre du recul et à ne jamais réagir à chaud. Personne n’a jamais entièrement tord, ni entièrement raison. Il faut savoir faire la part des choses.»
L’équipe municipale s’attaque aussi à des enjeux plus vastes. «Nous devons faire cohabiter l’agriculture, encore très présente dans notre secteur, le tourisme, puisque nous sommes sur la côte, et l’industrie, car nous avons toujours deux robinetteries et un atelier de maintenance à Vaudricourt.» La principale préoccupation de son prochain mandat - s’il est élu, bien qu’il n’y ait qu’une liste à Vaudricourt - sera la construction d’un lotissement d’une trentaine de maisons, qui permettrait d’attirer de jeunes couples et de sauver l’école. «Nous avons la chance d’avoir pu conserver notre école, qui comprend deux classes pour tous les niveaux, de la petite section de maternelle au CM2, pour trente-sept élèves.» Il ne faudrait pas que l’effectif passe sous la barre des trente-trois enfants… «La vie du village dépend de ce lotissement !»
L’optimisme malgré tout
Pour attirer les nouveaux venus, Vaudricourt a des atouts à mettre en avant : outre les emplois générés par les entreprises installées sur place, la commune peut se targuer d’une vie associative active, de deux maisons médicales à moins de dix minutes en voiture, de cinq supermarchés à proximité, d’un assainissement collectif, du gaz de ville… Des conforts pour lesquels l’équipe communale s’est investie.
L’édile regrette que la gestion du budget soit au niveau de l’intercommunalité. «Nous dépendons désormais de la Communauté d’agglomération d’Abbeville. 42 communes, plus de 50 000 habitants… Alors autant dire qu’avec juste un peu plus de 400 habitants, nous avons perdu la main sur les décisions importantes.» Et de constater : «le maire doit appliquer la loi, bon gré mal gré.» La loi Notre (nouvelle organisation territoriale de la République), l’a par exemple déçu. «Il y a un manque de cohérence dans le découpage des territoires. Chez nous, il ne correspond pas du tout au syndicat des eaux pourtant indispensable au bon fonctionnement.»
Pourtant, Dominique ne baisse pas les bras. «C’est difficile, mais à force d’implication, on peut parvenir à se faire entendre.» Et rien ne l’empêchera d’être optimiste. Les principales qualités d’un élu ?
Être tolérant, aimer les gens… «aimer la vie», résume-t-il. «Ou on vit, ou on attend la mort.» Lui a choisi de vivre pleinement, pour lui-même, pour sa famille, qui sera toujours «la priorité», pour le monde agricole, et pour son village.
La technologie pour plus de mobilité ?
Dominique Henocque serait-il un visionnaire ? Dans sa réflexion sur la mobilité en milieu rural, certainement. «Ce sujet est celui que je ne sais pas résoudre à Vaudricourt.» Difficile, en effet, de définir la rentabilité d’une ligne de bus, alors qu’elle serait très peu fréquentée. Mais Dominique en est persuadé, «il y a encore un avenir à la campagne». Et, pour lui, les technologies seront une clé de réponse à l’isolement. «Je pense, par exemples, aux voitures autonomes, ou à la livraison de courses par drone.» Toutes les possibilités sont à envisager.