E-day à la Ferme 3.0 : plus d’innovations pour moins d’intrants
Ce 31 mai, la Ferme agro-écologie 3.0 d’Aizecourt-le-Haut organisait son e-day : démonstrations, conférences…
Une journée consacrée à l’agriculture de demain, dont l’un des principaux objectifs est la réduction des intrants.
à l’injection directe, sera utilisé à la ferme 3.0 dès juin.
Un plan Ecophyto 2018, qui vise à la réduction des produits phytosanitaires dans les pratiques agricoles, mais surtout des problématiques bien réelles, comme des phénomènes de résistance aux maladies de plus en plus nombreuses, de moins en moins de produits homologués… Voilà pourquoi il est nécessaire de trouver des solutions alternatives à l’utilisation d’intrants dans les cultures. C’est tout l’objet de la ferme agro-écologie 3.0 d’Aizecourt-le-Haut, désormais Ferme 3.0 Hauts-de-France. Pour répondre au sujet, Jean-Marie Deleau, l’exploitant, Agro-transfert ressources et territoires, et la Chambre d’agriculture de la Somme ont choisi de développer les expérimentations et les innovations agronomiques, exposées lors d’une journée porte ouverte, ce 31 mai.
La star du jour était un tout nouveau pulvérisateur PiiX Dual de Diimotion, une entreprise basée à Pau. Son atout : Piix, sa technologie disruptive pour la pulvérisation agricole basée sur l’injection directe. Entendez séparation de l’eau et des produits phytosanitaires dans des cuves distinctes. «Les produits sont injectés en quasi temps réel dans les parcelles, explique Xavier Cassassolles, cogérant. En plus d’économiser le temps de l’agriculteur, la technologie apporte une solution à deux enjeux majeurs : la maîtrise du risque sanitaire et la réduction des doses apportées.»
En pratique, le pulvérisateur dispense de préparation de bouillie nécessaire, donc une moindre exposition pour l’agriculteur, et permet la récupération des produits non consommés, la réduction du risque de pollution accidentelle pendant le transport, le rinçage automatique de micro cuves au lieu d’une grande cuve principale, pas de mélange perdu en cas de mauvais temps soudain, et une réduction des doses par la modulation ou l’application localisée. Le prototype, «première mondiale», assure Xavier Cassassolles, sera testé dès juin à la Ferme 3.0. Et les agriculteurs présents à la démonstration sont impatients : «Si ça marche vraiment, ce serait un énorme progrès pour nos exploitations.»
D’autres progrès, la Ferme 3.0 en avait à présenter, à l’instar du PPIS (Profil pénétrométrique interpolé du sol). Son principe repose sur l’utilisation d’un pénétromètre électronique enregistreur pour récolter des informations de résistance du sol. «Douze mesures prises sur 11 m, à 80 cm de profondeur, permettent de créer une image en couleur pour repérer les zones meubles, les passages de roue et les semelles de labour, explique Olivier Suc, de la Chambre d’agriculture de la Somme. Nous avions besoin de références pour donner des préconisations dans les conduites de chantiers, pour préserver la qualité des sols. Ces cartes en couleurs sont simples à interpréter pour des personnes du génie civil.» Développé à la Ferme 3.0, cet outil a été utilisé dans cinquante parcelles de chantiers de gaz cette année, et sera présenté dans des colloques nationaux.
Des expérimentations prometteuses
L’exploitation héberge aussi des programmes d’expérimentation de la chambre d’agriculture, dont les premiers résultats sont prometteurs. Le robot de désherbage Dino, de la société Naïo technologies, par exemple, était présenté. Initialement prévu pour un travail en maraîchage sur trois rangs et des planches rectilignes, il dispose maintenant d’une capacité de binage sur six rangs pour une lame de 35 cm. «Les essais sur le guidage GPS en courbes cet automne ont été concluants et les travaux se portent maintenant sur le guidage actif par caméra pour améliorer la précision», explique-t-on à la chambre. Cette année, Dino est intégré dans les stratégies de désherbage combiné chimique/mécanique, en betteraves, flageolets et colza. Affaire à suivre…
Ces outils ont participé à l’obtention de premiers résultats encourageants à la Ferme 3.0, après trois ans de recul. Les rendements ont été maintenus, malgré une baisse des phytos. En blé, par exemple, le travail d’amélioration de la connaissance de sols, de la fumure de fond et des historiques d’enherbement permet chaque année de mieux appréhender, via les cartes de rendements, la réaction de chaque parcelle face aux choix techniques, en particulier en ce qui concerne l’azote. En 2015, les 151 ha de blé présentaient les caractéristiques suivantes : 105 quintaux, 1,6 IFT (Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires) herbicides, 2,6 IFT hors herbicides, soit 4,2 IFT au total. L’année dernière, 150 ha de cette culture donnaient 84 quintaux, pour 1,9 IFT herbicides, 1,3 IFT hors herbicides, soit 3,1 IFT au total.
Mais les derniers épisodes de pluies violentes ont mis en évidence quelques failles encore à combler. «Le drone nous a permis de recréer le ruissellement de l’eau dans une parcelle de pommes de terre. La bande enherbée n’a pas suffi à freiner les coulées», explique Thomas Damonneville, de la chambre d’agriculture. L’implantation de haies fascines pourrait être une solution.
Et 1, et 2 et 3.0 !
Que veut donc dire ce «3.0» qui colle au nom de la ferme de 350 ha de polyculture (blé, orge, colza, pommes de terre, betteraves, flageolets) de Jean-Marie Deleau ? Le 1.0 correspond en fait à l’agriculture de production, soit le développement continu de l’agro-équipement et de la chimie depuis les années 1950, qui a permis de répondre au défi alimentaire avec des gains de productivité. Dans les années 1990, l’agriculture est passée au 2.0, qui représente l’arrivée de technologies (GPS, matériels, satellites…) permettant plus de précision dans les apports d’intrants et d’accroître l’efficacité. Aujourd’hui, l’agriculture 3.0 se définit par l’arrivée des capteurs via des sondes ou des drones, associés à des OAD pour anticiper les caractéristiques des productions et risques associées, et par la remontée automatisée et l’interaction des données entre les équipements, pour la création de nouvelles applications et services. Vivra-t-on l’agriculture 4.0 ?
Des OAD, en veux-tu ? En voilà
Pour aiguiller ses choix, la Ferme 3.0 utilise toute une panoplie d’OAD (outils d’aide à la décision), qui étaient présentés lors de l’e-day. Parmi eux, la sonde Aquacheck par Corhize, dans les cultures de pommes de terre et de flageolets, pour éviter un stress hydrique et gérer l’irrigation. La sonde est constituée d’une série de capteurs capacitifs tous les 10 cm jusqu’à 60 cm, qui émettent un courant électrique pour mesurer le pourcentage d’humidité du sol. La sonde est associée à un pluviomètre qui permet de visualiser les apports d’eau et la disponibilité en eau du sol.
La pince N’tester, elle, est un outil électronique manuel qui permet de réaliser facilement un diagnostic de nutrition azotée sur une culture en cours de croissance. Elle fonctionne en mesurant optiquement la teneur en chlorophylle des feuilles, qui est fortement corrélée à l’état de nutrition azotée de la plante. Trente mesures répétées plusieurs fois dans la parcelle vont donner une moyenne représentative de la parcelle et permettront de déterminer si la culture nécessite ou non des apports complémentaires.
Pour les maladies fongiques du blé tendre d’hiver et de l’orge d’hiver, ainsi que pour les ravageurs du colza, la Ferme 3.0 utilise l’avertisseur phytosanitaire Phytoprotech de Wanaka Agroptimizee. Il se base sur les données locales des parcelles et la météorologie. Il positionne, parcelle par parcelle, la meilleure utilisation des produits phytosanitaires. Grâce à des modèles agro-climatiques, il offre un suivi personnalisé des maladies à la parcelle via une plateforme en ligne et un système d’alerte en temps réel.
Ou encore, pour optimiser la protection fongicide sur blé, Opti-protect est d’une grande aide. Il permet de prédire les dates d’atteinte des principaux stades de culture et les dates optimales d’observation et de traitement des principales maladies (piétin-verse, rouille jaune, septoriose, rouille brune et fusariose). Ce nouvel outil s’appuie sur les modèles d’Arvalis - Institut du végétal et sur les données climatologiques issues du réseau de stations Météo France, ainsi que les données parcellaires et culturales de MesP@rcelles.