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Salon international de l’agriculture
Emmanuel Macron au Salon de l’agriculture : ce qu’il faut retenir

«Prix plancher», «plan de trésorerie», «droit à l'erreur», «intérêt général majeur»... Dans un contexte électrique, le président de la République a fait plusieurs annonces marquantes, qui restent à éclaircir.

La traditionnelle inauguration du président de la République a été émaillée de violences d’une rare intensité au Salon de l’agriculture.
La traditionnelle inauguration du président de la République a été émaillée de violences d’une rare intensité au Salon de l’agriculture.
© Élysée

Succédant à une mobilisation agricole nationale d’une ampleur inédite, cette édition 2024 du Salon de l’agriculture restera - il fallait s’y attendre - marquée par la tension. La traditionnelle inauguration du président de la République a été émaillée de violences d’une rare intensité au Salon de l’agriculture. Samedi vers 8h, une centaine d'agriculteurs de la FNSEA, des JA, et de la CR, venant de toute la France mais principalement du grand bassin parisien, ont pénétré dans le hall 1 du Salon à la rencontre d'Emmanuel Macron, qui s'entretenait à huis clos avec les représentants nationaux des syndicats agricoles. Sur fond de sifflets, de cloches, et de chants, les agriculteurs ont tenté de s'approcher du lieu où devait arriver le président, s'affrontant avec les forces de l'ordre, qui ont embarqué au moins un individu. Emmanuel Macron a ensuite rencontré, au cours d'un échange improvisé, une trentaine de manifestants, agriculteurs et représentants des différentes organisations syndicales, en mettant en avant son envie de «dialogue».

Pendant deux heures, accoudé sur une table mange-debout, le président a recueilli les doléances des agriculteurs regroupés autour de lui, chacun portant un signe distinctif de son organisation syndicale : bonnets jaunes, casquettes vertes ou rouges.

Les heurts ont provoqué un retard d'une heure et demie de l'ouverture du salon au grand public. Ce hall, le plus couru, a finalement été ouvert puis refermé, illustrant la confusion générale, et donnant lieu à des scènes étonnantes d'enfants goûtant du fromage à un stand à quelques mètres de CRS casqués.

Lors d’un point presse, puis de sa rencontre avec les manifestants, le président de la République a fait plusieurs annonces marquantes, qui restent à être éclaircies, notamment un «plan de trésorerie d'urgence», ainsi que des «prix plancher» pour les agriculteurs.

 

Plan de trésorerie, «prix plancher»

En conférence de presse, Emmanuel Macron a annoncé que les sanctions prononcées envers l'aval pour non-respect des dispositions d'Egalim seraient «reversées au monde agricole» pour financer des mesures de trésorerie. Il a annoncé qu'une réunion était prévue à cet effet avec les banques et les représentants de plusieurs secteurs dont l'agriculture, pour élaborer un «plan de trésorerie d'urgence».

Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi sur les relations commerciales annoncé par le gouvernement quelques jours plus tôt, Emmanuel Macron a appelé à ce que «l'indicateur devienne le prix plancher». Face à une trentaine de manifestants, il a répété : «D'ici trois semaines, il y aura un prix minimum, un prix plancher en dessous duquel le transformateur ne pourra pas acheter, et le distributeur ne pourra pas vendre.»

Son cabinet a assuré à la presse que ce «prix plancher» serait «opposable», sans préciser la nature de la mesure, ni sa compatibilité avec le droit de la concurrence. Trois jours avant l'ouverture du Salon, le Premier ministre avait dévoilé ce projet de nouvelle loi Egalim, incluant trois mesures dont «la construction du prix en marche avant» et «la place des indicateurs [qui] doivent être plus centraux».

 

«Intérêt général majeur de la nation»

Le président de la République a aussi annoncé s'être engagé à inscrire dans la loi «notre agriculture et notre alimentation comme un intérêt général majeur de la nation française». Lors d'une rencontre avec une trentaine de manifestants, Emmanuel Macron a précisé que les agriculteurs pourront «s'appuyer (sur ce principe, ndlr) face au juge, parce que c'est un métier essentiel. On pourra l'opposer». S'exprimant plus tard sur les usages de l'eau, il a également déclaré : «Je vais poser un principe simple, on va prioriser l'usage agricole et alimentaire sur les autres.»

La notion d’«intérêt général majeur» avait été introduite au sujet des projets agricoles de stockage d'eau dans la PPL Compétitivité de la ferme France des Républicains, puis reprise dans un avant-projet de loi d'orientation agricole, avant d'en être retirée. La portée d'une telle mesure serait relativement faible, selon les juristes.

Lors de son allocution, Gabriel Attal avait, quant à lui, annoncé que l'agriculture serait inscrite, en préambule du Code rural, comme un «intérêt fondamental de la nation».

 

«Droit à l'erreur» pour les agriculteurs

Lors de sa rencontre avec les manifestants, le président de la République a aussi annoncé la mise en place d'un «droit à l'erreur» pour les agriculteurs. «Cela n'a pas été fait dans le monde agricole. On a mis tellement d'exceptions que cela n'a pas été fait», a rappelé le président de la République, qui n'a pas précisé dans quels domaines ce «droit à l'erreur» s'appliquerait.

Dans un communiqué paru le 22 février, la députée LR Anne-Laure Blin a annoncé avoir déposé une proposition de loi visant à créer un «véritable droit à l'erreur» lors des contrôles d'exploitations agricoles. Depuis l'échec de la loi Essoc en agriculture, un «droit à l'erreur» a été mis en place avec la nouvelle Pac pour certaines aides. Mais la députée souhaiterait étendre le droit à l'erreur «en matière environnementale», citant les exemples de l'eau et des haies.

 

Dérogation et séparation vente/conseil

Le président de la République a également annoncé «des engagements pour limiter les délais» d'accord de dérogations provisoires à l'usage de pesticides non-autorisés, et à «déconcentrer» ces décisions. Emmanuel Macron est revenu sur le cas de la lutte contre Drosophila Suzukii, pour laquelle une dérogation de 120 jours avait été accordée à compter du 1er avril 2023 pour du Cyantraniliprol : «Pour Drosophila Suzukii, on a donné la dérogation un mois trop tard», a estimé le président.

Emmanuel Macron est également revenu sur la séparation de la vente et du conseil des pesticides, et l'annonce faite le 1er février par Gabriel Attal de la «suppression du conseil stratégique (sur les pesticides, CSP) dans sa forme actuelle». «Ce n'est pas celui qui vend les produits phytosanitaires qui peut faire le conseil», a-t-il déclaré, semblant fermer la voie à une suppression de la séparation de la vente et du conseil. Et de reconnaître, au sujet du CSP : «Aujourd'hui, c'est une usine à gaz. Filière par filière, territoire par territoire, nous allons chercher la méthode. Ça peut être la coopérative, ça peut-être la chambre.»

Le 17 janvier, le ministre de l'Agriculture avait acté l'échec de la séparation vente/conseil : «Ça partait de bonnes intentions, mais ça ne marche pas, les agriculteurs manquent de conseil», a-t-il déclaré à l’occasion des Rencontres du biocontrôle d’IBMA (fabricants), à Angers.

 

«Bâtir un plan d'avenir» à 2040

Enfin, le président de la République a annoncé qu'il réunira les syndicats agricoles, les représentants des filières et les parties prenantes, à l'Élysée dans «trois semaines», pour «bâtir un plan d'avenir agricole à 2040, français et européen, à décliner par filière et par territoire avec des contrats d'avenir». Une initiative qui, avec l'ensemble des annonces du jour, n'est pas sans rappeler les premiers mois du premier mandat d'Emmanuel Macron en 2017, avec la demande de plans de filières à chaque interprofession, la promesse d'un «juste prix», qui «partira du coût de production», puis d'un «droit à l'erreur» avec la loi Essoc.

Les lois Egalim avaient abouti à une obligation de «prise en compte» du coût de production agricole par les acheteurs, et à un principe de «non-négociabilité» de la matière première agricole avec la grande distribution.

 

Fin de parcours sous les huées

Après les annonces, le président Emmanuel Macron a déambulé tout l’après-midi derrière un cordon de sécurité massif, mais pas à l'abri du vacarme des sifflets et des insultes de centaines d'agriculteurs, à la fois ulcérés par sa présence et demandeurs d'actes concrets pour améliorer leurs conditions de travail. Le chef de l'État a goûté du miel du pays d'Auge, du fromage de Haute-Savoie, serré des mains et répondu aux interpellations, l'air quasi imperturbable, mais sa voix était régulièrement couverte par le vacarme et le programme initial complètement bouleversé par une pagaille inédite.

Il était protégé par des dizaines de CRS équipés de boucliers qui, dans des heurts ponctuels, ont repoussé les manifestants à une cinquantaine de mètres de lui. Trois personnes ont été interpellées pour des violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, selon le parquet de Paris, puis relâchées ; elles seront convoquées ultérieurement.

«Je préfère toujours le dialogue à la confrontation», a asséné le chef de l'État. «Je suis en train de vous dire que le boulot est fait sur le terrain, on a repris les copies, on est en train de faire toute la simplification», a-t-il défendu. «Tant que ce n'est pas concrétisé dans les cours de ferme, on sera sur votre dos», lui a répondu un agriculteur.

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