Epandages et pollution : l’avis de l’Anses attendu
Alors que certaines associations entretiennent une polémique sur le lien entre épandages d’intrants, pollution et Covid-19,
la profession agricole demande un avis officiel des autorités sanitaires.
Le 7 avril, l’association «Respire» a d’une certaine manière «mis le feu aux poudres» en déposant un référé-liberté devant le Conseil d’Etat pour réduire les épandages agricoles et la pollution de l’air pendant toute la durée de la pandémie. Elle lui demande en effet à d’enjoindre le Premier ministre, le ministre de la Santé et le ministre de l’Agriculture, de faire appliquer, pendant toute la durée de la pandémie de Covid-19, la même réglementation que celle en cours durant les pics de pollution. Selon cette association, «il a été observé, tout au cours de la période écoulée, de forts niveaux de pollution aux particules fines. Or ces particules, lorsqu’elles ne viennent pas de la pollution industrielle ou automobile, ont une autre source : l’activité agricole.» Sont particulièrement visées, les émissions d’ammoniaque, issues des épandages d’engrais et de lisier.
Dans le même temps, une association bien connue pour le peu de sympathie qu’elle porte au monde agricole, Générations Futures, s’indignait que des épandages puissent encore avoir lieu dans les champs en période de confinement. Pour cette ONG, les riverains de zones agricoles subiraient une double peine depuis le confinement en étant obligé de rester chez eux, fenêtres et portes fermées. Et demandait ainsi «à l’ensemble des syndicats agricoles de s’engager volontairement à demander à leurs adhérents d’éloigner les pulvérisations de pesticides des domiciles des riverains de zones cultivées».
Une réponse attendue l’Anses
Du côté de la profession agricole, ce sont des propos qui ont évidemment bien du mal à passer. Le 8 avril, en direct sur la radio France info, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, répondait à une question sur ce sujet : «Je pense qu’il faut que les scientifiques s’expriment pour contester les données utilisées. J’ai lu avec beaucoup d’attention ce qui a été publié par l’Anses et Atmo. Ce que l’on constate, c’est que la pollution a fortement diminué. La responsabilité de la pollution par l’agriculture est de 5 %. Si la pollution a diminué, alors que les travaux agricoles continuent, c’est qu’il n’y a pas une responsabilité forte du secteur agricole. J’attends que l’Anses réponde avec des arguments scientifiques.» Épidémie de Covid-19 ou pas, les associations environnementalistes n’ont que faire de ce contexte, et au contraire, en profitent pour partager leurs discours anxiogènes.
Eviter les amalgames
Ainsi, le 3 avril dernier, c’est en Gironde que deux associations demandaient la suspension des pulvérisations, notamment sur les communes viticoles. Le collectif Info Médoc pesticides et Alerte aux toxiques ont d’abord demandé à la préfète de Nouvelle-Aquitaine «que les pulvérisations de pesticides de synthèse soient suspendues, car considérées comme non essentielles et aggravant la détresse respiratoire des personnes malades du Covid-19». Les deux associations s’appuient sur les déclarations d’un collectif de médecins et de chercheurs qui a appelé l’État à «limiter drastiquement» les épandages de pesticides de synthèse. «Le Covid-19 se transmet par l’humain, pas par l’air», a répondu la préfète, dénonçant «un amalgame entre pesticides et propagation du
Covid-19». Quelques jours plus tard, les deux associations sont revenues à la charge (le 6 avril) dans un nouveau communiqué, accusant la préfète d‘avoir choisi de «protéger les intérêts économiques de la viticulture bordelaise» et non «la santé des concitoyens». Elles veulent s’adresser «également aux professionnels viticoles pour qu’ils bannissent si ce n’est déjà fait les pesticides de synthèse classés cancérigènes, mutagènes reprotoxiques, perturbateurs endocriniens et SDHI». Elles ont appelé enfin «les habitants exposés aux pulvérisations de pesticides à faire preuve de tolérance zéro face à des comportements de nature à mettre leur santé en danger».