Eppeville : Saint Louis Sucre confirme l'arrêt de l'usine
Lors de la réunion du Comité social d’entreprise (CSE) central, le 2 avril, à Paris, Saint Louis Sucre a présenté son projet de restructuration aux représentants des salariés. La CGB appelle à manifester, ce vendredi devant l’usine de conditionnement de Roye.
Persiste et signe. Eppeville, Cagny et Marseille restent au cœur du projet de restructuration du groupe Südzucker en France. L’arrêt de la production de sucre du site d’Eppeville est donc confirmé au premier semestre 2020, ainsi que celui de la production d’alcool de sa distillerie. L’activité de la sucrerie sera recentrée sur le stockage du sucre, sirop et mélasse, de même que sur celle de la déshydratation des pulpes. L’activité du centre de stockage d’Aulnois, dans l’Aisne, est également suspendue et rattachée à Eppeville. Enfin, l’essentiel des activités arrêtées seront transférées vers les deux sites de Roye (sucrerie et conditionnement), distants de 25 km.
Côté emploi, dix postes de travail seront maintenus sur le site d’Eppeville pour les activités de déshydratation et de stockage, ainsi que neuf postes de travail pour l’usine, et vingt-sept postes de travail pour les services centraux. L’industriel s’engage à proposer un poste équivalent à Roye Sucrerie ou Roye Conditionnement pour les soixante-seize salariés de la production, assurant qu’il n’y aura «aucun impact sur l’emploi», selon un communiqué du 2 avril, envoyé peu après la réunion du comité social d’entreprise central, à Paris. L’entreprise promet, enfin, des mesures d’accompagnement adaptées aux attentes des salariés concernés, à savoir soit des mutations, des reconversions professionnelles ou des cessations anticipées d’activité. Les documents concernant la restructuration seront présentés aux partenaires sociaux lors de la réunion d’information et de consultation du CSE central, le 25 avril prochain.
Ajustement des volumes
Pour ce qui concerne les betteraves traitées, «elles le seraient à Roye, avec un ajustement de volumes. Quant aux betteraves de Cagny, une partie d’entre elles, principalement cultivées dans l’Eure, seraient traitées par la sucrerie d’Etrépagny. Dans ce futur périmètre industriel, Saint Louis Sucre optimisera au maximum les capacités des sucreries d’Etrépagny et de Roye. Le souhait de l’entreprise est de permettre au plus grand nombre de planteurs de poursuivre la culture de la betterave», assure-t-elle. On appréciera l’utilisation du temps conditionnel des verbes dans le communiqué.
Qui dit ajustement des volumes dit volumes en moins. Si une partie de la production réalisée par les 1 268 planteurs fournissant le site d’Eppeville sera bel et bien reprise sur le site de Roye, cela ne sera pas le cas pour la totalité. Sans compter que les choix opérés par Roye auront également un impact sur les planteurs qui fournissent directement ce site. Comment se fera la répartition ? Quels planteurs resteront sur le carreau ? Autant de questions auxquelles l’industriel ne répond pas.
La CGB appelle à manifester à Roye
Si les planteurs sont remontés à bloc, le syndicat betteravier l’est tout autant à propos du prix des betteraves de 2018 (cf. article ci-dessous), «à des niveaux inadmissibles et incompréhensibles», considérant que ces prix sont «une véritable tromperie depuis deux campagnes. Trop, c’est trop». Et d’ajouter dans son tract signé par la CGB et les syndicats betteraviers de la Somme, Aisne, Oise, Eure, Ile-de-France et Calvados-Sarthe-Orne : «Nous demandons à Saint Louis Sucre une révision des prix de nos betteraves 2018 et un nouvel acompte sous quinze jours.» Aussi entre ces prix et la décision de fermer les sites, ils appellent à manifester devant l’usine de conditionnement de Saint Louis Sucre, à Roye, ce vendredi, de 10h à 13h.
«Nous sommes proches d’une situation de rupture. Un tel mépris du fabricant de sucre renforce et justifie toute notre détermination à travailler pour un véritable avenir de notre production, pour trouver des solutions alternatives et viables aux fermetures d’usine, (…) pour de réelles perspectives avec, ou sans Südzucker-Saint Louis Sucre», ajoutent-ils dans leur tract.
Une montée en pression à laquelle s’attendait sans doute l’industriel au vu des déclarations du président de Saint Louis Sucre, reprises dans le communiqué du 2 avril. «Nous avons besoin de notre environnement économique. Nous comptons en particulier sur nos représentants politiques pour ne pas fragiliser la situation de notre entreprise et des salariés qui, demain, continueront d’y travailler. Nous comptons sur les parlementaires européens pour défendre la filière sucre en fixant un cadre réglementaire propice à une concurrence saine et loyale», demande le dirigeant de la filiale. Une mise en garde déguisée qui ne peut qu’ajouter de l’huile sur le feu.
Prix des betteraves : la CGB grince des dents
Suite aux acomptes sur les prix de betteraves versés par Cristal Union, Saint Louis Sucre et Tereos, la CGB demande des comptes aux groupes sucriers.
Que ce soit dans la plaine ou dans les syndicats betteraviers, la colère est à son comble. Certes, les uns comme les autres ont bien conscience des difficultés liées à des marchés du sucre au plus bas, et à des volumes de production qui n’ont pas toujours été au rendez-vous dans certains secteurs lors de la campagne, mais un sentiment de stupeur et d’incompréhension domine parmi les agriculteurs face à des versements en repli a minima de 500 €/ha.
«Au-delà de la crise sans précédent que traverse le marché du sucre, c’est le révélateur de pratiques contractuelles qui doivent être revues pour permettre aux agriculteurs de pouvoir gérer leur exploitation et continuer à cultiver de la betterave en confiance avec leur groupe sucrier. Des explications doivent être données et des solutions trouvées», réclame la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB). A court terme, pour elle, l’urgence doit porter sur la trésorerie des exploitations. Ensuite, c’est à une contractualisation plus robuste à laquelle il faut s’attaquer, ainsi qu’à l’élaboration d’un véritable contrat type, bâti et reconnu au niveau interprofessionnel.
Des conditions inacceptables
Et le syndicat d’égréner au cas par cas la situation des différents sucriers. «Saint Louis Sucre, sans jamais ouvrir la porte à une négociation réelle avec les planteurs, annonce des conditions de rémunération inacceptables faisant des agriculteurs la principale variable d’ajustement», dénonce le syndicat. Selon nos informations, Saint Louis Sucre paie à 13,92 € en betteraves entières (soit 14,97 € en appliquant le forfait de décolletage des autres groupes), et remet à une date ultérieure un versement de supplément de prix éventuel.
Cristal Union, il y a un an, «est revenu sur ses engagements de prix. Et pour les betteraves qui sont en train d’être semées, les contrats ne comportent toujours pas d’indication sur les modalités de leur rémunération laissant les agriculteurs dans l’inconnu», s’étrangle le syndicat. Cristal Union a versé 22 €.
Enfin, le groupe Tereos a versé «en dernière limite et sans prévenir un acompte de 6,50 €/t par rapport à l’an dernier alors que les engagements d’apports des betteraves n’ont pas changé», affirme la CGB. Une fois cela dit, Tereos affirme finir à 25 €, dividendes compris.
Pour le syndicat, la capacité de résistance de la filière est désormais atteinte. Aussi la CGB demande-t-elle que les solutions qu’elle défend en matière de contrats, de gestion des risques et de compétitivité soient prises en compte. Affaire à suivre.
F. G.