Europe : stabilisation du revenu agricole par actif
Selon la Commission européenne, la valeur de la production agricole de la ferme européenne augmenterait d’ici 2030.
La Commission européenne dresse un panorama de l’agriculture européenne à l’horizon de 2030 dans une étude de 124 pages intitulée «EU Agriculture outlook, for markets and income, 2018-2030». Elle se livre chaque année à cet exercice, mais l’édition 2018 revêt un caractère particulier puisque la prochaine réforme de la Pac va bientôt être débattue. Et de nouvelles orientations devront être prises. Or, les prévisions économiques de la commission sont établies dans le prolongement des tendances observées les années passées, sans même intégrer l’impact de la transition agro-écologique de l’agriculture européenne. Elle est juste évoquée.
En fait, l’agriculture européenne simulée à l’horizon de 2030 est complètement inscrite dans la mondialisation. Les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes, face aux lois du marché, alors que les autres grands pays exportateurs renforcent leur politique agricole. D’ici 2030, la valeur de la production agricole de la ferme «Union européenne» augmenterait en volume, et surtout en valeur (exemples de prix pris en référence : 195 €/t pour le blé, 395 €/t pour le lait) par rapport aux années 2016-2018.
Un mix de produits à plus forte valeur ajoutée contribuerait essentiellement à la hausse du chiffre d’affaires des fermes européennes. Toutefois, la valeur de la production agricole des treize pays européens, qui ont rejoint l’Union européenne en 2004, sera encore, dans douze ans, cinq fois inférieure à celle des quinze pays occidentaux. Le taux annuel de croissance de la production agricole de 2,7 % ne suffira pas pour compenser les écarts de richesses produites entre l’ouest et à l’est du continent.
Par ailleurs, la hausse attendue du chiffre d’affaires de la ferme européenne serait juste suffisante pour compenser celle des coûts de production. Ces derniers devraient augmenter de 2 % environ par an d’ici 2030 tirés par les prix de l’énergie et, par conséquent, des engrais et des carburants. En conséquence, le revenu par actif européen serait stable en termes réels. Mais sans prendre en compte la baisse du nombre d’actifs agricoles, il serait inférieur de 20 %, en 2030, par rapport aux années 2016-2018. Autrement dit, les gains de productivité et la valeur supplémentaire de la production agricole ne profiteraient pas à l’agriculture européenne.
Le bio «ne sera pas le Pérou»
D’ici 2030, l’agriculture biologique sera encore en Europe, une filière de production plus riche en emplois que l’agriculture conventionnelle, mais pas forcément plus rémunératrice. Par ailleurs, les pays européens ne seront pas sur le même pied d’égalité. Mises bout à bout, les charges de production par hectare des exploitations en bio sont supérieures à celles des exploitations conventionnelles en France et en Allemagne de 400 € à 500 €/ha. Mais en Autriche et en Pologne, produire en bio coûte moins cher. La différence de charges porte sur 500 € en Pologne.
L’interaction de plusieurs facteurs explique ces différences. Tout d’abord, le coût de la main-d’œuvre est plus élevé en France qu’en Allemagne et, bien sûr, qu’en Pologne. C’est un facteur déterminant. Les charges d’exploitation d’un hectare agricole en bio s’élèvent en moyenne, en France à 2 100 €, contre 1 800 € en Allemagne et 700 € en Pologne. Dans un environnement concurrentiel, les exploitations bio avec des salariés à rémunérer seront donc économiquement plus vulnérables si les prix des produits vendus ne sont pas suffisamment rémunérateurs. Les salaires sont des charges fixes. Or, en Pologne, la main-d’œuvre est familiale et sa rémunération plus flexible. Enfin, l’agriculture bio polonaise et autrichienne valorisent des conduites de systèmes déjà très extensifs. Par conséquent, les charges baissent, car la consommation en intrants est plus faible.