Farmr. : un nouveau réseau pour les agriculteurs
Conscients de l’isolement et du besoin d’échanges
des agriculteurs, Thomas Camboulive et Baptiste Létocart lancent un réseau social formaté pour tous les producteurs français qui voudront bien les rejoindre, Farmr.
C’est dans leur toute jeune vie qu’il faut aller chercher cet intérêt pour la campagne. Né à Paris, Thomas Camboulive a vécu de nombreuses années dans un petit village de la Sarthe, où il a appris à aimer les territoires ruraux. Quant à Baptiste Létocart, il est originaire de Bulles, dans l’Oise, où ses grands-parents étaient agriculteurs. Sa famille maternelle est composée d’agriculteurs, et il a gardé des liens très fort avec ce milieu. Thomas et Baptiste se sont rencontrés à l’Ipag Business school, sont devenus amis et ont passé de nombreux week-ends à Bulles.
«On a alors fait le constat de l’isolement des agriculteurs. Autrefois, ils pouvaient se rencontrer chez les commerçants, au café du village. Maintenant, tous les villages se sont vidés de leurs activités, et les agriculteurs se sont retrouvés isolés dans leur corps de ferme. On s’est demandé ce qu’on pouvait faire pour créer du lien entre eux», explique Baptiste Létocart.
L’idée a alors germé de créer une plateforme numérique gratuite, un réseau social dédié aux agriculteurs. «Les agriculteurs sont plutôt connectés puisque, selon l’une des rares études sur le sujet, 80 % d’entre eux vont quotidiennement sur Internet et 30 % sont sur Facebook ou Twitter», confirme Thomas Camboulive. Mais, sur Facebook, ils ne sont pas identifiés comme agriculteurs, et font plutôt partie de groupes fermés sur des thématiques agricoles qui les rassemblent.
Transparence et confiance
«Nous, ce que nous voulons proposer, c’est un réseau qui ne regroupe que des agriculteurs qui sont parfaitement identifiés. Sur Farmr., pas de pseudo, chacun décrit son exploitation, ses productions, se géolocalise. Et pourra ainsi entrer en contact avec d’autres exploitants répertoriés selon leurs productions et leur localité», détaillent les jeunes startuppers. L’inscription est totalement gratuite. «Nous refusons de proposer un service payant, avec un abonnement à la clé, car c’est souvent le cas des applications numériques censées faire gagner de l’argent aux agriculteurs. Il faut d’abord payer. Nous, nous tablons sur la gratuité, la transparence, et c’est comme cela que Farmr. sera reconnu comme un réseau social de confiance.»
Car l’objectif du site est bien de créer du réseau social et de permettre aux agriculteurs d’établir des liens en partageant des expériences, en trouvant des intérêts communs, en recherchant des partenariats. Un exploitant peut se trouver face à un problème insoluble alors que, peut-être ailleurs, un autre a développé une solution qu’il pourrait lui soumettre. Comment faire s’il n’existe pas un lieu d’échanges et de dialogue direct ? C’est toute l’ambition de Farmr.
Afin que la crédibilité du site soit assurée, les deux créateurs sont particulièrement vigilants sur les profils des membres. Toutes les exploitations ont été répertoriées en recoupant des données publiques et, à chaque exploitation, peuvent être rattachées plusieurs personnes : les associés et les salariés. «La modération est très forte, car nous voulons que les membres soient clairement connus des autres et identifiables. Chacun doit assumer ses publications. C’est le prix à payer pour que la confiance s’instaure.»
Une concurrence avec Twitter ? «Non, nous sommes même membres de France Agritwittos. Farmr. vise à développer la communication entre agriculteurs alors que Twitter sert plutôt à communiquer auprès du grand public en montrant les réalités de l’agriculture actuelle», répondent Thomas Camboulive et Baptiste Létocart. D’ailleurs, Etienne F., éleveur laitier dans la Sarthe et «youtubeurre» bien connu, a salué la naissance du réseau social en posant avec une casquette siglée Farmr.
Et demain ?
Pour créer leur réseau social, Thomas et Baptiste ont levé des fonds auprès de leur entourage et de la BPI. Puis, pour assurer le lancement, ils ont mené une campagne de communication auprès de youtubeurs déjà connus et ont créé un réseau d’ambassadeurs agriculteurs qui testent le site et le promeuvent. Ils comptaient déjà deux cents inscrits au 30 juin, quatre jours après le lancement alors qu’ils commençaient leur campagne de presse. «Notre objectif est d’avoir cinq mille inscrits sur toute la France à la fin de l’année», confient les deux entrepreneurs. Parce qu’il est gratuit et est à la croisée de Facebook et de Linkedin, Farmr. devrait séduire les agriculteurs connectés. Déjà des partenariats gratuits sont en cours de discussions avec des groupes de presse pour que les membres aient accès directement aux informations qui les intéressent.
Quant aux fournisseurs de l’agriculture qui se montrent, bien entendu, très intéressés par ce nouveau média, Thomas Camboulive et Baptiste Létocart n’envisagent pas de leur ouvrir tout de suite les portes de Farmr. «Nous ne voulons pas de publicités sur notre réseau car, on l’a tous vu sur Facebook, les marques sont très fortes pour occuper le terrain. Alors qu’au départ, l’intérêt était de permettre aux consommateurs de dialoguer avec les marques, ce qui a permis de rééquilibrer les relations. A terme, c’est vers cela que nous voudrions tendre. Mais, pour l’instant, nous devons développer le réseau afin que les agriculteurs se l’approprient et en fassent un outil social numérique qui aboutisse à des rencontres dans la vraie vie ! Si Farmr. pouvait participer à cette grande mutation que vit l’agriculture, nous en serions extrêmement fiers», concluent en chœur Thomas et Baptiste. Alors, vous savez ce qu’il vous reste à faire ? Vous inscrire sur www.farmer.co !