Fécule : une campagne qui s’annonce difficile pour tous
L’usine Roquette de Vecquemont a repris du service
le 10 septembre, avec une semaine de retard par rapport à son planning initial. Point sur la campagne, les rendements attendus et la stratégie du groupe pour faire face à une année qui sera difficile.
Le démarrage de l’usine Roquette aurait dû se faire le 3 septembre dernier, à Vecquemont. Mais en raison des situations observées dans les champs de pommes de terre de fécule qui, eux aussi, ont très mal supporté la sécheresse de cet été, la direction a pris la décision de reculer l’ouverture de son usine une semaine plus tard, faute de rendements.
A contrario, le démarrage de l’usine s’est déroulé sous de meilleurs auspices par rapport à l’an dernier, où des fanes avaient entraîné des bourrages conséquents dans les rouages. «Un démarrage d’usine, ça toussote toujours un peu. Il faut de nouveau roder les machines et les personnes. Une fois cela dit, hormis quelques incidents mécaniques de peu d’importance, après une semaine de période de rodage, l’usine tourne bien», commente Arnaud Dupont, son directeur.
La sécheresse s’invite dans la campagne
C’est, en fait, dans les champs que cela a bien moins tourné. Après un mois de mai, avec de violents orages, ayant entraîné des glissements de terrain dans certains secteurs, puis un développement de végétation riche, la sécheresse, avec des températures particulièrement élevées entre le 20 juillet et le 5 août, a mis un coup d’arrêt au développement des tubercules.
Après cet épisode caniculaire, les températures ont enfin baissé, et quelques pluies sont tombées. Mais de nombreux cas de rejumelage sont apparus dans les parcelles, pénalisant, au final, les rendements et entraînant une diminution de la richesse d’amidon. Autre incidence du rejumelage : les pommes de terre de fécule ont tendance à devenir vitreuses. De ce fait, elles se conservent moins bien et peuvent endommager les silos.
Conséquence : les rendements devraient être autour de 40 t/ha alors que d’ordinaire ils atteignent, voire dépassent, les 50 t/ha, soit une baisse d’environ 20 % par rapport à la campagne 2017-2018, alors que les surfaces d’emblavement ont augmenté au cours de celle-ci de plus de 2 000 ha, soit 14 % de plus. «Cela faisait au moins dix ans que l’on n’avait pas eu des résultats aussi catastrophiques, voire vingt ans.
Structurellement, une année à 40 t/ha, c’est atypique, pour ne pas dire anormal», relève Arnaud Dupont, et ce, tant sur l’ensemble du bassin de production en France, que dans le Nord de l’Europe, où les rendements sont estimés entre - 25 et - 30 %.
Autre conséquence : malgré la hausse significative des surfaces d’emblavement, la campagne sera très courte. «Si, l’an dernier, nous avons terminé la campagne le 12 février, on pense, cette année, l’arrêter plutôt autour de la première quinzaine de janvier», regrette-t-il. Avant d’ajouter : «Les rendements n’étant pas au rendez-vous, la campagne s’annonce difficile pour les planteurs, mais aussi pour l’usine, sur le plan logistique, sans compter les problèmes de conservation qui vont se poser.»
Les volumes ne seront pas au rendez-vous
Seul lot de consolation : la situation étant la même sur tous les bassins de production, les prix devraient être plus intéressants, puisqu’il y a une corrélation entre le prix de la fécule et celui de l’achat des pommes de terre. Par ailleurs, à la différence de la filière de la pomme de terre de consommation, les planteurs ne sont pas tenus de fournir les volumes contractualisés. «Il n’y a aucune obligation pour nos adhérents de livrer la totalité du contrat signé. En fait, nous fonctionnons sur un contrat moral, qui est le suivant : toutes les pommes de terre de fécule qu’ils produisent doivent être livrées chez nous. Et, quand il y a du surplus, le prix payé est à l’identique de celui fixé pour le volume contracté», explique le directeur de l’usine. Si le prix final de la tonne par hectare est en cours de calcul, le prix d’acompte, lui, a été fixé à 60 e t/ha. S’ajouteront à ce prix des éléments complémentaires (prix d’achat de la fécule, tare terre, tare cailloux, etc.).
Pour l’usine, compte tenu que les volumes à traiter devraient baisser de 20 %, l’amortissement des frais fixes en pâtira à même hauteur, ainsi que les coûts de production. Quels leviers actionner pour limiter la casse ? «Notre premier levier est celui du rendement. Pour que celui-ci soit optimum, on va diminuer la cadence de l’usine. Ensuite, pour toutes les variétés qui ont un intérêt supérieur, comme Kardal, par exemple, on va essayer de concentrer la logistique et leur réception à la période qui leur est dédiée», détaille-t-il. Pour ce qui est des frais fixes, dont le poste le plus important est la main-d’œuvre, les leviers d’action sont peu nombreux. Aussi la réflexion porte-t-elle sur diverses économies. Ainsi, au lieu de sous-traiter, durant l’interculture, certaines tâches de maintenance, les agents de maintenance se verront confier lesdites tâches. Ensuite, en cas d’absentéisme, plutôt que de faire appel à de l’intérim, l’usine s’appuiera sur le personnel présent. «Mais le levier principal, dans ces périodes difficiles, ce sera le prix de la fécule, qui devrait connaître un mouvement haussier au vu du contexte. La rareté fera la fermeté du prix», indique-t-il.
Et pour conclure sur une autre note positive, Arnaud Dupont ajoute : «La bonne nouvelle, c’est que l’an prochain, on devrait repartir de plus belle.» Dans tous les cas, la campagne 2019-2020 devrait être précoce, autrement dit, avec un démarrage au tout début du mois de septembre 2019. L’objectif à terme, ne bouge pas d’un iota : atteindre le million de tonnes à Vecquemont d’ici 2022.
Nouveauté
Aux deux déterreurs mis en place par la coopérative féculière de Vecquemont pour diminuer au maximum la tare terre (280 000 tonnes de pommes de terre ont été déterrées lors de la campagne précédente, ndlr), va être également proposé un épierrage, loué via un prestataire, pour l’enlèvement des silos. Sa fonction ? Retirer les pierres dans les silos de pommes de terre. Sa mise en place aura lieu en novembre, de façon expérimentale. L’opération, pilotée par la coopérative féculière, consistera à la mise à disposition de l’outil aux planteurs, mais après validation de cette dernière. Coût pour le planteur ? 1,80 €/t.
Chiffres clés
14 600 ha : surface d’emblavement répartie entre la Somme, l’Aisne, l’Oise et le Pas-de-Calais
80 km autour de l’usine : zone de chalandise
928 adhérents
61 € par t/ha : prix d’acompte
130 : temps plein à l’usine
95 : saisonniers embauchés pour la campagne
Stratégie variétale du groupe Roquette
«On est toujours à la recherche de la pomme de terre fécule idéale, à savoir, résistante aux maladies, supportant la sécheresse, ayant de bonnes capacités à la conservation, et, bien entendu, produisant de très bons rendements», commente Arnaud Dupont, directeur de l’usine Roquette de Vecquemont. Voilà pour le tableau idéal.
Outre cette recherche, Roquette souhaite travailler sur un autre axe variétal, intéressant à l’évidence pour les années à venir, pour ne pas dire demain, soit des variétés plus écologiques, comprenez ayant besoin d’un minimum de traitements, souvent indispensables pour lutter contre le mildiou. Parmi les essais réalisés par Roquette, dans cette perspective, une variété présente des résultats plus qu’intéressants. Il s’agit de Makhaï. «Elle est top en termes de résistance par rapport au mildiou. En revanche, pour l’heure, en ce qui concerne les rendements, c’est très moyen. De plus, cette année, dans nos essais, cette variété a présenté des tendances au rejumelage», commente Gwenolé Pasco, à qui a été confié l’intérim de la direction de l’approvisionnement pour un an et demi, une fois le directeur actuel, Bertrand Rault, parti à la retraite.
Parmi les autres essais conduits, plusieurs concernent les variétés phares de Roquette : Amyla, Producens et Kardal. Comme toujours, Amyla reste très appréciée, car elle produit de grosses pommes de terre. Producens, que l’on retrouve essentiellement sur la façade maritime, est toujours aussi intéressante pour l’importance de sa tubérisation. A noter, cependant, sa sensibilité au rejumelage. Enfin, Kardal, autre variété phare du groupe Roquette, a été, elle aussi, cette année, très sensible au rejumelage.
Pour accompagner toujours plus les planteurs dans le conseil agronomique, l’usine de Vecquemont a renforcé son équipe d’inspecteurs de cultures. Ils seront désormais cinq à être sur le terrain.