Fertilisation des céréales à paille : prendre en compte le phosphore et le soufre ?
Plus de deux cents techniciens étaient réunis, mardi 14 novembre dernier, à l’auditorium du Crédit agricole à Amiens, lors de la journée technique organisée par Arvalis.
Les céréales, comme toutes les graminées, sont très sensibles au statut de nutrition azotée. L’azote est, d’ailleurs, un facteur de croissance primordial pour les céréales à paille, mais ce n’est pas le seul. D’autres éléments, comme le soufre et le phosphore, jouent également un rôle dans la croissance et le rendement.
Lors de la journée technique céréales, mardi 14 novembre, à Amiens, Arvalis présentait le bilan de la campagne 2017 à l’ensemble des techniciens du nord de la France. L’Institut du végétal a également fait un point sur la fertilisation des céréales en dressant un bilan des enseignements de l’année et les ajustements à apporter ou non à la stratégie pluriannuelle.
L’outil CHN pour les essais
Côté fertilisation, Arvalis fait le constat suivant : face aux différences climatiques annuelles importantes, soit aux conditions météorologiques atypiques chaque année, les outils d’aide à la décision et les conseillers doivent être dans la capacité d’adapter leurs conseils. Arvalis annonce d’ailleurs travailler sur un nouvel outil CHN (Carbone hydrogène et azote). Un outil capable de modéliser l’ensemble des facteurs connus sur la valorisation de l’azote par la plante, mais aussi un outil qui permet d’interpréter et de comprendre les résultats d’essais et, à terme, d’anticiper les apports d’azote.
Ainsi, pour cette année, via cet outil, les résultats ont montré la possibilité de faire l’impasse du premier apport au tallage de l’azote à l’ouest du département présentant un reliquat azoté sortie d’hiver de 130 unités. Alors qu’à l’Est, faire l’impasse sur le premier apport était pénalisant, et ce, malgré un reliquat azoté sortie d’hiver de 70 unités. Cela s’explique en partie par le printemps sec dans ce secteur. L’idée est donc d’associer de plus en plus les données météorologiques au jour le jour aux outils, ou de trouver une stratégie passe-partout.
Phosphore et soufre à ne pas négliger
En phosphore et en soufre, les céréales sont relativement peu exigeantes. Toutefois, ces éléments de fertilisation ne sont pas à négliger. En effet, Arvalis remarque, à travers ces différents essais, que le soufre devient de plus en plus limitant, surtout lors de l’absence d’apport de produits organiques et minéraux. Ainsi, l’apport de soufre dans les parcelles peut augmenter le rendement jusqu’à 7, 8 qx/ha. Mais là également, difficile de donner des chiffres clés en termes d’apport. Arvalis annonce travailler de nouveau sur la grille actuelle d’évaluation du risque de carence sur les céréales à paille, en tenant compte de ces éléments. De plus, l’institut réfléchi de plus en plus à l’élaboration et la nécessité de réaliser un bilan soufré, comme pour l’azote.
En phosphore, de nombreuses parcelles sont aujourd’hui en carence. Or, la synthèse des essais menés montre que, pour toutes situations confondues, un apport de phosphore au tallage, notamment en sortie d’hiver, peut apporter environ 1 à 5 qx/ha supplémentaires dans les parcelles peu pourvues. Mais l’idéal reste l’apport de phosphore au semis, présentant un effet significatif évalué à plus de 2,5 qx/ha.
Enfin, «phosphore et soufre ne sont pas à ajouter automatiquement. Cela doit être fait au cas par cas avec l’appui d’une analyse de sol», conclut Thierry Denis, ingénieur régional chez Arvalis.
Alternatives au glyphosate
Dans la tourmente des médias, et au cœur des discussions au Parlement européen, le glyphosate sera-t-il encore autorisé demain sur le marché ? Nous devrions bientôt être fixés... Toutefois, d’après Arvalis, le retirer du jour au lendemain serait irrecevable. Les solutions alternatives étant manquantes à ce jour.
Arvalis a néanmoins travaillé sur diverses méthodes alternatives au glyphosate, ou plutôt pour une moindre utilisation. Ainsi, a été testé l’association de l’acide 2,4 Dichlorophénoxyacétique (Chardol 600, 1 l) et du glyphosate (Typy, 0,5 l/ha). Les résultats affichent une efficacité approchant les 95 % sur les repousses de colza, contre 70 % pour l’utilisation seule du produit à base du 2-4 D et 100 % pour le produit à base de glyphosate (Typy, 3 l/ha). Mais, de manière générale, «on observe des efficacités intéressantes du 2,4 D uniquement sur flores sensibles, soit crucifères, trèfles, phacélie, séneçon, repousses de tournesol et quelques vivaces comme le chardon», explique Anne-Sophie Colart, ingénieur régional.
Autre solution alternative testée, celle du roulage et de l’application d’un traitement au glyphosate dans les sept à quinze jours qui suivent. Les résultats obtenus montrent une efficacité significative de l’intervention mécanique avant traitement. En effet, l’association glyphosate et 2,4 -D affiche plus de 10 % d’efficacité en moyenne, et à 720 g/ha de glyphosate, c’est plus de 40 % d’efficacité qui est observé comparativement au traitement sans roulage au préalable.
Enfin, Arvalis teste l’efficacité des bioherbicides, et notamment le produit Beloukha, un acide pélargonique (attention, aujourd’hui il n’a pas encore d’usage «traitements généraux» pour application en interculture). Les résultats observés montrent une forte dépendance aux conditions climatiques, mais aussi au stade des adventices, un besoin de lumière et une meilleure efficacité sur les dicotylédones que sur les graminées.