Fièvre catarrhale : le ministère détaille la stratégie mise en place
Après la découverte d’un cas de fièvre catarrhale ovine dans l’Allier, le 11 septembre, le ministre de l’Agriculture a fait un premier point, le 17 septembre, sur l’évolution de l’épizootie et la stratégie à déployer pour limiter les pertes économiques.
Réunissant le 17 septembre les professionnels des filières d’élevage de ruminants, menacés par la découverte d’un foyer de fièvre catarrhale ovine (FCO) dans l’Allier, la semaine précédente, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a demandé à «être transparent, cohérent, pour traiter cette crise FCO et en sortir».
Une transparence nécessaire, en particulier pour rassurer les pays importateurs d’animaux vifs et limiter au maximum les pertes économiques liées aux difficultés d’exporter. Des tests PCR seront réalisés sur les animaux destinés à l’export, permettant de déterminer s’ils sont positifs ou négatifs à la maladie. La vaccination des animaux destinés à l’exportation étant obligatoire, l’Etat met à disposition des vétérinaires 1,3 million de doses, ce qui «couvre tout à fait les besoins nécessaires jusqu’à la fin de l’année pour assurer les exportations d’animaux vers les pays européens et les pays tiers», considère le ministre, qui s’appuie sur les données fournies par Interbev.
L’interprofession estime ainsi que près de 500 000 broutards restent à vacciner - deux doses de vaccin par animal. Les reproducteurs ovins et caprins doivent aussi être vaccinés. L’Etat prendra en charge la totalité des coûts de vaccination, soit 4 € par vaccin (1 € pour chacune des deux doses et 2 € de coût d’administration). Michèle Baudoin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO) estime, de son côté, que «le nombre de doses n’est pas suffisant, il va falloir bien cibler les animaux», même si elle reconnaît qu’il s’agit là d’une «première parade». La filière ovine, moins concernée par l’exportation mais plus sensible à la maladie (18 % de mortalité), reste, selon elle, convalescente à la suite du «traumatisme» de la dernière épidémie de FCO.
Une deuxième phase de vaccination est prévue pour préparer le retour des animaux à l’herbe, avec 900 000 doses supplémentaires, a précisé Marc-Henri Cassagne, directeur de GDS France (Fédération nationale des groupements de défense sanitaire).
Indemnisation et évolution du zonage
Le ministre poursuit en parallèle les négociations bilatérales pour rassurer les pays importateurs, principalement l’Italie et l’Espagne en Europe, la Turquie, la Tunisie et l’Algérie pour les pays tiers. Comme lors de la précédente crise de FCO, la France essaye ainsi de réduire le délai entre la vaccination et l’export de soixante jours (délai prévu par l’Union européenne) à dix jours.
Il sera cependant nécessaire d’indemniser les éleveurs, pour plusieurs raisons : pertes économiques liées au décès d’animaux, coût d’immobilisation des animaux sur les exploitations, dépréciation des animaux…
Trois sources de financement seront ainsi mobilisées : l’Union européenne, l’Etat, et le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) à hauteur de sa capacité contributive. Le ministère est, pour le moment, incapable d’estimer les pertes économiques liées à la FCO.
Par ailleurs, si la zone de protection et de surveillance mise en place 150 km autour de l’élevage touché n’avait pas changé au moment de la réunion, le ministère pourrait étendre la zone en fonction des résultats d’analyse prévus dans la soirée (cf. encadré).
Et le Sommet de l’Elevage, qui doit se dérouler à Cournon dans le Puy-de-Dôme du 7 au 9 octobre, pourrait finalement bien être touché par l’interdiction des rassemblements d’animaux. En attente des résultats des tests PCR de la zone, Stéphane Le Foll a déploré «de fortes présomptions que les animaux testés soient malheureusement positifs».
Les visites d’élevage prévues en marge du Sommet pourront néanmoins avoir lieu.
L’ensemble du territoire français est sous surveillance, et le zonage sera modifié toutes les semaines en fonction de l’évolution de la situation.
L’épizootie s’étend
De nouveaux résultats d’analyses rendus par le laboratoire de l’Agence nationale en charge de la sécurité sanitaire (Anses) ont confirmé, le 17 septembre, l’infection par la FCO de cinq nouveaux cheptels dans l’Allier, la Creuse et le Puy-de-Dôme. La mise en évidence de ces cas a conduit le ministère à étendre les zones réglementées autour des foyers concernés. Outre le périmètre de 20 km soumis à des mesures drastiques autour de l’exploitation infectée, la réglementation prévoit une zone de protection d’un rayon de 100 km et une zone de surveillance de 150 km.
REACTION
Jean-Michel Bonczak, Groupement de défense sanitaire de la Somme et de l’Oise
Fièvre catarrhale ovine : c’est reparti !
Quelle naïveté de penser qu’un virus tel que celui de la FCO ait pu disparaître après seulement deux campagnes de vaccination collective, probablement imparfaitement réalisées… De fait, plusieurs alertes (signes cliniques) ces dernières années laissaient à penser qu’il n’en était rien. Jusqu’ici, les autorités sanitaires «s’arrangeaient» plus ou moins avec la réalité, invoquant des niveaux de réaction faibles. Il est aussi probable que la peur des conséquences n’ait pas incité les éleveurs à déclarer des suspicions. Mais, cette fois-ci, c’est la bonne, la dérobade n’est plus possible. La maladie a donc été confirmée dans l’Allier sur un bélier malade, et des animaux prélevés sur un large secteur ont montré que le virus était bel et bien présent. Une première zone de limitation couvrant une vingtaine de départements
a été mise en place, et celle-ci pourrait s’étendre rapidement au retour des sondages que l’Etat diligente dans tout le pays. La FCO nous rappelle de mauvais souvenirs avec de nombreux foyers ovins, mais aussi bovins.
Les symptômes rassemblent hyperthermie, abattement, catarrhe (écoulements nasaux), œdèmes (tête, membres), avortements, stérilité (chez les mâles). Certains cheptels ovins ont payé un lourd tribut en termes de mortalité.
Et maintenant, que va-t-il se passer ? L’idéal serait que l’Europe (voire la communauté internationale) «rétrograde» la FCO en maladie banale (comme cela a été fait pour le Schmallenberg), mais cela est peu probable dans l’immédiat. La piste privilégiée sera sans doute à nouveau une vaccination obligatoire, sur plusieurs années cette fois. Les laboratoires producteurs devront relancer la production (stock limité, réservé en priorité aux animaux exportés).
Ils ont fait savoir que les premières livraisons pourraient intervenir en janvier.
Des pertes cliniques importantes avant l’hiver sont possibles. En 2007, un automne doux avait favorisé la diffusion du virus qui utilise, rappelons-le, les «services» de moucherons piqueurs. Dans ce scénario catastrophe, la profession pourrait actionner le levier du Fmse : la capitalisation est encore modeste, mais
ce recours enclencherait (théoriquement) la participation de l’Etat et de l’Union. Quant aux GDS, ils disposent de leurs propres fonds de secours et sauront soutenir les éleveurs (adhérents) en cas de problème, comme ils l’ont toujours fait.