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Filière avicole : quand le blé bio est transformé en aliment pour les poules

C’est l’histoire d’un cycle de production vertueux : un producteur dont le blé bio est transformé en aliment bétail, avant de revenir à l’exploitation pour nourrir les six mille poules pondeuses de son atelier.

Seuls les œufs vendus en direct sont calibrés et datés du jour par Emmanuel Rouyère.
Seuls les œufs vendus en direct sont calibrés et datés du jour par Emmanuel Rouyère.
© D. L.-C.



Emmanuel Rouyère, agriculteur à Lachaussée-du-Bois-d’Ecu, au nord de Beauvais (Oise), a depuis longtemps entamé la réflexion qui l’a amené à être aujourd’hui producteur en grandes cultures bio et aviculteur. C’est, en effet, dès 2010, qu’il convertit 50 ha de grandes cultures sur les 160 ha que compte l’exploitation. «Je n’ai jamais été très motivé par la course au rendement. Je crois que je m’ennuyais dans le système conventionnel. Le bio et le défi technique qu’ils représentent me stimulaient, mais je pensais que mon exploitation était trop grande pour passer au bio», témoigne l’exploitant.
A la recherche de matière organique pour compenser l’interdiction d’utilisation d’engrais, Emmanuel Rouyère pense tout de suite à un élevage. Il se rapproche alors de la Seppa (Société européenne de production de poules alternatives), un centre de conditionnement d’œufs installé à Breteuil. A l’époque, la consommation d’œufs alternatifs commence à augmenter et, parmi les centres de conditionnement qui recherchaient de nouveaux producteurs (Matines, Cocorette), Emmanuel Rouyère fait le choix de la Seppa, «dont le dirigeant était très motivé», et se lance, dès le départ, en bio. Depuis, la Seppa a été reprise par ONE, un groupe privé qui a racheté Cocorette depuis.

Introduction de nouvelles cultures
Emmanuel Rouyère introduit de nouvelles cultures dans son assolement, la rotation est plus large pour lutter contre les adventices. Triticale, épeautre, chicorée, luzerne… font leur entrée sur l’exploitation, qui compte également un atelier de trente vaches allaitantes limousines. Et donc un poulailler accueillant six mille poules pondeuses bio.
Mais l’exploitant est d’abord polyculteur. A une date où les semis de blé sont généralement terminés, il commence à semer ses premières parcelles : des variétés comme Alezio, Actidus, résistantes aux maladies, peu gourmandes en engrais, à une densité de 340 grains
au mètre carré. «En bio, il est difficile de trouver des variétés. Il n’y a pas de véritable méthode d’homologation de variétés adaptées à la conduite bio», déplore Emmanuel Rouyère. Semées tard, les parcelles subissent moins de salissement. Les semences sont juste traitées au vinaigre contre la carie du blé.

Un aliment adapté aux poules bio
Emmanuel Rouyère n’utilise pas directement son blé bio pour nourrir ses poules pondeuses, car ce n’est pas un aliment correspondant aux besoins des poules pondeuses. Il vend son blé à l’usine Novial, installée au Plessier-sur-Saint-Just, dédiée à la fabrication d’aliments pour poules pondeuses bio. Il achète ensuite à l’usine un aliment complet à 560 e/t, deux fois plus cher que l’aliment conventionnel, dont les poules consomment 125 à 140 g par jour, en quatre repas. «Les poules disposent de 2,40 ha de prairies. Elles sortent en journée et rentrent à la nuit. Pour pondre, elles doivent avoir 16h de lumière et 8h d’obscurité par jour. Les volets du poulailler sont automatisés pour garder la chaleur, tout en maintenant la ventilation idéale. Les aliments sont distribués grâce à une chaîne, et tout doit être consommé. Mes poules pondent quarante mille œufs par semaine, soit un taux de 90 % de ponte. Une zone de ponte, sombre et confortable, est installée en hauteur dans le poulailler, et c’est un tapis roulant qui ramène les œufs dans une pièce attenante, où ils seront calibrés en fonction de leur poids», détaille l’exploitant.
80 % de la production est vendue à la Seppa, le reste en vente directe, dans des magasins spécialisés ou grâce à un distributeur installé à Lachaussée-du-Bois-d’Ecu, sur l’exploitation. «Vu que notre village est un peu en dehors des grands axes routiers, je n’y croyais pas trop. Mon épouse a insisté et, finalement, nous écoulons mille œufs par semaine. Le distributeur automatique sera payé en cinq ans !», s’étonne Emmanuel Rouyère.
«Au bout d’un an, le lot de poules est changé, avant un vide sanitaire obligatoire. Nous sommes extrêmement contrôlés, notamment pour la salmonelle tous les quinze jours. Je suis globalement très satisfait du choix que j’ai fait. En 2020, la totalité de mon exploitation sera convertie au bio, et mon fils s’interroge sur la construction d’un second poulailler. Produire des œufs avec de l’aliment complet élaboré à partir de mon blé bio, c’est vraiment une économie circulaire vertueuse. Je remercie tous les jours les consommateurs qui choisissent de manger des œufs bio. Pour nous, producteurs, c’est extrêmement valorisant de répondre à une demande forte», conclut, dans un sourire, Emmanuel Rouyère.

Au Plessier, Novial «mitonne» pour les poules pondeuses bio

Après avoir produit simultanément de l’aliment conventionnel et du bio, l’usine Novial du Plessier-sur-Saint-Just est uniquement dédiée au bio depuis le printemps 2018. Jean-Loup Stérin, le directeur commercial, s’en réjouit : «De 26 000 tonnes d’aliments bio par an, nous sommes passés à presque 30 000 tonnes, et la demande continue de croître.» Les poules sont nourries grâce à des aliments composés pour répondre parfaitement à leurs besoins.
Céréales bio produites localement dans la mesure du possible, comme le blé d’Emmanuel Rouyère, protéagineux, tourteaux d’oléagineux non-OGM, minéraux (phosphore et calcium) provenant de carrières naturelles, vitamines et oligo-éléments auxquels une huile de soja bio assure un apport énergétique complémentaire et une meilleure appétence de l’aliment. «Les céréales assurent la fourniture d’énergie à la poule, les minéraux permettent la formation de la coquille, et les protéagineux contribuent au développement musculaire», résume Jean-Loup Stérin.
L’usine est entièrement automatisée et les différents ingrédients sont pesés, plus ou moins broyés et mélangés avant d’être livrés en vrac aux éleveurs comme Emmanuel Rouyère, ou ensachés dans une autre usine du groupe qui en possède six. Tout le procédé est extrêmement contrôlé : analyses de chaque lot entrant et sortant, traçabilité, cahier des charges, audit… «La difficulté est de trouver à proximité les matières premières bio qui entrent dans la composition de nos formulations», explique Pierre Koseda, le directeur du site. Avis est donc lancé à ceux qui voudraient se convertir au bio : leur blé fera l’aliment qui fera l’œuf.

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