Filière porcine : comment peut-elle tirer son épingle du jeu ?
La filière porcine en Hauts-de-France ne manque pas d’atouts, mais elle a aussi des faiblesses. Quels sont les freins et les enjeux auxquels elle doit faire face demain ?
Si 2017 a permis aux producteurs de porcs de reprendre leur souffle, Paul Aufray, président de la Fédération nationale porcine (FNP), rappelait, en septembre dernier, que la situation pour les éleveurs était «fragile depuis des années. Malgré une bonne année 2017, les éleveurs n’ont pas pu faire de réserves» pour supporter une nouvelle crise. Un contexte auquel n’échappe pas la filière dans les Hauts-de-France.
En revanche, si la peste porcine africaine (cf. encadré) ne touche pas le territoire pour le moment, l’épidémie représente cependant «une épée de Damoclès pour la filière», commente Eric Bettens, directeur de Cobevial. «Pour éviter tout risque, on essaie de sensibiliser tous nos acteurs. Nous sommes aussi en relation avec les DDPP, les EDE et les fédérations de chasseurs pour assurer une veille permanente sur le sujet. Même s’il n’y a aucun cas déclaré, il faut rester vigilant», ajoute Gwendoline Desailly, directrice de l’URGPP - InterPorc Nord Picardie.
Etat des lieux
Avec 576 100 porcins et une production de 1,1 million de porcs en 2017 (soit 4,3 % de la production nationale), les Hauts-de-France représentent la cinquième région française productrice de porcs. 655 élevages de plus de cinquante truies ou plus de cent places d’engraissement sont répertoriés (54 % dans le Nord, 30 % dans le Nord-Pas-de-Calais, 9 % dans la Somme, 6 % dans l’Aisne et 1 % dans l’Oise). «Toutes tailles confondues, le nombre d’élevages grimpe à 997, mais ce chiffre comprend des particuliers détenant quelques porcs», précise Gwendoline Desailly.
La taille des exploitations est, quant à elle, de 145 truies en moyenne (189 à l’échelle nationale, ndlr), en sachant qu’elle se situe plutôt autour de 140 truies dans le versant nord et de 170 dans le versant sud (ex-Picardie), soit des élevages de taille humaine. Le modèle dominant est l’exploitation de type engraisseur ou post-sevreur engraisseur, avec 332 sites (50,69 %) dans la région, suivi de l’exploitation de type naisseur engraisseur (280 sites, soit 42,75 %).
Une filière fragilisée
Si le cheptel se maintient, voire croît légèrement, avec même une légère augmentation de la production, le nombre d’élevages porcins a, lui, diminué drastiquement en trente ans, soit de 95 %, puis de 60 % depuis ces treize dernières années. En revanche, depuis trois ans, la chute s’est fortement ralentie avec une baisse de 8 %, élevages tous porcins.
Outre un contexte économique difficile, cette chute des effectifs s’explique aussi par le vieillissement de la population d’éleveurs, et une relève qui est à la peine, même si des installations sont enregistrées. «Souvent, les fils d’éleveurs de porcs reprennent la partie cultures de l’exploitation, mais pas l’atelier porc. En plus, les installations hors cadre familial ne sont pas nombreuses», indique Gwendoline Desailly. Dans tous les cas, cette diminution récurrente du nombre d’élevages porcins induit des effets de seuil de viabilité, notamment pour les opérateurs de mise en marché.
Autre difficulté : les abattoirs régionaux sont de moins en moins nombreux, d’autant avec les récentes fermetures de ceux d’Hazebrouck, Douai et Laon. Seulement 40 % des porcs sont abattus en région. «L’abattage, c’est réellement le maillon faible dans notre région. Il n’y a pas suffisamment d’outils à disposition des éleveurs», note Gwendoline Desailly. Ce qui crée aussi des distorsions de concurrence par rapport aux voisins européens, accentuées, par ailleurs, par les normes environnementales et l’organisation économique, faisant dire à Jean-Michel Serres, conseiller régional que «la filière est compétente, mais pas compétitive».
Enfin, dernier élément rédhibitoire : un parc de bâtiments d’élevage vieillissant, qui engendre parfois une moindre progression des résultats techniques, et ce, «même si les résultats techniques des éleveurs s’améliorent d’année en année», note Gwendoline Desailly. «Et il est encore plus dur de susciter l’envie de s’installer quand les bâtiments ne sont pas au top», ajoute Eric Bettens. Sans compter que la conjoncture freine aussi le développement et que l’investissement pour un élevage de porcs est énorme. Une fois cela dit, la filière a cependant des atouts.
Les atouts de la filière porcine
Tout d’abord, les élevages sont ancrés historiquement dans le territoire et en lien avec le sol. En effet, l’atelier porc est souvent associé à la polyculture, et plus particulièrement aux céréales. Autre atout : des surfaces agricoles sont disponibles à l’échelle de la région, soit 71 ha par exploitation porcine dans les Hauts-de-France contre 68 ha par exploitation porcine française (Source Ifip, d’après le recensement agricole de 2010). Autant de surfaces disponibles pour les épandages et pour des cultures qui peuvent être destinées à l’élevage (70 % de la ration se composent de céréales, ndlr), ce qui permet de baisser les coûts de production. Et ce, d’autant, qu’outre ces céréales utilisées pour fabriquer à la ferme, les éleveurs utilisent aussi des coproduits issus de l’industrie agro-alimentaire, très présente sur le territoire (85 900 tonnes d’aliments composés pour les porcs sont produites en région, source SNIA/Coop de France nutrition animal, juillet 2016).
La gestion de la mise en marché par les éleveurs au travers de leurs groupements (GPPMF, Suidéal et Cobevial) constitue aussi une force (75 % des volumes), et d’autant «qu’ils sont solides financièrement», relève Eric Bettens. Citons aussi la présence du groupe Bigard à Saint-Pol-sur-Ternoise, qui réalise 72 % des abattages en Hauts-de-France et accroît régulièrement son volume d’activité.
Par ailleurs, en termes de densité porcine (porcs/km2 de surface agricole), celle-ci est faible comparée à d’autres régions de France ou d’Europe, soit, 29 porcs/km2 contre 413 porcs/km2 en Bretagne, par exemple. De quoi favoriser le bien-être animal et être en phase avec les attentes des consommateurs.
Justement, en ce qui concerne la consommation, la région dispose de deux atouts intéressants. Le premier est la consommation de porcs dans les Hauts-de-France, qui est supérieure à la consommation nationale, soit 40 kg/an contre 33,1 kg/an. Reste que la production porcine ne couvre que 40 % des besoins de la consommation régionale. Traduction : plus de porcs pourraient être produits. Les débouchés existent. En termes de débouchés, la proximité d’un bassin de consommation de six millions d’habitants en offre bien d’autres, à qui sait saisir sa chance.
Ainsi, entre un bassin de consommation important, une production à taille humaine, les démarches qualité qui se développent (au nombre de dix), le développement des circuits courts, une faible densité de porcs au km2 favorisant le bien-être animal, la filière porcine est en phase avec les demandes des consommateurs et a les clés en main pour maintenir, voire développer ses volumes de production. Si le bio ne couvre pas actuellement la demande, et peut donc être une autre piste de développement, «au vu de son développement à venir, notamment en Bretagne, cela va aller très vite. Il faut donc rester prudent, d’autant que produire bio coûte très cher», rappelle Hervé Drouvin, président de Cobevial.
Peste porcine africaine
Le 20 octobre, le ministre de l’Agriculture a annoncé une nouvelle adaptation des mesures de prévention de la peste porcine africaine (PPA). Le ministère indiquait que les quatre semaines de recherches intensives et de dépistage des sangliers retrouvés mort à la frontière franco-belge confirment l’absence de cas de PPA dans la faune sauvage et le statut indemne de la France. Ainsi, sur la base des recommandations des experts européens, et après concertation avec les autorités belges, Didier Guillaume a décidé de réduire la zone réglementée au titre de prévention de la PPA, à compter du 20 octobre.
La zone d’observation renforcée (ZOR) est donc désormais restreinte aux cinquante-trois communes des Ardennes, de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, situées à moins de 10 km de la zone infectée en Belgique. Pour empêcher l’arrivée du virus de la PPA dans cette zone, la population de sangliers sera drastiquement réduite. Le périmètre de la zone d’observation a également été revu, la Moselle en est désormais exclue, et il comporte soixante communes des trois départements concernés par la ZOR. Dans cette zone, les restrictions concernant la chasse et les autres activités forestières ont été levées.